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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 09:07

     Marchand d'armes depuis quarante ans, grande gueule (selon ses propres termes),  toujours flanqué de jeunes femmes (bisexuelles, un atout toujours selon lui) disponibles pour recevoir des informations (dans le lit, ce sont les meilleures) de ses concurrents et "amis", si tant est qu'on peut en avoir dans cette "profession" d'intermédiaires, à la population nombreuse, Bernard CHEYNEL délivre dans ce livre en quelque sorte ses Mémoires... Dont maints passages constituent autant d'occasion de se plaindre des malheurs qu'il a dû enduré dans ses entreprises (solitaires), qui nous font arracher des tonnes de larmes de crocodiles (notez que les sauriens n'ont pas de glandes lacrymales...)...

     Par-delà le témoignage très détaillé de ses entreprises de relations publiques-privées visant à "faciliter", moyennant commissions normalement substantielles (qu'il s'est fait volées maintes fois) (forts pourcentages sur le montant total des contrats), nous révélant au passage les turpitudes de maints hauts responsables de sociétés privées et publiques d'armement (Safran, Dassault, Thomson, Thalès, Direction des Constructions Navales, Sagem, Sfim...) et de responsables politiques (de Jacques CHIRAC à Nicolas SARKOZY...), de la révolution iranienne à l'affaire Karachi, c'est une véritable description de la manière dont fonctionne réellement les marchés d'armements. Constamment relancés à l'occasion du renouvellement d'armes obsolètes (notamment dans l'aéronautique), les intermédiaires comme Bernard CHEYNEL, sans qui ces marchés n'existeraient pas, sont capables de mettre en relation responsables d'État des matériels en question et décideurs des sociétés commerciales.

Ces marchés d'armement fonctionnent en France suivant des caractéristiques que l'auteur désigne comme dommageables pour l'industrie d'armement elle-même. Trop dépendants des manoeuvres politiciennes de candidats à l'élection présidentielle soucieux avant tout de financer leurs campagnes électorales et leurs partis politiques. C'est ce système d'interpénétration des intérêts privés d'hommes politique et des intérêts publics (mal) gérés selon lui par, souvent des Polytechniciens (qu'on pourrait croire Poly-imbéciles!) qu'il dénonce comme responsable de ses déboires personnels et des déboires de l'industrie française d'armement face à ses concurrents européens, russes et américains...

   Très documenté - comme un dossier de procès comprenant autant de pièces à charge - en photographies (valorisantes pour l'auteur) et en reproductions de documents (compromettantes pour leurs signataires) - ce livre est instructif effectivement de la manière dont cette économie des armes fonctionne réellement, par-delà tous les calculs de coûts de production ou de ratios commerciaux, basée surtout sur des rapports personnels entre gens qui se connaissent très bien et se haïssent aussi bien (autant que des camarades de cours d'école maternelle!), vivant (très bien) de leurs entreprises, voyageant constamment en jet et résidant dans les meilleurs hôtels, passant vite des hautes sphères politiques à la prison... ou à la tombe!

  Bien entendu, le livre ne donne qu'un éclairage, dirait-on au quotidien, suivant une chronologie d'ailleurs bien rigoureuse et précise - qui jette par exemple une lueur - crue - sur les relations entre chiraquiens et baladuriens - et ne remplace pas une vue d'ensemble macro-économique et politique sur le commerce des armements.

 

Bernard CHEYNEL, avec la collaboration de Catherine GRACIET, Marchand d'armes, Seuil, 2014, 270 pages.

Catherine GRACIET est déjà l'auteure de plusieurs livres, dont La Régente de Carthage (La Découverte, 2009), Le Roi prédateur (Seuil, 2012) et Sarkozy-Kadhafi, Histoire secrète d'une trahison (Seuil, 2013).

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23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 08:48

    Rappelons simplement que les missiles tactiques interviennent dans tous les compartiments du champ de bataille : sur terre, sur mer et sous la mer. Ils sont utilisés pour endommager ou détruire différents types d'objectifs : chars, centres de commandement ou de télécommunications, radars, dépôts de munitions, avions, navires, sous-marins. 

Globalement, on distingue trois générations de missiles tactiques. La première est constituée de missiles télécommandés sur toute la trajectoire. La deuxième génération est composée de missiles autoguidés, se dirigeant seuls sur leur cible après un accrochage préalable assuré par le lanceur (avion, navire, véhicule terrestre). La troisième est formée de missiles "intelligents" capables d'attaquer seuls des objectifs préalablement désignés, permettant l'adoption de la technique dite 'tire et oublie" (fire and forget) qui libère l'opérateur humain pour de nouvelles actions.

       Les missiles tactiques balistiques (ils le sont tous, faisant appel à la pesanteur à un moment ou à un autre... jusqu'à maintenant) sont conçus pour une utilisation de courte portée sur le champ de bataille, typiquement à moins de 300 kilomètres. Ils constituent des armements intermédiaires entre l'artillerie conventionnelle à base de fusées et les missiles balistiques de grande distance, souvent considérés comme des missiles stratégiques. Il peut y avoir quantité de catégories suivant la distance à parcourir, comme pour la nature des charges emportées.

    Pour Joseph HENROTIN et Philippe LANGLOIT, chargés de recherche au CAPRI (Centre d'analyse et de prévision des risques internationaux de la DGA et DAS), les évolutions qu'ont connues les missiles tactiques ces dernières années sont considérables. Un véritable changement de paradigme selon divers spécialistes est en traint de se produire, montrant une recherche, chez les concepteurs comme chez les militaires, d'une plus grande polyvalence, montrant des évolutions radicales des enveloppes d'emploi des engins.

"Il existe, dans le domaine de la missilerie, une tendance émergente au brouillage des rôles et des fonctions, dont la première des rationalités est d'élargir l'enveloppe d'emploi des engins et, donc, la liberté de manoeuvre des commandants. Cette tendance se déploie tant dans le domaine naval que dans le domaine terrestre, avec le développement de missiles capables aussi bien de mener des missions antichars que d'appui d'infanterie, notamment en zone urbaine. Mais cette tendance lourde se double également d'évolutions plus radicales, cette fois dans le domaine de l'emploi tactique du facteur "temps" par l'intermédiaire de missiles qualifiés de "rôdeurs". Le principe est simple mais sa mise en oeuvre apparait plus complexe : après lancement d'un engin, il se met à la recherche de cibles potentielles qui, une fois détectées et validées, sont attaquées. Il s'agit bien ici "d'instruments de contrôle des "présents"". Au vrai, la tendance était latente, plusieurs tentatives ayant été menées dans les années 1990."

Après avoir détaillé les caractéristiques de plusieurs missiles tectiques, notamment américains, les deux auteurs indiquent que cette tendance reste à confirmer, étant donné que l'Europe n'est pas en reste avec ses propres programmes d'armements. Tous ces programmes, tant américains qu'européens, sont soumis aux contraintes budgétaires des États qui n'épargnent pas les armées.

"Face à la pression budgétaire (qui trouve des ramifications jusque dans la gestion des stocks de munitions), les armées demandent de plus en plus de capacités, quitte à ce que les nouveaux engins soient plus coûteux que les générations précédentes. Mais, au final, les états-majors, quels qu'ils soient, entendent réduire les coûts - bien que les réflexions en la matière soient très inégales d'un pays à l'autre. Deuxième grande tendance, la question de la maitrise du temps. Aujourd'hui, elle importe plus que la géographie - même si la géographie reste évidemment importante. Mais la géographie est à présent maîtrisée : du GPS à la fiabilité des capacités de projection, navale, terrestre ou aérienne, envoyer un engin à un endroit précis à 20 000 km de la base n'est plus un problème. Il ne faut plus "charbonner" et réparer comme lorsque la flotte russe, quittant la Baltique, mettait six mois pour atteindre, et s'y faire détruire, le détroit de Tsushima.

Le véritable problème réside, en revanche, dans la temporalité des frappes. "Aller vite", ou au contraire, "persister et attendre la bonne occasion", impose une maîtrise du temps qui sera indéniablement le prochain chantier stratégique du siècle (voir Joseph HENROTIN, Seapower. Enjeux et perspectives de la stratégie navale, collection Bibliothèque stratégique, Économica, 2009). Or, vues sous cette perspective, les contraintes pour la stratégie des moyens sont autrement plus importantes. Il faut des systèmes de guidage plus précis et pouvant être utilisés dans des cas de figure même pas envisagé au moment de la conception des engins. Il faut également des charges modulaires, adaptables, qui permettent de répondre au "temps politique" : pour parler crûment, en Afghanistan, en 2001, l'emploi de bombes de 907 kg était politiquement moins problématique qu'aujourd'hui. La légitimité de l'opération aux yeux du monde politique comme des opinions publiques était alors intacte. Il faut également une simplicité d'emploi devant répondre au "temps tactique" : s'engoncer dans de longues check-list avant un lancement n'est plus guère une option pour des pilotes ou des opérateurs engagés sur des terrains requérant déjà toute leur attention (pour tirer, il faut d'abord survivre) et qui sont soumis à des règles d'engagement contraignantes.

Il faut également répondre au "temps technique". Soit aménager des possibilités d'évolution des engins (afin de permettre des évolutions futures) tout en faisant en sorte qu'ils nécessitent le moins d'entretien possible. Les armées n'ont plus guère le temps de compter leurs boutons de guêtres... Les défis pour la génération à venir sont considérables, d'autant plus que les prospectives en matière budgétaire ne prêtent pas l'optimisme. Jamais, depuis 1945, les armées européennes n'ont été engagées dans autant d'opérations, mobilisant, pour une partie d'entre elles, presque totalement leurs unités de tête et ne laissant en réserve que des unités revenant d'OPEX (d'opérations extérieures), ou s'entrainant pour y être engagées. Et pourtant, en dépit de cet engagement, jamais les budgets n'ont été si faibles : l'unité comptable représentée par le nombre de poucents du PIB affecté à la défense est évidemment instable...".

Même si dans ce blog, on est loin de se joindre aux plaintes des militaires et des compagnies d'armements à ce sujet, il faut bien voir le décalage croissant entre des ambitions politiques affichées et des moyens accordés. En tout cas, l'évolution technologique, ici des missiles tactiques, s'inscrit dans une évolution globale des armements. De plus en plus de fiabilités techniques, de moins en moins d'unités opérationnelles...

