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7 avril 2016 4 07 /04 /avril /2016 08:27

      Par un vote qualifié d'historique, l'Assemblée générale rattrape l'échec de la conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes, le 2 avril 2013. Ceci par 154 voix, 23 abstentions et 3 votes contre. 

     A cette conférence finale qui avait eu lieu les 18-28 mars 2013, les délégués n'avaient pu se mettre d'accord pour adopter le texte par consensus. En effet, si l'ensemble des délégations avait pu élaborer un texte, celui finalement adopté par l'Assemblée Générale plusieurs jours plus tard, le dernier jour des travaux l'Iran, la Syrie et la République populaire démocratique de Corée, les mêmes qui refuseront de voter le texte à l'AG, ont écarté tout espoir de consensus, mode de fonctionnement de ce genre de Conférence.    

   Pour les Nations Unies, il s'agit d'un succès, car c'est le premier texte juridiquement contraignant qui établit des normes internationales visant à réguler les transferts d'armes classiques. Il s'agit des chars, des véhicules blindés, des avions et des hélicoptères de combat ; des systèmes d'artillerie de gros calibre, des navires de guerre, des missiles et lanceurs de missiles ; ainsi que des armes légères et de petit calibre (ALPC). Ces "transferts" incluent leur exportation, leur importation, leur transit, leur transbordement et leur courtage. 

Aux termes de ce traité, les États parties ne pourront autoriser aucun transfert s'ils ont s'ils ont connaissance, avant celui-ci, d'éléments selon lesquels ces armes serviront à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Convention de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou d'autres crimes de guerre.

Même si le caractère flou de la notion "d'avoir connaissance" a été dénoncé par le représentant de la Fédération de Russie, pour de très nombreux pays, cette disposition est l'une des clefs de ce traité qualifié d'historique (par l'ONU) car elle permettra d'éviter de nombreuses souffrances et de sauver des vies humaines. 

Les trois pays qui ont voté contre rejoints par de nombreux abstentionnistes dont Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et l'Équateur, estiment qu'il y a un déséquilibre entre les pays exportateurs et les pays importateurs qui, selon certains, décident de vendre ou de ne pas vendre à tel ou tel État, sans avoir de compte à rendre à personne. On permet ainsi, a commenté le représentants de l'Inde, une ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le mépris du droit inaliénable de tout pays de s'armer pour assurer sa légitime défense. En revanche, le traité ne contient aucune disposition contre les terroristes puisqu'il ne dit rien sur les acteurs non étatiques.

   Ce traité, dont on trouvera le texte au site de l'ONU (www.un.org), est fortement critiqué par les organisations non gouvernementales (ONG) qui militent pour le contrôle des armes. Une certain nombre de lacunes existent dans le texte actuel :

- il ne concerne que les armes conventionnelles, mais les drones ou les équipement destinés aux forces de police sont exclus, tout comme les hélicoptères destinés au transport des troupes et les pièces qui entrent dans la composition des armes ;

- il ne comprend pas les accords de coopération militaire. Ainsi, les ventes d'armes, les prêts ou les dons, comme ceux que la France accorde à certains pays africains, ou l'aide de la Russie au régime syrien, ne sont pas concernés par le texte ;

- le texte ne contraint pas les États à rendre leurs contrats publics. Une simple déclaration annuelle, et confidentielle, suffit.

   Toutefois, ce texte va au-delà du début de la Conférence de négociation sur le traité sur le commerce des armes. L'un des attrait du traité est que chaque pays évalue, avant toute transaction, si les armes vendues risquent d'être utilisées pour contourner un embargo international ou d'être détournées au profit de terroristes ou de criminels.

Dans son article 6, le traité engage la responsabilité des États signataires dans tout transfert d'armes classiques dont l'usage violerait ou serait susceptible de violer les obligations pertinentes du droit international relatif aux droits de l'homme, tel le respect de la convention contre la torture et de la Convention internationale, pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Ainsi, quand un État aura connaissance que des armes dont il s'apprêtera à valider l'exportation pourraient être utilisées pour commettre de graves infractions à la Convention de Genève de 1949 et du droit international coutumier, un crime de guerre, un génocide ou un crime contre l'humanité, sa potentielle responsabilité dans le commission de ces actes sera engagée.