On ne peut pas ne pas être frappé  (sans vouloir faire de l'humour noir) par le caractère imprécis des missiles tactiques employés dans la guerre en Ukraine. Loin des vantardises des uns et des autres, les effets des lancements de missiles va jusqu'à tromper sur le ciblage des adversaires : civil ou militaire, objectif de destruction des matériels militaires ou de terrorisme des populations.. Sans compter les effets fratricides qui se multiplient au gré des mauvaises coordinations entre éléments d'une même armée... S'emploient des missiles moins coûteux, moins précis et plus nombreux (plus anciens aussi) entrainant un usage qui se rapproche plus de celui de la première guerre mondiale que d'une guerre dite moderne...

 

Joseph HENROTIN et Philippe LANGLOIT, Missiles tactiques, Une nouvelle génération et deux tendances, dans Défense & Sécurité internationale, numéro 53, Novembre 2009.

 

ARMUS

 

Relu le 5 juillet 2022

 

 

 

 

 

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19 septembre 2016 1 19 /09 /septembre /2016 13:50

    Dans les grandes tendances de l'armement de l'infanterie de nos jours, se chevauchent et se contredisent (au sein des armées, mais pas dans les complexes militaro-industriels) deux orientations, deux options, deux voies : doter le fantassin de tous les équipements, des pieds à la tête, lui permettant de combiner à la fois repérage de l'ennemi, protection individuelle et efficacité dans le combat rapproché ou moins proche, faisant de son corps le réceptacle de multiples outils plus ou moins complexes et autonomes à manier sur le terrain ou/et encore construire un combattant entièrement mécanique, sorte de drône terrestre qui prolongerait avec tous leurs avantages sans en avoir leurs inconvénients des véhicules tous-terrains de toutes sortes, de chars avec des manoeuvrabilités bien plus grandes, des précisions plus fortes aussi.  

      Les deux options existent et l'une prendra sans doute le pas de l'autre suivant les coûts des matériels développés et... de l'expérience sur le terrain. A moins qu'elles ne soient développées en parallèle, pour peu qu'augmentent les capacités budgétaires des armées. Car l'obstacle principal à ce développement est le coût de ces équipements, un autre étant les difficultés de formation du combattant ou du) servant (suivant l'option... Un autre obstacle réside dans la capacité des constructeurs de ces équipements d'en faire des instruments techniques cohérents...

    

    Des projets de ses promoteurs eux-mêmes, le fantassin à équipements et liaisons intégrés" est un fantassin (du XXIe siècle) doté d'un système de combat individuel. Aux noms différents selon les pays, programme FÉLIN en France, développé par la Sagem Défense Sécurité, programme FIST (Future Integrated Soldier technology) en Grande Bretagne, il s'agit d'un système de combat permettant d'améliorer cinq fonctions :

- communication

- observation

- létalité

- protection

- mobilité et soutien.

Par ailleurs, le système doit présenter une compatibilité améliorée avec les systèmes d'arme, les équipement, véhicules et aéronefs tels que lance-roquettes, postes de missiles, véhicules de transports blindés, véhicule de combat d'infanterie, hélicoptères... Il s'agit d'un système différent du système de protection contre les armes NBC qui transforme déjà l'allure du fantassin moderne. 

   Ces programmes répondent plus ou moins au futur standard OTAN Future Soldier lancé au cours des années 1990. L'évolution de la situation économique des Etats fait que les ressources accordées au développement de tels programmes sont très variables, et c'est parfois seulement depuis le début des années 2010 que s'accélèrent dans les armées la dotation d'équipements qui s'en rapprochent, souvent par petit bout, sans que l'on perçoive une révolution dans l'art de se mouvoir et de combattre du combattant. 

   En France, c'est entre 1995 et 2000 qu'un programme d'étude amont de la Direction Générale de l'Armement menée par le GECAD (Groupement d'Etude du CombAttant Débarqué), permet la réalisation d'un démonstrateur d'étude (démonstrateur de faisabilité), principalement centré sur les communications, l'observation (en conditions diurnes et nocturnes), la protection (dont la discrétion visuelle et acoustique), l'autonomie en énergie et la mobilité (poids de l'équipement, ergonomie, mobilité). Celui-ci, toujours selon les promoteurs de tels programmes, grâce à des essais sélectifs en laboratoire et sur le terrain, apporte la preuve qu'à l'horizon 2000-2005, les technologies choisies seraient effectivement matures pour envisager le développement d'un véritable système-combattant individuel. C'est à l'issue de telles études qu'en mars 2004, la société française Sagem Défense Sécurité est désignée pour réalisé le programme "Félin". L'armée française passe en 2009 une première commande globale de 22 588 systèmes, mais le projet de loi de programmation militaire 2014-2020 n'en prévoit que 18 552 exemples. Les premiers systèmes "Félin" sont livrés à l'armée de terre en mai et septembre 2010. En décembre 2014, 17 régiments d'infanterie sont équipés. 

Le "Félin" est basé sur une architecture combinant deux réseaux, l'un transmettant les flux de données et l'autre permettant l'alimentation en énergie. Il est constitué d'un ensemble d'équipements organisés en sous-systèmes :

- l'armement

- les équipement textiles de camouflage et de protection

- l'équipement de tête

- les équipements électroniques individuels

- les lunettes de tir et jumelles d'observation

- le système d'information tactique

- et le kit d'intégration dans les véhicules.

Avec le temps, des variantes sont introduites dans les équipements, avec les mêmes objectifs. Une tenue NBC notamment permet au combattant de poursuivre sa mission. Quasiment tous les éléments de l'équipement sont appelés à suivre des évolutions technologiques, parfois importantes, qui rendent le fantassin plus efficient. 

   Si en Italie se développe le Soldato Futuro, en Allemagne l'IdZ-ES, en Espagne le COMFUT (COMnatiente FUTuro) et au Royaume-Uni le FIST, l'armée américaine suit et parfois précède le même processus, avec la très forte attention de l'armée russe qui se s'est doté de son propre programme. En effet, le Ratnik, nom de son système de combat individuel, commence à équiper des régiments depuis au moins 2015. D'ailleurs, dans les différents salons d'armement terrestre et aéroterrestre, ces équipements sont présentés, façades médiatiques d'une course aux armements qui est autant technologique qu'idéologique. 

  Le rythme d'équipement des armées est très variable et si on lit bien les différents rapports de programmations militaires des différents pays, on peut voir que cet équipement du futur est d'abord dévolu à des parties précises des armées, sans volonté pour l'instant de dotation généralisée.

 

   Ainsi la Grande Bretagne a repoussé jusqu'à 2010 dans un premier temps la mise en service de la première génération de FIST, tout en étudiant déjà des variantes. Thalès UK se voit d'ailleurs attribuer le développement du programme en 2003 et de nombreux essais sont menés depuis. La date d'achèvement de ce programme est encore actuellement portée à 2020 et à tous les niveaux, on ne veut rien laissé au hasard, tant l'enjeu est important. En 2009, le projet est en phase de démontration, à l'issue de laquelle est envisagé l'équipement de 29 000 soldats, les premières troupes étant dotées depuis 2010.

En premier lieu, il convient, précise Emmanuel VIVENOT "de retenir que cet équipement n'est pas destiné à doter chaque soldat britannique. Il sera distribué aux unités en fonction des besoins de la mission, à la fois aux troupes de mêlée et aux unités de soutien logistique au combat. le contrat final, d'un montant de deux milliards de Livres Sterling, porte sur 35 000 kits qui devraient être attribués à la British Army, au RAF Regiment et aux Royal Marine Commandos entre 2015 et 2020.

Au début de 2004, un accord de partage des compétences et de connaissances fut mis en place entre le Royaume-Uni et les USA concernant les systèmes d'alimentation en énergie, la gestion de cette dernière et une nouvelle technologie de batteries à essence.

En novembre 2006, une série d'essais concernant une extension du FIST 2.0 mit quatre équipes en concurrence pour les radios du système C41 : Selex Communications (radio SSR), Thalès Iradio Vector Teral, et Cobham (radio ITT ou Raytheon MicroLight). ce fut finalement le tandem Cobham/Raytheon qui fut retenu."

 

   Cet exemple montre que les évolutions technologiques de l'équipement du fantassin, et pas seulement pour son armement, se poursuivent à grande vitesse, du moins sur les planches de bureau...Dans un environnement de plus en plus hostile parsemé de pièges de toutes sortes, notamment en milieu suburbain ou urbain, le soldat se voit doté d'outils de plus en plus complexes aux coûts croissants. Il y a certainement un seuil de possibilités de le doter de tels outils, sa capacité d'attention restant limitée. Dans l'esprit de nombreux responsables militaires, se distanciant de l'enthousiasme des entreprises d'armements, ces capacités n'ont de sens que si la situation d'asymétrie recherchée dans le combat moderne se maintient. L'un des motifs psychologiques qui poussent à la recherche d'outils de plus en plus performants réside notamment dans la recherche du zéro mort, les pertes dans les rangs, occidentaux notamment, étant jugés par les populations nanties comme de plus en plus inacceptables. 

   La guerre en Ukraine montre d'ailleurs des fantassins à des années lumière des conceptions les plus avancées sur ses équipements, le soldat courant ressemblant souvent à son homologue de la deuxième guerre mondiale, voire de la première...

Emmanuel VIVENOT, Le programme FIST, dans Défense & Sécurité internationale Technologies, numéro 19, Septembre-Octobre 2009. 

 

ARMUS

 

Relu le 7 juillet 2022

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1 août 2016 1 01 /08 /août /2016 09:33

     D'une pertinence stratégique en question, d'un coût bien supérieur à celui de tous les types d'aéronefs existants, non seulement en termes de matériels mais également en terme de formation de leurs servants, de mise en oeuvre et d'entretien, le porte-avion est toutefois toujours porteur à la fois d'une esthétique de la puissance - quand des porte-avions se déploient, c'est le signe marquant d'une montée en puissance, quel que soit la mer considérée - et... tout à fait matériellement, des vecteurs aériens nécessaires à des opérations orientées vers la terre plus ou moins proche, au moment où les bases en territoire allié (notamment au Moyen-Orient) font l'objet de dures négociations diplomatiques et financières. 

 

Le porte-avions, bâtiment majeur

    Le porte-avions a supplanté depuis la Deuxième Guerre mondiale le cuirassé en tant que navire constituant le bâtiment principal de la marine (capital ship) parmi les forces de combat de surface. En plus des porte-avions classiques, sont apparus les porte-aéronefs (hélicoptères ou avions de taille petite ou moyenne). Ils constituent de "véritables bases aériennes mobiles capables de défendre une zone comme d'exercer une menace allant jusqu'à frapper dans la profondeur des terres" comme l'écrit Franck MAIRE. "Les programmes ou projets qui fleurissent, poursuit-il, sur tous les océans du globe révèlent l'intérêt croissant porté à ces navires hors du commun, par les puissances qui ont des ambitions navales." Le porte-avions, in fine, est un instrument clé de la maitrise des airs. 

  Notre auteur, du pôle Etudes du CESM, indiquent deux événements récents caractéristiques dans l'histoire récente des "ponts-plats" : les premières sorties en mer du porte-avions chinois Liaoning qui marquent l'entrée de la Chine dans le club fermé des puissances navales dotées de porte-aéronefs, et le lancement de l'USS Gerald R Ford, "supercarrier" américain de nouvelle génération. Cette unité concrétise à lui seul l'évolution des armes majeures : c'est le plus important navire de combat jamais construit (100 000 tonnes) et le plus cher (14 milliards de dollars à ce jour). 

  L'arrivée d'aéronefs à décollage et appontage courts ou verticaux (Short Take-Off Vertical Landing ou STOVL) a engendré la construction et la mise en service d'un type hybride de bâtiments qui n'existait pas auparavant, les porte-aéronefs. C'est un élément de diversification de la flotte d'un Etat, très prisé des puissances moyennes qui ne peuvent se payer de mastodontes porte-avions modernes. 

Le porte-avions reste l'instrument de puissance ; peu de pays peuvent en assumer les frais : la Chine s'y lance, les États-Unis en possède dix à propulsion nucléaire, la France a le Charles de Gaulle et la Grande-Bretagne y fait un retour avec le Queen Elizabeth pour 2017, puis le Prince of Whales. La Russie s'appuie toujours sur son unique porte-avions, le Kuznetsov, dont la disponibilité et le niveau opérationnel restent incertains et l'Inde remplace ses deux plate-formes datant de 1957 (de facture britannique) avec l'INS Vikramaditya acheté à Moscou et son programme local pour fabriquer l'INS Vikrant (pour 2018). Le Brésil, avec des visées régionales, met toujours en oeuvre le vénérable Sao Paulo. 

 

Plus largement, le porte-aéronefs...

Le porte-aéronefs est préféré non seulement par les puissances moyennes, mais également par les autorités militaires maritimes des différents grands pays qui ne veulent pas dépendre seulement d'un ou de deux porte-avions. Conçu pour des missions multiples, il permet l'emploi d'hélicoptères de combat ou d'avions de taille moyenne à des fins de défense aérienne et de projection de puissance, sans avoir à recourir pour les mêmes missions au déploiement des lourds porte-avions. Suivent notamment ce chemin l'Espagne et l'Italie en Europe, la Thaïlande, l'Australie, le Japon...

  De nombreux analystes, rapporte toujours Franck MAIRE, américains en particulier, s'interrogent sur le bien-fondé du concept de porte-avion géant choisi pour l'USS Gerald Ford. Ils craignent que ce type de navire soit devenu caduc face à d'autres systèmes et d'autres stratégies.

Cela renvoie au grand débat outre-Atlantique sur la guerre moderne navale qui oppose deux stratégies. L'une de la supériorité navale de théâtre pour favoriser la projection de forces (Sea Control américain) et l'autre du déni d'accès/interdiction de zone que les Chinois voudraient appliquer dans les mers de Chine face aux groupes de porte-avions adverses. Comme d'habitude les tenants des deux stratégies et les entreprises d'armement qui les soutiennent (ou les suscitent...) poussent au développement d'armements différents, qualifiés de complémentaires, mais aux coûts qui ne cessent de grimper. Des missiles balistiques anti-navires de très longue portée de types très divers aux capacités de dominer les spectres électromagnétiques, optiques et acoustiques... Tout l'arsenal de guerre électronique est étudié avec attention, car un saut technologique dans ce domaine risque de rendre inopérants tous ces mastodontes militaires. Certains experts proposent que le format de l'US Navy de 2065 (date théorique du retrait du service du Gerald Ford) privilégie plus des porte-avions plus légers, plus nombreux et par conséquent plus présents dans les toutes les "zones chaudes". Et même de développer des "petits" porte-avions à propulsion conventionnelle (46 000 tonnes environ), employables de concert avec des sous-marins nucléaires pour la gestion "discrète" et "non diplomatiquement visible" de crises dans le monde entier. 

  L'aura du porte-avions géant semble encore fasciner les grandes puissances navales comme celles qui voudraient le devenir (Russie, Chine). Mais la tendance serait plutôt de favoriser des programmes moins coûteux - encore que les complexes militaro-industriels s'y opposent en définitive - avec des unités navales plus abondantes aux équipement plus diversifiés, vu notamment l'imprévisibilité de plus en plus grandes de l'évolution stratégique. 

Franck MAIRE illustre cela par les exemples différents du Royaume- Uni et de la France. "Leurs passés sont riches d'expérience opérationnelle dans la mise en oeuvre d'un GAN et leurs ambitions navales océaniques assez proches. La Marine nationale a privilégié l'option d'un porte-avions de taille moyenne (42 000 tonnes) à propulsion nucléaire, équipé de catapultes et accueillant 40 appareils. Depuis plus de dix ans, le Charles de Gaulle a accumulé une forte expérience opérationnelle et déploie un groupe homogène de Rafale (chasseurs, bombardiers, reconnaissance, ravitailleurs) et de Hawkeye. La Royal Navy a opté pour deux porte-avions conventionnels plus lourd (65 000 tonnes), dont le premier, le Queen Elisabeth, n'est pas gréé de catapultes. Ces unités avec tremplin mettront en oeuvre un groupe aérien de 40 aéronefs dont des STOVL F-35B et des hélicoptères d'alerte avancée Merlin. La problématique de la Marine nationale est la gestion d'une seule plate-forme qui nécessite - en raison de sa propulsion nucléaire - des arrêts techniques majeurs programmés qui excèdent un an. Or, les crises ne se programment pas. Les difficultés britanniques sont d'un autre ordre, Londres ne disposera que d'un nombre de F-35B réduit qui ne permettra même pas d'armer un groupe aérien complet pour les deux navires en même temps. La coopération trans-manche aurait pu être une solution mais, contrairement aux unités américaines, le Queen Elizabeth ne peut catapulter de Rafale ou accueillir d'Hawkeye... Dans le monde incertain qui est le nôtre, le poids du fait aérien est confirmé, mais la capacité à le mettre en oeuvre, quand et où le pouvoir politique le souhaite, prend de plus en plus d'importance. En conséquence, le concept actuel du porte-avions garde de beaux jours devant lui."

 

Franck MAIRE, Quel avenir pour les porte-avions?, Diplomatie Les grands dossiers n°33, Juin-juillet 2016.

 

ARMUS

 

Relu le 4 juillet 2022

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31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 09:24

    Dans les flottes des pays les plus puissants de la planète, les sous-marins constituent une pièce maitresse de la maitrise des mers et de leur flotte. Parmi les vaisseaux en mer, ce sont ceux-ci dont la technologie est la plus cachée aux adversaires et aux alliés. Même lorsque après la seconde guerre mondiale, les États-Unis et l'URSS cédèrent à leurs alliés - selon une habitude de leur confier des bâtiments et leurs technologique à moitié obsolète, ce qu'ils acceptent car ils partent de beaucoup plus loin - de nombreux sous-marins, la technologie sous-marine demeure un domaine très réservé. Posséder des sous-marins, encore à l'heure actuelle, ce n'est pas, rappelle Franck MAIRE, du pôle du Centre d'études stratégiques de la Marine français (CESM) maitriser complètement leur maniement et leur opérationnalité. 

"Si la dissémination, écrit-il, des vecteurs et de leur armement est bien réelle, celle des transferts de technologie et de la capacité de les mettre en oeuvre reste encore mesurée, en particulier dans les domaines de la propulsion - notamment nucléaire - et des armements."

Pour beaucoup d'analystes, dont notre auteur, le sous-marin est un outil puissant et polyvalent, ce qui ne change pas beaucoup de la situation de la seconde guerre mondiale, mais dont les missions "se sont considérablement étendues depuis les années 1970. Capable d'évoluer en milieu adverse au plus près de la cible grâce à sa discrétion, il est un moyen aussi bien adapté au temps de paix qu'aux crises ou conflits. Le sous-marin, poursuit-il, constitue en effet une excellente plate-forme de renseignement multi-domaine : électromagnétique, acoustique, optique ou humain (mise en oeuvre de forces spéciales) et remplit des missions d'information, de surveillance, de reconnaissance (ISR). Dès le temps de paix, il participe ainsi à la stratégie navale d'un Etat par son pouvoir dissuasif et sa présence possible dans une zone d'intérêt." Du fait de sa discrétion, un adversaire ne peut pas savoir si oui un non un sous-marin rôde dans les parages de ses côtes.

"En temps de crise ou de guerre, le sous-marin devient l'arme du combat naval par excellence. Il est l'instrument privilégié des opérations d'interdiction maritime (Sea Denial), contribue à celle de contrôle des mers (Sea Control) et fait aujourd'hui partie de la panoplie des vecteurs de projection de puissance vers la terre. Il participe ainsi à des actions vers la terre par frappes de missiles ou peut venir en soutien d'actions de forces spéciales."

 

Sous-marins nucléaires et sous-marins classiques

   Il faut toujours distinguer les sous-marins classiques des sous-marins nucléaires. Ces derniers types se subdivisent en sous-marin nucléaire d'attaque (SNA), c'est-à-dire propulsé par des moteurs utilisant l'énergie nucléaire et en sous-marin nucléaire lanceurs d'engins (SNLE), c'est-à-dire également à propulsion nucléaire mais également lanceurs d'engins nucléaires. Ces derniers participent à la dissuasion nucléaire. Le "club nucléaire" des États mettant en oeuvre une composante de dissuasion nucléaire par vecteur sous-marin est très restreint. Seules comptent là 6 puissances : les cinq "habituels", soit les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, la France et la Chine, auxquels s'est ajouté récemment début 2016, l'Inde. Cette dernière possède un navire équipé de missiles de croisière à tête nucléaire, en attendant l'entrée en service d'un missile balistique (K4) pouvant frapper à 3 500 kilomètres. Ce sous-marin "indigène", en grande partie inspiré des productions russes, est un hybride entre le SNA et le SNLE (missiles classiques et nucléaires). Israêl et le Pakistan, de leurs côtés, peuvent potentiellement mettre en oeuvre des missiles de croisière à tête nucléaire à partir de sous-marins à propulsion conventionnelle.