Dans son article 7, le traité stipule que les États devront refuser toute exportation d'armes présentant un "risque prépondérant" que leur usage puisse faciliter de graves violations du droit international des droits de l'Homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels, et du droit international humanitaire. Toute autorisation de transfert d'armes classiques devra dès lors dépendre expressément de l'assurance prise par l'État exportateur que ce "risque prépondérant" est bien éliminé.

En outre, la règle régissant l'adoption d'amendements pour l'amélioration du traité "par un vote majoritaire des trois quart", prévue à l'article 20, laisse de bons espoirs, pour les années à venir, d'une possible consolidation du TCA. C'est certainement ce qui a motivé l'adoption du texte final par l'Assemblée générale des Nations Unies.

   

   Comme pour tout tout traité international concernant les armements, plusieurs conditions sont requises pour son effectivité :

- il faut qu'il recueille cinquante instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation auprès du Dépositaire du traité (ONU). Il entrera alors en vigueur 93 jours après.

- Il faut que les États signataires soient en mesure de contrôler les transferts d'armes à partir de son territoire.

- Il faut que des vérifications fiables soient possibles quant à l'exécution des clauses du traité.

- Dans un domaine où règne le secret (qu'il soit commercial ou militaire), la parole des États ne sera sans doute (excusez la litote...) pas suffisante. 

- La triple difficulté de la conciliation du droit national de légitime défense et du contrôle international des armes, de l'évaluation de ce "risque prépondérant" dans un monde mouvant et d'harmonisation de la définition même des différents types d'armements concernés entre certains pays exigent des moyens matériels accrus de la part des Etats et de la part de l'ONU pour rendre effectif le traité.

Il faut noter que dans le corps même du traité (article premier) l'enjeu de l'institution de normes communes d'armements est rappeler, alors qu'il fait l'objet depuis le début de l'ONU de batailles diplomatiques.  De plus comme de plus en plus de composants des armements peuvent également faire partie de technologies duales (civiles et militaires), les difficultés ainsi accrues, exigeront bien plus de moyens de contrôle qu'auparavant.

Si l'objet est bien de "prévenir et d'éliminer le commerce illicite d'armes classiques et d'empêcher le détournement de ces armes" (article premier), le traité n'a pas pour ambition même d'amorcer la restriction du commerce licite. Un élément juridique relativement nouveau est introduit dans ce traité, celui de responsabilité étendue de l'État signataire sur l'utilisation des armements à l'encontre du droit international (précisé dans le traité). Jusqu'où cette responsabilité sera effective, seul l'usage le dira. 

   Les batailles diplomatiques qui ont eu lieu avant et pendant la Conférence, vont se poursuivre après l'adoption et même la ratification du traité. Un bilan pourra sans doute être établi 6 ans après l'entrée en vigueur du présent traité, c'est-à-dire au moment où chaque État pourra proposer des amendements.

 ARMUS

Relu le 27 avril 2022 (plus de 60 jours après le début de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, où la question des livraisons d'armes à l'Ukraine est une question centrale - diplomatiquement comme militairement).

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27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 08:27

         Sur la masse des rapports de tout genre et de toute nature consacrés aux changements climatiques, certains - assez gênants pour certaines autorités politiques et économiques, assez troublants pour l'ensemble des populations concernées de près ou le loin - portent sur les relations de plus en plus visibles et directes entre bouleversements du climat et conflits.

Parmi ces rapports, de plus en plus nombreux et même insistants, nous en avons choisi trois, qui couvrent l'ensemble de cette problématique et qui souvent se soutiennent de nombreuses études monographiques. Il s'agit du Rapport du Secrétaire général de 2008 du Conseil de l'Union Européenne et Haut Représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, du Rapport de Vincent EIFFLING pour l'Université Catholique du Louvain de 2009, et du rapport de Migrations et Asile de 2015.

 

Le rapport de l'UE

        Le document établi par le Haut Représentant de l'Union Européenne, Javier SOLANNA MADARIAGA, Changements climatique et sécurité internationale, explique que les risques liés aux changements climatiques réels et déjà effectifs. Réaffirmant la crédibilité scientifique des recherches entreprises sur le climat (il n'y a plus maintenant que les compagnies pétrolières et quelques autres pour faire aujourd'hui du négationnisme sur cette question), il est temps de prendre en compte les multiples accroissements de tendances, tensions et instabilité existantes liés aux changements climatiques.