Comme l'écrit toujours Franck MAIRE, "l'ampleur (coûts et technologies) et la durée des programmes de conception, de construction et de formation d'une composante de SNLE rendent faible la probabilité d'évolution de l'ordre de bataille mondial dans ce domaine".

Officiellement (ce qui veut dire chiffres à prendre avec grande prudence), l'évolution de la flotte sous-marine (à partir de chiffres 2014 de la DGA - Délégation Générale à l'Armement française) permet de constater que 42 marines sur 172 sont dotées de sous-marins de combat, ce qui représente 484 navires armées au total, loin des quelques 980 qui équipaient 43 marines en 1988. Certains États n'en possèdent plus (Albanie, Cuba, Bulgarie, Danemark, Libye, Ukraine...), d'autres s'en sont dotés (Iran, Corée, Singapour, Malaisie, Vietnam). D'autres pays sont en passe d'en acquérir comme le Bengla Desh et la Birmanie. En fait, si le nombre de pays disposant de sous-marins croit, notamment hors UE et hors OTAN, le nombre des ceux-ci décroit. Il y a bien dissémination, mais avec des écarts de technologie très importants. Plus les pays "moyens" veulent réduire cet écart... moins ils déploient de navires. D'autre part, trois pays de l'OTAN, États-Unis, Royaume-Uni et France n'ont plus de sous-marins conventionnels. Tous par conséquent sont à propulsion nucléaire.

Décrivant les évolutions des forces sous-marines, Franck MAIRE écrit encore que "les nations dotées de SNA ont toutes entamée le renouvellement de leur ordre de bataille. Les Virginia américains, Astute britanniques, Yasen russes, Suffren français et Shang chinois seront les sous-marins d'attaque des flottes océaniques du XXIe siècle. Pour l'Inde, il faudra attendre les premiers retours d'expérience de déploiements de l'Arihant. Quant au Brésil, son premier SNA est programmé pour une mise sur cale en 2025."

Pour les sous-marins conventionnels, la dissémination devrait se poursuivre, notamment en Asie, sous trois traits marquants :

- l'adoption de manière plus intense de la propulsion anaérobie, système de propulsion qui, sans égaler les performances du nucléaire, étend considérablement l'endurance des sous-marins en plongée ;

- l'extension des achats de navires de seconde main, notamment de la part des puissances mineures ;

- l'arrivée, sur le marché de l'exportation, tant est si forte l'évolution du commerce dans ce domaine militaire, de deux nouveaux compétiteurs qui s'ajoutent au quatre "historiques" (DKMS, DCNS, Kockums et Amirauté) : la Corée du Sud (HHI/DSME) et le Japon (MHI/KHI).

  il faut compter aussi avec la prolifération des systèmes de missiles de croisière navals à changement de milieu (frappe vers la terre et anti-navires) qui montre l'attrait de plus en plus vif de solutions de dissuasion du faible au fort qui, même sans tête nucléaire (il existe de bons explosifs conventionnels...), peuvent remettre en cause les équilibres géostratégiques actuels.

 

Franck MAIRE, La place du sous-marin dans les opérations navales de demain, Diplomatie Les grands dossiers n°33 (Géopolitique des mers et des océans), Juin-Juillet 2016.

 

Relu le 22 juin 2022

 

 

 

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14 juillet 2016 4 14 /07 /juillet /2016 12:51

     De même que l'armée allemande des années 1930 a pu sur le terrain expérimenté à vaste échelle pendant la guerre civile espagnole, de même l'ensemble des armées occidentale, après la grande mise en oeuvre de la seconde guerre mondiale, bénéficie de l'expérimentation à échelle réelle (et non plus sur des simulations d'ordinateur), de tous ses matériels dans les champs de bataille du Moyen-Orient et singulièrement du Golfe Persique. Cette expérimentation concerne tous les types d'armements majeurs (pour les armes légères, le territoire des États-Unis est un bon champ d'activités...), notamment ceux qui pourtant pouvaient apparaitre comme dépassés par l'évolution même des matériels (notamment électronique et informatique) comme l'artillerie. Sous les coups de butoirs de tout l'arsenal des missiles et contre-missiles, des plus puissants (pouvant être utilisé comme porteurs d'engins nucléaires) jusqu'aux armements portatifs individuels ou maniables en duos ou petits groupes , on pouvait penser que l'artillerie, notamment l'artillerie sol-sol, était condamnée à l'obsolescence. 

  Or comme le constate Joseph HENROTIN, chargé de recherche au CAPRI, "qu'il s'agisse de combat symétrique ou asymétrique et en dépit des évolutions technologique, l'appui-feu à distance de sécurité reste une nécessité et l'artillerie - tractée, motorisée ou mécanisée - continue d'y jouer un rôle important, aux côtés de l'aviation. En pratique cependant, on peut s'interroger sur un rôle futur de l'artillerie, notamment au regard de l'évolution des perceptions politiques mais aussi des progrès effectués par les forces aériennes." Contre une tendance à éviter l'affrontement terrestre au sol, et compte tenu des limites d'une stratégie strictement aérienne, les états-majors semblent reconsidérer l'avenir de l'artillerie terrestre.

   Les États européens modernisent leurs parcs d'artillerie, tout en suivant le mouvement général des armements : diminution du nombre d'armes, ici surtout réduction du nombre de tubes et accroissement de la précision de tir, de la rapidité des cadences, de la fiabilité des munitions. Contre la tendance générale qui persiste et même augmente encore en importance du rôle des munitions aériennes, l'artillerie, de longue portée notamment, se perfectionne et possède encore, selon Joseph HENROTIN un certain nombre de qualités militaires :

- Possibilité d'utilisation en tir direct comme indirect, ce qui peut être problématique en environnement montagneux et notamment lorsque les positions adverses doivent être "traitées" en contre-pente (comme en Afghanistan) ;

- Capacité de maintenir sur de longues périodes une grande puissance de feu (surtout avec les techniques de tirs multiples avec impacts simultanés), utile tant en combat conventionnel qu'en contre-insurrection ;

- Engagement de cibles rapide après demande d'appui (le temps se réduit de plus en plus...), utile lorsqu'on a affaire à des groupes ennemis mobiles ;

- Degré d'ubiquité important, ce qui permet d'intervenir rapidement sur plusieurs points d'engagement différents, pour peu que le nombre de tubes soit suffisant ;

- Coût moindre par rapport à l'aviation, avantage qui peut être remis en question lorsque les munitions de précision sont employées, lesquelles ont tendance, via les matériels électroniques et informatiques utilisés a voir leurs prix s'envoler.

 "Fondamentalement, écrit-il, un appui-feu peut être nécessaire dans toutes les phases du combat, depuis les troupes en contact jusqu'au repli, en passant par des démonstrations de force. L'avantage de l'artillerie réside ici dans sa persistance : si elle est à portée des troupes soutenues, elle peut être considérée par ces dernières comme un appui quasi organique, même s'il est positionné à distance. Il n'en est pas tout à fait de même pour l'aviation (...). Car ses appareils ne sont pas systématiques disponibles. "Même si a priori, l'emploi de l'aviation en matière d'appui rapproché semble plus intéressant que celui de l'artillerie : elle est plus souple, plus précise, plus rapide dans certaines conditions et autorise un degré d'adaptation plus élevé à la situation du moment. Mais plusieurs facteurs pondèrent toutefois ce jugement. En effet, ce n'est la cas que dans les conditions actuelles de combats réguliers et irréguliers, où les demandes de tir sont relativement peu nombreuses, alors qu'elles le seraient bien plus en cas d'assaut blindé adverse (...)." C'est qu'on assiste, devant l'élévation rapide des coûts de l'aviation, à une contractions des flottes. Vers 2020, avoir comme la France ou la Grande Bretagne en tout 300 appareils en théorie disponible est considéré comme relevant des forces les plus importantes en Europe. Dans les arbitrages budgétaires, les responsables politiques ont plutôt tendance à privilégier à la fois l'artillerie terrestre par rapport à des puissances de feu aérienne, combinant aviation et emploi de missiles, et à s'orienter du côté de l'aviation (notamment pour la reconnaissance aujourd'hui) au déploiement d'avions sans pilotes, de drônes. Plus, plutôt que de continuer à perfectionner des avions, la préférence va au développement d'études et de recherches en faveur d'appui-feu aérien piloté à distance, sans doute par exemple, dans une combinaison de l'artillerie terrestre et de drônes dotés de moyens offensifs, lesquels seraient pilotés à distance auprès des installations terrestres....

  La guerre en Ukraine illustre tout-à-fait ces tendances. Parce que les armements terrestres deviennent de plus en plus cher à l'unité, leur nombre diminue dans les armées (jusqu'à la caricature d'ailleurs...), et les autorités militaires doivent faire usage (de tout feu!) d'armements en réserve datant de dizaines d'années, même si ceux-ci sont obsolètes, manquant de précision, et de plus servis par des soldats ne bénéficiant pas de formation. Cela donne des pluies erratiques d'obus et de missiles, notamment sur les villes, sans autre cohérence d'une efficacité psychologique dont la seconde guerre mondiale a démontré la nullité... l'usage de drônes, de plus en plus fréquent, moins chers et plus faciles d'emploi, se généralise.

 

Joseph HENROTIN, Quelles mutations pour l'artillerie à l'aune de l'expérience afghane?, dans Défense et Sécurité Internationale, numéro 62, septembre 2010.

Relu et complété le 25 juin 2022

 

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4 juin 2016 6 04 /06 /juin /2016 11:26

      Matériel aérien, le parachute sert à décélérer aérodynamiquement la vitesse d'un mobile, laquelle peut avoir pour origine la pesanteur ou la propulsion. 

      Le parachutisme militaire permet de mettre en place du personnel ou du matériel au sol par largage à partir d'un aéronef (montgolfière, avion...) dans le cadre d'opérations militaires. Dans ce même cadre, il peut permettre aux pilotes et servants d'un avion de sauter de leur véhicule perdu. Le parachutage peut se faire de nuit comme de jour, la contrainte principale étant la vitesse du vent. Plusieurs systèmes d'ouverture du parachute existe, adaptés à l'usage. Il existe des parachutes individuels comme des parachutes plus importants permettant le largage de matériels lourds.

 

Un usage non militaire très ancien

  L'utilisation civile du parachute est très ancienne (1306, Chine), mais son utilisation militaire n'est pas attestée. Encore une fois pendant la Renaissance (Léonard de VINCI par exemple), la conception du parachute est élaborée dans ses aspects techniques - voilure, condition de descente.... 

Ce n'est qu'à l'époque des premiers vols des montgolfières qu'on expérimente des parachutes rigides avec des animaux et ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle en Occident que l'on préconise d'employer le parachute à des fins militaires (Jean-Jacques GARNERIN, 1797). Des démonstrations sont effectuées tout au long du XIXe siècle et, à la fin seulement de celui-ci, l'Allemande Kathe PAULUS effectue le premier saut avec un parachute plié.

   Alors que se multiplient les accidents d'avion, le parachute, devient comme moyen de sauvetage, l'objet de multiples recherches. Le premier saut d'avion est réalisé en 1912, mais les aviateurs, sauf les Allemands vers la fin, ne sont pas dotés de parachute pendant la première guerre mondiale. Par contre les aérostiers des montgolfières, d'abord français (fin 1915), puis anglais et allemands (1916) en portent. Quelques combattants (italiens puis allemands) sont parachutés pour des missions particulières. Se fait jour dans les états-majors l'espoir (un vieux rêve militaire en fait) de porter des troupes plus ou moins nombreuses derrière les lignes ennemies. 

   La véritable première mission aéroportée est réalisée par les Soviétiques en 1930. Par la suite des bataillons de parachutistes sont créés (1932) et des manoeuvres testent leur efficacité. En plein dans la réorganisation (secrète) de l'aviation allemande sur le sol soviétique, Goering crée la première unité des parachutistes (1935). Deux groupements français d'infanterie de l'air sont créés en France en 1936 et mis sur pied l'année suivante. Les Italiens, les Anglais puis les Américains (mais seulement en 1940) suivent le mouvement. 

   Lors de l'occupation des Sudètes, les Allemands prévoient une opération aéroportée, suivie de bien d'autres, tant leur fiabilité est grande pour prendre ponts et aérodromes sur un territoire adverse. L'efficacité des parachutistes contre des objectifs limités loin du front incite les Alliés à les utiliser largement eux aussi ensuite. Par exemple, sous l'impulsion de David STIRLING, les Anglais créent le Special Air Service (SAS), à la fin de l'année 1941, qui détruit lors de son activité 400 avions allemands et italiens en Lybie en 1942. Les SAS sont employés ensuite dans toute l'Europe.

  Les parachutistes, loin de constituer une simple force d'appui ou d'appoint, sont particulièrement adaptés pour effectuer des raids en profondeur sur tous les fronts (européens ou  dans le Pacifique). Leurs mission peuvent être variées, d'opérations militaires massives dans des débarquements d'ampleur stratégique aux opérations politiques d'enlèvement de personnalités. Le taux de pertes subies par les unités de parachutistes peut toutefois être très élevé, aussi passé 1944, on en revient surtout à des opérations ponctuelles mais plus fructueuses comme la création de tête de pont sur des cours d'eau. Ces pertes sont liées, plus qu'à une DCA qui s'adapte, aux erreurs de largage (marais, forêts) dues à la difficulté de tenir compte des conditions météorologiques.

 

Après la seconde guerre mondiale, un déclin du parachutisme

    Au cours des conflits de la seconde moitié du XXe siècle, les états-majors renoncent à l'emploi massif des parachutistes et notamment dans les conflits de type classique. Ainsi, il n'y eut qu'une seule opération de largage de parachutistes dans la guerre de Corée. Mais l'emploi de ceux-ci apparaissent particulièrement adapté aux guerres de décolonisation, notamment en Indochine (grâce à leur mobilité et leur légèreté). Ils sont notamment chargés de dégager ou de renforcer les garnisons des postes, de reprendre une ville ou une zone tombée aux mains de l'ennemi en bénéficiant de l'effet de surprise. Ils sont utilisés pendant la guerre d'Algérie, la guerre du Vietbam, la guerre israélo-arabe de 1973.

   Si le parachutage de matériels et de munitions, beaucoup réalisé lors de la seconde guerre mondiale à destination des différents résistances à l'occupation allemande, il est remplacé dans ces fonctions de nos jours par l'héliportage. Si les unités parachutistes sont moins employées comme moyen de combat, tous les pays s'en sont dotés.

   Et dans la plupart des cas, ces unités sont préparées pour des missions particulièrement périlleuses, qui nécessitent une organisation et des structures originales, une préparation méticuleuse... pour une action décentralisée laissant place à l'initiative d'élites caractérisées par ailleurs pour leur fortes individualités. Ces soldats subissent des entrainements sévères, souvent à la limite de leurs capacités physiques et militaires.

   L'esprit de corps y est sans doute l'un des plus vivaces et seul celui des marines peut s'y comparer. Le monde parachutiste constitue aussi une sorte de "secte" (avec un certain pendant dans le civil d'ailleurs) avec son vocabulaire et son rite initiatique : le saut qui est un obstacle redoutable pour les néophytes que l'anxiété saisit quand ils montent, malhabiles, serrés entre le parachute dorsal et le ventral, gênés par l'équipement et l'armement, dans l'avion. L'attente et les trépidations de l'appareil augmentent encore leur appréhension jusqu'au moment fatadique, le hurlement de la sirène qui est aussi le moment de la libération, du largage. Le moment de balancement dans l'air jusqu'à la chute, réalisée selon des techniques précises est sans doute le plus exaltant... tant qu'on est pas en guerre intense, car c'est aussi le moment où les tirs de DCA pouvaient interrompre bien des vies. Le combattant est entièrement dépendant du vent, bloqué dans ses équipements, ce qui peut le rendre très vulnérable dans un champ de tirs intenses.

     Pour pallier à la vulnérabilité générale pendant le parachutage, les ingénieurs dotent le parachute d'un certain nombre de capacités de manoeuvre en agissant sur la voilure (sa forme, ses dimensions, sa matière...) et sur les dispositifs des dispositifs pouvant être pris en main par  le combattant, pour jouer sur la direction et la rapidité de la chute. Mais ces techniques ne sont réellement utilisables qu'en petit groupe ou isolé, idéales toutefois pour les services spéciaux lors des missions "discrètes". 

 

Christian GRAVAT, Parachutes, dans Encyclopedia Universalis, 2014. Gilbert BODINIER, Parachutisme, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires.

 

ARMUS

    

Relu le 15 juin 2022

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16 mai 2016 1 16 /05 /mai /2016 09:28

     Les mines sont des armements différents selon les époques. Si l'on se trouve dans l'Antiquité jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, il s'agit essentiellement de moyens de destruction des remparts de villes ou de place-fortes. Après, il s'agit surtout d'engins explosifs, sur terre, sur mer, et même dans les airs, constituant des barrages à l'avance des troupes, des navires ou des avions ennemis. Même après l'apparition et la généralisation de l'usage de la poudre, il faut distinguer les mines dans la guerre de siège et les mines en campagne.

 

Mines de sièges

  Les mines sont employées comme moyens d'attaque depuis l'Antiquité, pour prendre des places fortes. De nombreux récits sur des sièges de villes montrent son emploi.

   Il s'agit de creuser une galerie souterraine passant sous la muraille. Dans des cas rares, cette galerie peut déboucher dans la cour de la forteresse permettant l'irruption de l'assaillant. Généralement, la muraille est étayée, la cavité remplie de matières inflammables, dont la combustion détruit les étais et assure la ruine de la muraille. Le mineur peut également travailler au pied même de la muraille, protégé au début de son travail par des "tortues" ou "mantelets". La mise à pied d'oeuvre du mineur se disait "attacher" le mineur.

Les contre-mesures consistent à partir de la détection par les ébranlements ou le bruit (écoutes) à creuser une galerie à sa rencontre, pénétrer dans son boyau et s'y battre ou l'asphyxier.

La ventilation facilitant la combustion, bénéficiait des techniques des mines civiles.

  Quand l'usage de la poudre explosive se répand (depuis 1250 en Europe occidentale), elle sert surtout à des fins balistiques : bâtons de feu, bombardes, canons, etc. Le premier emploi dans la mine parait être lors du siège de Sorezanella par les Génois en 1487.

La poudre, lorsqu'on commence à l'utiliser, et pendant trois siècles, ne diffère pas de la poudre à canon, charbon, soufre, salpêtre. Une poudre plus fine sert à l'amorçage. Le régime de l'explosion est détonnant, la réaction se déplaçant par conductibilité thermique ; la partie imbrûlée reçoit une impulsion de la surface en ignition vers l'avant.

Les explosifs ont un régime détonnant, la réaction progressant à une vitesse de plusieurs kilomètres par seconde par le moyen d'une onde de choc. Il n'y a pas d'impulsion sur la partie qui n'a pas encore détonné. L'effet de l'onde de choc sur le milieu extérieur a entrainé le qualificatif d'explosif "brisant". Le premier et plus connu est la dynamite, découverte en 1867 par NOBEL, incorporant la nitroglycérine particulièrement instable au kieselgur inerte. Elle est employée exclusivement dans les travaux de mines, carrières et destructions sous l'eau. Cependant, elle est utilisée par les mineurs asturiens lors de la guerre civile d'Espagne. Les explosifs sont très variés, le plus connu du grand public étant le TNT (trinitrotoluène). Pour un pays, le choix d'un explosif est lié non seulement à son efficacité, mais encore aux facilités d'approvisionnement et de production de matières premières.

Il faut un explosif d'amorçage (fulminate de mercure). Des explosifs progressifs sont utilisés pour des cordeaux détonants, en double allumage. L'explosion est produite par pression dans des mines anti-personnel, ou anti-chars. Elle est obtenue par contact dans les mines marines, par influence dans les mines magnétiques.

   L'emploi presque exclusif de la mine est pendant trois siècles dans la guerre de siège. On utilise pratiquement sans modification les procédés de la guerre antique : galeries, écoutes, contre-mines. La modification est la substitution de la poudre aux matières combustibles.

  Les tatonnements sont nombreux entre les premières tentatives à Orense (1468), Malaga et Sarzanello (1487) et le premier usage valable au château de l'Oeuf à Naples (1503). C'est la mise en application d'un tracé de galerie en zig-zag permettant un bourrage efficace de la poudre qui ouvre la voie à des sièges réussis (du point des assaillants bien sûr). Le principe du bourrage est la constitution d'un bouchon remblayé dans la galerie, calé par le tracé en baïonnette de l'extrémité de celle-ci. Ce bouchon est traversé par les cordeaux d'allumage, placés dans des enveloppes en cuir ou "saucissons". Toute la force de l'explosion est alors dirigée vers la muraille à ruiner.