"Le principal défi, écrit-il dans son rapport, réside dans le fait que les changements climatiques menacent d'accabler des États et des régions déjà fragiles et exposés aux conflits. Il importe d'être conscient que les risque n'ont pas seulement un caractère humanitaire. Ils ont aussi une dimension politique et de sécurité qui a une incidence directe sur les intérêts européens. Par ailleurs, conformément à la notion de sécurité humaine, il est clair que de nombreuses questions relatives à l'impact des changements climatiques sur la sécurité internationale sont liées entre elles, ce qui nécessite de formuler des réponses globales?. Ainsi, la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement risque d'être considérablement compromise, car s'ils ne sont pas atténués, les changements climatiques pourraient fort bien balayer des années d'efforts consentis en faveur du développement." Dans ce rapport, il entend également déterminer quel peut être l'effet sur la propre sécurité de l'Europe de ces changements climatiques.

    "Les effets des changements climatiques se font ressentir dès à présente : les températures augmentent, les calottes glacières et les glaciers fondent, et les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent plus fréquents et gagnent en intensité."

Le Haut Représentant décrit alors quelques-unes des formes de conflits liés aux changements climatiques, soient les conflits à propos des ressources, les préjudices économiques et le risque pour les villes côtières et les infrastructures essentielles, les pertes de territoires et les litiges frontaliers, les migrations dues à des facteurs environnementaux, les situations de fragilité et la radicalisation, les tensions liées à l'approvisionnement énergétique, les pressions sur la gouvernance internationale. Avant de donner des exemples régionaux, en Afrique, au Proche-Orient, en Asie du Sud, en Asie centrale, en Amériques latine et aux Caraïbes, en Arctique. Il formule enfin, en conséquence, des recommandations sur la politique à mettre en oeuvre par l'Union Européenne.

   Sur le conflit à propos des ressources, "on constate déjà, en de nombreux points du globe, une diminution de la superficie des terres arables, des pénuries d'eau, une réduction des réserves alimentaires et des stocks de poisson, ainsi qu'une multiplication des inondations et un allongement des périodes de sécheresse. Les changements climatiques auront pour effet de modifier les modèles pluviométriques et d'amoindrir encore les réserves d'eau douce disponibles dans une proportion pouvant atteindre 23 à 30% dans certains régions. Une chute de la productivité agricole entrainera une insécurité alimentaire dans les pays les moins avancés, ou aggravera cette insécurité, et débouchera partout sur une hausse insoutenable des prix des denrées alimentaires. la pénurie d'eau, en particulier, est susceptible de provoquer des troubles civils et des pertes économiques substantielles, même dans les économies solides. Les conséquences seront encore plus lourdes dans les régions soumises à une forte pression démographique. D'une manière générale, les changements climatiques alimenteront les conflits existants ayant pour enjeu des ressources qui s'épuisent, en particulier lorsque l'accès à ces ressources relève du pouvoir politique." 

   Sur les migrations dues à des facteur environnementaux, "ceux qui sont déjà en butte à de mauvaises conditions sanitaires, au chômage ou à l'exclusion sociale sont plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques, qui pourraient provoquer des migration entre les pays ou en leur sein, ou les amplifier. Selon les Nations Unies, on dénombrera d'ici 2020 des millions de migrants "environnementaux", ce phénomène s'expliquant essentiellement par les changements climatiques. Certains pays extrêmement vulnérables aux changements climatiques demandent déjà que les migrations dues à des facteurs environnementaux soient reconnues au niveau international. Ces migrations pourraient se traduire par une augmentation du nombre des conflits dans les régions de transit et de destination. L'Europe doit s'attendre à une augmentation substantielle des pressions migratoires."