Cette description veut donner une idée du travail qu'il faut accomplir lors d'un siège, lequel est toujours très long, même si la poudre permet d'accélérer les choses. De véritables ouvriers doivent creuser, sous la direction d'ingénieurs pour suivre le bon tracé, placer la poudre ; d'autres, vite spécialisés, doivent s'assurer qu'elle se trouve au bon endroit, l'amorcer, partir au bon moment de l'endroit de l'explosion, tout cela avec tout une soldatesque chargée de protéger ces "techniciens". Tout un artisanat se développe, entre la fabrication de la poudre et de son enveloppe, le creusement des galeries (songez aux déblais qu'il faut évacuer...) et leur installation adéquate. Sans compter qu'il faut prévoir les pertes de main-d'oeuvre, ce qui exige son remplacement continuel, de toute façon nécessaire pour l'efficacité des creusements (fatigue rapide...). Tout cela fait partie d'ailleurs d'un renchérissement du coût des sièges et d'un mercenariat des mines - de l'ingénieur aux ouvriers - qui vend ses services au plus offrant, exerçant parfois le chantage pour poursuivre le travail, sans égard de leur propre appartenance nationale et de la nationalité du commanditaire du siège (lesquelles n'avaient de toute façon pas la même importance que de nos jours ..., beaucoup moins que l'appartenance religieuse.). Ces "mineurs" font partie du mercenariat européen tant décrié par MACHIAVEL. 

Des perfectionnements sont apportés dans le cours du XVIe siècle, galeries d'écoute au niveau du fossé, desquelles des puits donnent accès à une chambre d'où partent les amorces de rameaux vers les contre-mines à creuser lors du besoin (San Gallo), détection par les vibrations de l'eau, au lieu de la peau du tambour et des cailloux employés à Rhodes en 1522 ; pilotage des galeries mieux assuré, évitant un certain nombre de ratés. Surtout la poudre permet de lutter efficacement contre le mineur ennemi. Toute une façon de faire se raffine, faisant appel plus aux compétences techniques qu'aux valeurs militaires. D'ailleurs, même si cette pratique va être abandonnée, notamment lors de la constitutions d'armées royales permanences (et de corps spécialisés des mines dans les armées, mais cela va prendre... un certain temp), on peut faire volontiers appel à des ingénieurs ou à des ouvriers qui travaillent généralement pour les mines d'extraction de métaux ou de houille...

Les sièges se pratiquent en deux niveaux : en surface par les sapeurs allant jusqu'à l'installation de batteries de brèche sur le chemin couvert ; en souterrain par les mineurs tendant à ruiner les murailles.

Cette technique a ses concepteurs, ses artisans et ses exécutants. Des théories sont élaborées, ensemble de géométrie, de poids et mesures, précautions matérielles, entrainant des dispositifs de siège de plus en plus précis (Antoine de VILLE, 1628 - Errard de BAR-LE-DUC, 1594). Et même des modélisations à appliquer sur place... Un siège très notable est celui de Candie durant 28 mois, de 1657 à 1659 ; l'attaque est menée tout autant par les fantassins et artilleurs que par les mineurs. On dénombre 1 364 fourneaux dont un chargé de 18 000 livres, et 69 assauts avec une perte pour les Turcs de 12 000 hommes. La défense fait elle aussi un large usage de mines, repoussant des batteries au contact direct de l'assaillant et reconstruisant immédiatement les ouvrages minés.

Au XVIIIe siècle, BÉLIDOR, professeur à l'école d'artillerie de La Fère, met au point la théorie des explosifs. Il écrit en 1729 une Nouvelle théorie de la science des mines, procède à des expériences en 1732 et 1753, qui sont reprises par l'ingénieur LEFEBVRE au service du roi de Prusse en 1754. Pour l'action souterraine. Il démontre surtout que les fourneaux surchargés ruinent sur une grande distance les galeries d'attaque.

 Dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, les sièges utilisent les mines, surtout dans la lutte pied à pied de Saragosse.

Le long siège de Sébastopol est une lutte avec de lourdes pertes entre mineurs français et russes. Mines et contre-mines sont le labeur quotidien. Les Russes créent en particulier des galeries en sous-oeuvre à 17 mètres sous les premières les garantissant contre les mineurs français.

Au siège de Port Arthur, de mai 1904 à janvier 1905, les Japonais déterminent la chute de la place lorsqu'ils détruisent avec les explosifs modernes les coffres de contrescarpe interdisant le passage dans les fossés des forts.

 

Mines de campagne

Pour les mines en compagne, un premier essai peu concluant a lieu pendant la guerre russo-japonaise.

La guerre de 1914-1918 est marquée par un très large et spectaculaire emploi des mines. La guerre étant de position, on y trouve l'application sur des fronts stabilisés des principes appliqués dans la guerre de siège :

- origine des galeries en deuxième ligne, camouflée pour échapper à l'action de l'artillerie, et dans un abri assez vaste pour recevoir les déblais évacués à distance de nuit ;

- galerie d'attaque principale doublée par une ou plusieurs galeries pouvant la suppléer ou tromper l'adversaire ;

- galeries à niveau inférieur, protégeant contre une action souterraine de l'ennemi, éventuellement liaisons des galeries maitresses ;

- écoutes développées, silence obligatoire, car même les conversations téléphoniques sont à la merci du captage par la télégraphie par le sol (TPS) ;

- emploi, lorsque le bruit ne s'y oppose pas, d'engins mécaniques.

  Cette guerre des mines règne en 1915-1917, au prix de lourdes pertes mais avec des résultats guère meilleurs que ceux de l'action en surface, les avances se comptant en dizaines de mètres. Dans leurs manoeuvres en retraite de  de 1917 et surtout 1918, les Allemands développent des pièges et mines à personnel du genre "fougasses".

 

Mines anti-personnel

   Dans la guerre de 1939-1945, se développe la technique des mines légères, anti-personnel et anti-char saturant le champ de bataille.

Les Allemands mettent au point une bombe bondissante, la mine-S, utilisée jusqu'à nos jours. Elle permet de projeter la charge au-dessus du sol pour assurer une dispersion plus efficace du schrapnel. Durant ce conflit, les mines sont responsables de 5% des pertes militaires.

Les mines anti-personnel sont réparties sur un champ de bataille probable, en vue de l'interdire. Elles sont enfouies suivant un plan à conserver afin d'en permettre le déminage ami en cas de besoin. Le champ de mines doit être signalé du côté ami. A noter que cette précaution s'avère le plus souvent théorique, car ces plans sont détruits dans la bataille, et on ne compte plus alors le nombre d'explosions fraticides. Après la guerre, la première des tâches est souvent de déminer. Les populations civiles de maintes contrées font ensuite la triste expérience de ces mines de mieux en mieux camouflées...

  La détection tout le temps qu'elles sont à enveloppe métallique se fait par détecteurs magnétiques, les "poêles à frire". Avec les mines en verre ou à enveloppe plastique, il faut recourir, comme à l'origine, à la fouille à la baïonnette. A partir de 1944, on construit des engins blindés, poussant devant eux un  lourd rouleau compresseur les faisant exploser. Les astuces se multiplient, double allumage, mines factices en dissimulant un véritable éclatant lors de l'enlèvement de la première, dissimulation des mines dans des objets anodins (poupées par exemple...). Faute de mieux, on utilise aussi des obus piégés jouant aussi un rôle de destruction. 

Les guerres d'Indochine et de Corée connaissent un extraordinaire développement technique voyant apparaitre des moyens archaïques mais efficaces, tels les trous de loup avec bambous pointus. Afin de projeter plus loin les éclats, on utilise des mines bondissantes.

   Les mines anti-char sont plus lourdes, devant détruire les chenilles, voire crever le dessous du char. Elles sont imaginées d'abord par les Allemands en 1935 et utilisées en grand dès la guerre. Le déminage est rendu de plus en plus dangereux, en y associant des mines anti-personnel.

   Des mines marines sont développées sous forme de tonneaux de poudre devant exploser sous la surface ou en surface pour endommager la coque des navires ennemis. Il faut dire que cette technique est déjà réalisée durant toute la marine à voile. Samuel COLT est le premier, en 1842, pour le compte de la Navy, à couler "scientifiquement" sur le Potomac une vieille canonière désarmée, le Boxer, avec une mine sous-marine à mise à feu électrique. 

Ces mines sont constituées d'une enveloppe métallique enfermant une charge explosive, le ou les dispositifs de mise à feu avec ses capteurs et combinateur d'influences, les dispositifs d'ancrage ou de contrôle d'immersion, un dispositif de programmation de contremesures, de neutralisation ou de sabordage. On distingue les catégories de mines selon leur position dans l'eau et selon leur dispositif de mise à feu.

   Variété inspirée des mines marines, les mines fluviales ou dérivantes gênent un franchissement de fleuve.

  La défense anti-aérienne utilise aussi des mines aériennes en chapelets suspendus à des ballons captifs, dont l'efficacité est limitée par l'élevation du plafond de navigation des avions. Des barrages aériens sont mis en place par les armées française, allemande, italienne et britannique durant la première guerre mondiale.

Durant la seconde guerre mondiale, c'est surtout au-dessus de villes britanniques et allemandes que sont installées des mines aériennes. Avec des ballons au-dessus de Londres, des barrages sont installés avec une certaine efficacité contre les missiles V1 et V2. Mais des accidents, dus à des tempêtes ou des ouragans, destructeurs fraticides, doivent faire abandonner l'usage systématique de ballons. Ils ne sont plus utilisés qu'à titre complémentaire, par exemple lors du débarquement anglo-américain en Normandie en juin 1944.

   Il était prévu dans les plans de maints états-major l'usage des zeppelins avant que leur production ne soit abandonnée. Inefficaces et vulnérables, pour ce qui est de freiner l'ennemi dans les airs, ils sont tout de même utilisés pour quelques bombardements pendant la première guerre mondiale. L'apparition d'avions chasseurs efficaces marque la fin de la menace zeppelin. Interdits explicitement par le Traité de Versailles (mais ce n'est pas l'essentiel, l'arbalète en son temps avait fait l'objet d'interdictions bien plus lourdes), les zépellins n'intéressent plus les états-majors. 

 

    Des engins poseurs sont par ailleurs utilisés, afin de "planter" à la chaine des mines sur une grande superficie.

 

  Des mines de destruction de ponts, de démantèlement de fortifications sont classiques dans les guerres anciennes, mais difficiles si les constructions sont en pierre.

  L'emploi de la poudre a généralisé le procédé, qui intervient dans la préparation du champ de bataille.

 Néanmoins sa mise en oeuvre est délicate. La destruction prématurée peut causer des pertes fratricides en grand nombre.

 Les destructions visent surtout les communications de l'ennemi, voies ferrées, ponts et tunnels. L'énormité des reconstructions à entreprendre après la guerre de 1914-1918 conduit à éviter la ruine des ponts au niveau des fondations. 

 

  Après 1945, des mines à charge nucléaire sont développées, en version navale et terrestre, comme la mine Britannique Blue Peacock ou la Medium Atomic Munition. Il était prévu d'en disposer en très grand nombre sur le continent européen dans le cadre de la préparation d'un affrontement entre l'OTAN et les pays du Pacte de Varsovie.

 

Jean-Marie GOENAGA, Mines, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988.

 

Relu le 14 mai 2022

   

 

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13 mai 2016 5 13 /05 /mai /2016 10:12

       L'hélicoptère, aéronef sustenté et propulsé par un ou plusieurs rotors, hélices de grand diamètre, auxquels est directement appliqué la puissance motrice, est de conception très ancienne (hélice chinoise du Moyen Age, esquisses de Léonard de Vinci, Manifeste de l'auto-locomotion de NADAR publié en 1863, premier vol d'essai en 1907 de Paul CORNU à Lisieux) mais de réalisation très tardive, car datant seulement de la fin de la Seconde guerre mondiale. Le mot hélicoptère lui-même est inventé par le français Gustave Ponton d'AMÉCOURT, à partir du grec "helix" (spirale, hélice) et "pteron" (aile). Il apparait dans une demande de brevet en 1861 déposée en Angleterre.

     L'hélicoptère peut être décomposé en un nombre limité de sous-ensembles : cellule, voilure, groupe motopropulseur, commandes de vol, servitudes de bord, avionique, emports. Mais chaque élément est de fabrication précise et doit être assemblé avec les autres éléments dans des ateliers spécialisés.

   L'hélicoptère concentre une quantité assez importante de techniques, de puissance, de tenue mécanique, et de pilotage longtemps hors de portée. Mais à partir du moment en 1936 où des chercheurs comme S. PETROCZY et T. von KARMAN ou encore de PESCARA, s'attèlent à dominer ces problèmes techniques, le développement est rapide. Les recherches s'accélèrent durant le conflit mondial et les Américains comme les Allemands mettent au point les premiers appareils entre 1942 et 1945.

     Dès la Seconde guerre mondiale jusqu'en Corée et en Indochine, les hélicoptères militaires assurent avant tout un rôle de soutien dans l'observation d'artillerie et l'évacuation sanitaire. A partir des années 1950, après les progrès réalisés par les Français en Algérie et le Howze Board aux États-Unis, l'hélicoptère étend son emploi au transport tactique armé. L'exemple le plus célèbre est le UH-1 Huey employé de manière extensive par les Américains aux Vietnam. Alors que son armement devient plus important, apparait dès les années 1960 un hélicoptère d'attaque, propre à l'appui-feu, sous la forme de l'AH-1 Cobra qui est construit à partir des châssis de Huey. Dans les années 1970 et 1980, un hélicoptère de manoeuvre apparait, développé par les Soviétiques et les Américains dans la perspective d'une guerre conventionnelle en Europe.

     Actuellement le rôle en France des hélicoptères militaires est surtout l'appui des troupes au sol, que ce soit au combat ou en ravitaillement. L'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) est constituée principalement d'hélicoptères, dont les différents rôles sont l'éclairage des forces au sol (chars et infanterie), le repérage de soldats en zone ennemie (Alouette, Gazelle, Puma). L'armée française dispose en tout d'environ de 530 hélicoptères, dont 420 pour l'armée de terre.

    Grâce à l'élaboration du turbomoteur, léger, puissant, facile à monter, la production d'hélicoptères s'accroit rapidement dans les années 1950. Les conflits de Corée, d'Algérie, du Vietnam confirment sa valeur militaire et suscitent le développement d'une forte industrie spécialisée. Dans les années 1970, les besoins de la recherche et de l'exploitation pétrolières sur terre et sur mer sont l'occasion d'adapter et de produire des appareils civils de moyen tonnage à forte charge utile et offrant une distance franchissable améliorée. La mise en place et le développement d'une industrie capable de produire à la fois des hélicoptères militaires et des hélicoptères civils permet la production et l'exploitation de diverses variétés d'appareils.

Parmi les leçons tirées de la guerre du Golfe en 1990 figurent celui de la nécessaire spécialisation dans des hélicoptères de combat pour la lutte antichar et pour le soutien des troupes au sol, de jour comme de nuit. Les hélicoptères, devenus souples, résistants et fiables, sous réserve de la formation de pilotes spécialisés, prennent une place importante dans l'aviation militaire, mais aussi dans toutes les armes, de nombreux pays. L'armée de terre, de l'air et la marine utilisent couramment de nos jours l'hélicoptère pour les transports, liaisons, évacuations sanitaires et sauvetages.

        C'est surtout l'armée de terre qui est son plus gros utilisateur. Elle en fait, sans doute de manière plus adaptée aux conditions des manoeuvres qu'avec l'avion, un élément important sur le champ de bataille. Poste de commandement volant, déplacements rapides de matériels et de combattants, attaques de chars et autres objectifs au sol échoient à des appareils spécialisés, aux systèmes d'arme très élaborés et aux senseurs optroniques de plus en plus perfectionnés, qui peuvent opérer de jour comme de nuit. Les hélicoptères de combat les plus récents sont de plus équipés de dispositifs de réduction de la détectabilité thermique de leurs moteurs et de leur signature radar pour échapper aux missiles ennemis. Mesures et contre-mesures se perfectionnent au gré d'une course aux armements qui touche surtout la qualité plutôt que la quantité (problème des coûts là aussi). L'hélicoptère reste vulnérable aux tirs venant du sol et du ciel et ses meilleures défenses sont le vol tactique, au plus près du terrain, et la recherche de l'effet de surprise. 

  La marine, elle, oppose l'hélicoptère aux sous-marins et aux bâtiments de surface. Des systèmes d'armes complexes à base de radar, sonar, détecteurs d'anomalie magnétique, torpilles, grenades... permettent de repérer et d'attaquer, soit de façon autonome, soit en liaison avec d'autres hélicoptères ou des navires. Les gros appareils embarqués sont munis de mécanismes de repliage automatique des pales et de la queue. Les principales marines possèdent un certain nombre de porte-hélicoptères.

     Une des problèmes de l'hélicoptère, quand sont résolus ceux de l'aérodynamique, de la transmission de puissance et de la qualité des rotors, réside dans les vibrations et la fatigue de ses différents éléments. En cours de vol, comme au démarrage, les pales sont soumises à rude épreuve et doivent être fréquemment révisées voire remplacées.

Le pilotage et la stabilité requièrent une formation poussée. Analogue à celui de l'avion en vol de croisière, le pilotage de l'hélicoptère présente des difficultés particulières en vol vertical ou lent. En effet, dans ces conditions, les oscillations pendulaires de l'appareil et les réactions du rotor à ces mouvements se couplent de façon divergente. La forte instabilité qui en résulte oblige le pilote à intervenir en permanence, en anticipant les réactions de sa machine. Des opérations précises, par temps turbulent ou mauvaise visibilité, peuvent nécessiter une stabilisation automatique.

  Plus sans doute que pour les autres appareils aériens, l'hélicoptère voit son coût augmenter de façon sensible, concentrant des technologies, souvent de pointe, très spécifiques. Réduire sensiblement son coût est en contradiction avec une certaine course aux armements : mesures et contre-mesures électroniques, perfectionnements des missiles sol-air, mer-air et air-air, tentatives de dépassement des limites structurelles (vitesse des rotors notamment) par la recherche de nouveaux matériaux...

 

Louis François LEGRAND et Pierre ROUGIER, Aviation - Hélicoptères, dans Encyclopedia Universalis, 2014.

 

Relu le 18 mai 2022

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12 mai 2016 4 12 /05 /mai /2016 07:28

     L'emploi de l'aéroplane comme engin de bombardement est envisagé dès le début de l'aviation. De toute manière, il est nettement plus facile d'envoyer des projectiles d'en haut plutôt que de s'efforcer de tirer sur une cible à l'air en mouvement. Cette "manoeuvre" de bombardement était déjà envisagée pour des ballons ou des mongolfières au XVIIIe siècle et même avant... La convention signée entre Clément ADER et le ministère de la Guerre en 1891 prévoit la mise au point d'un appareil capable d'emporter des bombes explosives ou incendiaires. Comme beaucoup pour de nouvelles armes (le fusil par exemple, la dynamite plus tard, et dans une illusion persistante, la bombe à poudre elle-même..., et aujourd'hui la bombe atomique), ADER souligne la puissance destructrice d'un tel moyen de combat et en déduit son caractère dissuasif. 

Avant même le commencement de la première guerre mondiale, différentes aéronautiques perçoivent les possibilités d'utilisation d'avions équipés de bombes. Les Américains mènent les premières expériences en ce sens et les Italiens sont les premiers à conduire des attaques réelles lors de la guerre contre les Turcs en Libye et en Cyrénaïque. Mais les progrès sont très lents, pour des raisons techniques : absence de viseurs adaptés, charge offensive réduite emportée par des appareils légers aux structures trop peu robustes, manque d'engins adaptés. Et même si on envisage un pilote et un servant à l'arrière, difficile de coordonner le vol avec le ciblage au sol d'objectifs... 

 Lorsque la guerre éclate, Allemands, Britanniques et Français lancent quelques raids en territoire ennemi ou sur les troupes en marche, utilisant des obus réformés et des fléchettes en acier. Mais les premières véritables structures du bombardement ne sont mises en place qu'en novembre 1914, avec la constitution d'un groupe spécifique au sein de l'aéronautique militaire française. Le débat essentiel qui agite les différents états-majors aériens des pays belligérants concerne l'emploi des moyens de bombardement sur le champ de bataille ou contre des objectifs situés en territoire adverse. La France choisit dans un premier temps de lancer des actions de représailles contre les cités allemandes (réponse aux bombardements terrestres, avec de gros canons, type Grosse Bertha) en utilisant de puissantes formations dont la protection est assurée par les tirs de mitrailleuses montées sur les appareils. Mais l'accroissement des défenses antiaériennes ennemies et l'action des intercepteurs coûtent de telles pertes aux bombardiers français qu'il faut renoncer à des actions en plein jour pour se convertir aux attaques de nuit. Les problèmes techniques inhérents à ce nouveau type de mission sont nombreux : balisage des terrains, projecteurs d'atterrissage, méthodes de navigation à définir. Tandis que les Français renoncent en 1916 aux raids importants stratégiques pour reporter le bombardement sur le champ de bataille, les Britanniques et les Allemands concentrent leurs efforts sur les villes ennemies. A la fin de 1915 et en 1916, l'Allemagne engage ses dirigeables Zeppelin sur la Grande Bretagne mais y renonce en raison de lourdes pertes. L'industrie allemande ayant produit un effort remarquable pour la mise au point de bombardiers lourds à long rayon d'action, l'aviation impériale peut attaquer Londres et certaines cités britanniques de jour puis de nuit en 1916 et en 1917. Ces raids provoquent un tel mouvement de colère dans l'opinion anglaise qu'ils sont à l'origine de la création d'un ministère de l'Air centralisant tous les services aéronautiques, puis de la formation de la Royal Air Force indépendante. Très loin d'avoir l'impact démoralisant, ces bombardements renforcent au contraire la détermination des populations visées et de leur gouvernement, comme le feront très longtemps les initiatives de ce genre dans plusieurs guerres, ceci allant à l'encontre des résultats promis par bien des théoriciens de l'arme aérienne. Il n'y a pas d'automatisme entre d'énormes destructions causées (cela se vérifie même sur terre et sur mer) - et les bombardements en termes de villes détruites sont effectivement matériellement et mortellement efficaces - et l'attitude militaire et politique des ennemis touchés. Une étude approfondie  et longitudinale mériterait sans doute de vérifier... l'inverse!

Cela n'empêche par les états-majors de persister dans la même idée (sans doute faut-il voir aussi l'expression de nombreux intérêts industriels, mais aussi d'un désir de vengeance pure qui anime certains esprits du simple soldat au chef des armées...). Les Britanniques, symétriquement aux Allemands, sont eux-mêmes de fervents adeptes du bombardement stratégique démoralisant. Cette doctrine se concrétise par la constitution, en mai 1918, de l'Independant Force, dont la mission essentielle est de détruire les objectifs industriels situés dans les villes allemandes et de frapper dans le même temps le moral des ennemis. Hugh TRENCHARD, à la tête du clan au sein de l'armée britannique suivant cette doctrine, tente d'entrainer les alliés Italiens et Français dans la même logique, mais échoue devant le refus français. Le général DUVAL, créateur de la division aérienne, est en effet opposé à l'emploi des bombardiers dans des actions à caractère stratégique. Il préfère une force de bombardiers capables d'intervenir dans la bataille terrestre. Les avions de bombardement français participent ainsi, le plus souvent avec succès, à l'arrêt des grandes offensives allemandes sur le front occidental en 1918, tout comme ils coopèrent au succès des attaques alliées.

     A la fin de la Grande Guerre, l'aviation de bombardement a accompli de grands progrès. Aux machines de 1914 capables d'emporter quelques engins explosifs ont succédé des appareils pouvant mettre en oeuvre des centaines de kilogrammes de bombes à haute puissance et dotés d'équipements adaptés. En dépit de certaines théories outrancières - tendant à valoriser de manière dantesque l'arme aérienne et le bombardement stratégique, peu de bombardements ont été réalisés dans ce sens, les états-majors tant allemand qui britannique redoutant un cycle de représailles incontrôlables.

Entre les deux-guerres, assimilée par l'opinion publique à des opérations contre les populations civile, l'aviation de bombardement constitue la cible privilégiée des milieux pacifistes. La crainte de l'apocalypse liée à une éventuelle guerre aéro-chimique conduit les principaux gouvernements à bannir l'utilisation de gaz dans la guerre aérienne. Les théories développés par le général italien DOUHET et le général américain MITCHELL ne font que renforcer les "préjugés" contre cette spécialité. Fondées sur la certitude que la guerre ne peut plus être gagnée par les armées terrestres, bloquées par des fronts infranchissables, ces doctrines se proposent la destruction pure et simple des ressources vives de l'adversaire pour remporter la décision : centres urbains et industriels, moyens de transport, ressources agricoles, mais aussi moral de la population. Malgré l'hostilité de l'opinion publique et même de certains états-majors militaires (même au-delà de la traditionnelle lutte entre les trois armes), ces idées ont d'importantes répercussions dans les milieux militaires aéronautiques, notamment en Grande Bretagne, aux États-Unis et en Italie.

   Selon les États concernés, l'essor de l'aviation de bombardement prend une ampleur inégale. D'abord menacé dans son existence à l'époque de la conférence du désarmement (1932), cette spécialité est sacrifié en France pour des raisons budgétaires, au point qu'en 1939, l'armée de l'air ne dispose que d'une vingtaine de bombardiers modernes. En revanche, les aviations militaires britanniques et américaines se dotent d'une importante force de bombardiers lourds. L'Allemagne néglige le bombardement stratégique au profit du bombardement moyen tactique et du bombardement en piqué. Cette déficience coûte en partie au IIIe Reich son échec pendant la bataille d'Angleterre. Par contre, les Britanniques puis les Américains utilisent leurs bombardiers à long rayon d'action pour tenter d'abattre la puissance économique et militaire allemande.    

       Pendant plusieurs années, l'aviation stratégique constitue un des principaux moyens dont disposent les Alliés pour lutter contre l'adversaire. Dès 1937, les Britanniques envisagent d'attaquer l'Allemagne par la voie des airs. Mais l'outil de cette politique, le Bomber Command, est long à se forger. Outre la recherche d'appareils adaptés (Lancaster, Halifax, Stirling), la RAF est confrontée à d'importants problèmes techniques : moyens de radionavigation, brouillage des dispositifs de détection ennemis. D'autre part, dès le début de l'offensive aérienne contre l'Allemagne, les Britanniques doivent résoudre d'importants problèmes de doctrine d'emploi. L'analyse des résultats des bombardements montrent leur dramatique manque de précision. De plus, les pertes enregistrées de jour sont si élevées - cela avait déjà été constaté durant la première guerre mondiale - que les responsables de la RAF décident de se limiter à des raids nocturnes au détriment de la précision, encore... A partir de la fin de l'année 1941, le Bomber Command s'oriente vers des actions de bombardement de zone (toujours cette technique d'arrosage, de larges secteurs sont pris pour cibles). Les actions dirigées contre les grandes villes n'ont plus qu'un seul but : briser le moral de la population civile. les bombardements de Hambourg (juillet 1943), les attaques sur Berlin tout au long du conflit, le raid sur Dresde (février 1945), loin d'être des erreurs, sont la traduction de cette volonté politique.

   La doctrine américaine est sensiblement différente. Les responsables de l'US Army Air Force entendent en effet engager leurs bombardiers de jour dans des attaques de précision contre des objectifs militaires. Mais dans la pratique, ils sont entrainés, à l'instar des Britanniques, dans des bombardements de terreur. Si cette guerre des villes n'obtient pas les résultats escomptés par les Alliés - la résistance allemande s'en trouve au contraire fortifiée -, les bombardiers anglo-américains se montrent efficaces contre les voies de communication et l'industrie des carburants, cela nettement car des indications très utiles sont fournies par les différentes résistances à l'occupation allemande dans les territoires occupés. C'est surtout dans la guerre contre les Japonais que les Américains, avec leur bombardiers B-29, en utilisant des bombes incendiaires, réussissent  à atteindre leurs objectifs. Soit détruire les grandes métropoles japonaises et à paralyser la plus grande partie de l'activité industrielle du pays.

  Le bilan global des bombardements avec divers types de bombes reste très mitigé, voire contre productif (eu égard du moral des populations). Même lorsque les objectifs sont strictement militaires, la précision des impacts laisse énormément à désirer. Ce manque de précision, avant les progrès électroniques et surtout l'apparition des missiles, une grande faille des différentes unités de bombardement.

 

   Les raids atomiques sur Hiroshima et Nagasaki bouleversent de manière radicale les conceptions du bombardement stratégique, ce qui n'empêche pas la doctrine d'emploi du bombardement massif (guerre du Vietnam) d'être encore en vigueur. 

Vecteur unique de l'arme nucléaire à la fin de la seconde guerre mondiale, le bombardier s'impose comme l'arme suprême jusqu'à l'entrée en service des premiers missiles  balistiques intercontinentaux. Des commandements spécifiques au bombardement nucléaire sont mis en place dans les principales forces aériennes : Strategic Air Command aux Etats-Unis (1946), aviation à long rayon d'action en Union Soviétique, commandement des forces aériennes stratégiques en France, Strike Command en Grande-Bretagne. A partir du milieu des années cinquante, l'apparition des missiles intercontinentaux semble compromettre durablement l'avenir du bombardier stratégique. Mais les états-majors réalisent rapidement que ce dernier, du fait même de sa souplesse d'emploi, représente un élément indispensable de la triade stratégique. Passant du vol à haute altitude à l'attaque de pénétration à basse altitude, grâce à l'utilisation de systèmes de contre-mesures électroniques et de brouillage très sophistiqués, le bombardier peut mettre aujourd'hui en oeuvre des missiles de croisière ou des missiles à courte portée qui lui permettent de détruire son objectif sans être contraint de le survoler à distance de sécurité. Par ailleurs, la multiplication des conflits périphériques, n'impliquant pas l'utilisation de l'arme nucléaire, conduit les responsables de l'arme aérienne à ne pas privilégier le seul bombardier nucléaire. 

   Se poursuivent en conséquence encore la recherche-développement et la construction de divers bombardiers. Avec des caractéristiques techniques de plus en plus difficiles à tenir, compte-tenu des obstacles dressés au sol ou par liaison satellite par les système de détection et d'interception ennemis. Ces caractéristiques restent :

- une grande autonomie ;

- une bonne capacité d'emport de charge ;

- un bon système de guidage (navigation/bombardement) ;

- de bons systèmes d'auto-défense.

Suivant l'évolution de la spécialisation en général des avions militaires, on classe ces bombardiers en différentes catégories, appelées sans doute encore à se diversifier - et devenant eux aussi de plus en plus coûteux : bombardier stratégique (pour des cibles stratégiques avec bombe atomique ou missile de croisière), bombardier-torpilleur (contre les navires et les sous-marins), bombardier en piqué (attaque au sol) de moins en moins prisé, avion d'attaque au sol (bombardier léger pour atteindre des cibles mobiles : chars, concentration de troupes...) chasseur-bombardier, avion multi-rôle capable d'attaquer des cibles terrestres et doté de capacité de combat aérien), le plus coûteux.

 

Antony BEEVOR, La seconde guerre mondiale, Calmann-Lévy, 2012. Patrick FACON et Arnaud TEYSSIER, Aviation militaire, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988.

 

ARMUS

   

Relu le 19 mai 2022

 

 

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