   Sur les situations de fragilité et radicalisation, "les changements climatiques pourraient sensiblement renforcer l'instabilité des Etats faibles ou en déliquescence, en sollicitant à l'excès la capacité déjà limitée des gouvernements à faire face efficacement aux défis auxquels ils sont confrontés. l'incapacité d'un gouvernement à répondre aux besoins de l'ensemble de sa population ou à la protéger face aux difficiltés induites par les changements climatiques pourrait entrainer une frustration, des tensions entre différents groupes ethniques et religieux au sein des pays, ainsi qu'une radicalisation politique. Des pays, voire des régions entières, pourraient être déstabilisés."

 

   Pour y faire face, le Haut Représentant propose de renforcer les capacités au niveau de l'Union Européenne, que l'UE joue un rôle moteurs au plan multilatéral pour la promotion de la sécurité climatique mondiale et de développeer une coopération avec les pays tiers.

  Renforcer les capacités au niveau de l'UE signifie, dans un premier temps de faire une évaluation des changements climatiques, de renforcer les connaissances et d'évaluer les moyens dont dispose l'UE, puis, en ce qui concerne les catastrophes et les conflits, d'améliorer la prévention et la préparation en vue d'une réaction rapide. 

  Jouer un rôle moteur au plan multilatéral, c'est placer les risques que les changements climatiques font peser sur la sécurité au coeur des travaux dans les enceintes multilatérale, à l'ONU, au G8... 

   Parmi les actions à mettre en place au niveau de la coopération avec les pays tiers, on peut continuer à intégrer l'adaptation et la résistance aux changements climatiques dans les stratégies régionales de l'Union Européennes ; on peut élaborer une politique de l'UE pour l'Arctique ; étudier les conséquences des changements climatiques pour la sécurité en concertation... 

 

Le rapport de l'Université Catholique du Louvais

   Vincent EIFFLING, pour l'Université Catholique du Louvains, s'appuie sur un grand nombre d'études pour signifier à la fois l'urgence d'agir et l'ampleur de l'effort à fournir. Au-delà des répercussions directement observables du réchauffement climatique et des catastrophes humanitaires qui en découlent "il convient de s'interroger sur les possibles conséquences à plus long terme de ses effets récurrents sur la scène internationale. Certains d'entre eux pourraient générer des foyers de tension et accentuer les déséquilibres mondiaux et régionaux. Le changement climatique redessinera progressivement l'environnement physique dans lequel vivra une population mondiale à forte croissance démographique et dans lequel les Etats poursuivront l'objectif d'assurer leur croissance économique et leur stabilité politique ; ce faisant, il modifiera partiellement l'architecture géopolitique mondiale et par extension, le cadre d'évolution des acteurs internationaux. La politique étrangère des Etats et leur positionnement sur l'échiquier international a en effet toujours été partiellement corrélé à leur environnement géographique. Avec le réchauffement, cet environnement va être perturbé, et avec lui, la distribution de certains facteurs de puissance étatiques d'origine naturelle tel que l'approvionnement en eau douce, les capacités de production agricoles et énergétiques, l'accès à certaines matières premières mais également l'accès aux mers et par extension, les zones économiques exclusives...". La dynamique pression démographique-croissance économique exerce une pression qui accentue les risques de tensions inter-étatiques. 

Parmi ces études, nous pouvons citer :

- Les différents rapports du GIEC ;

- F GAILLARD, L'Eau - Géopolitique, enjeux, stratégies, CNRS Editions, 2008 ;

- M BULARD, Chine- Inde : La course du dragon et de l'éléphant, Fayard, 2008 ;

- C. JAFFRELOT, L'enjeu mondial - Les pays émergents, Sciences Po, 2008 ;

- Sous la direction de P. PELLETIER, V. THEBAULT, Géopolitique de l'Asie, Nathan, 2006 ;

- Shri Ranjan Mathai, L'inde, une nouvelle stratégie contre la terreur, dans Diplomatie, n°37, 2009;

- Sous la direction de P. BONIFACE, L'année stratégique 2009 - Analyse des enjeux internationaux, IRIS ;

- J. JOUZEL et A. DEBROISE, Le climat : Jeu dangereux, dernières nouvelles de la planète, Dunod, 2007;

- F. DENHEZ, Atlas du réchauffement climatique, Autrement, 2007.

    L'auteur examine notamment, comme facteurs-clés de nombreux conflits à venir, la fonte des glaciers continentaux et du permafrost (glaces qui recouvrent des terres), entrainant  la disparition des glaciers continentaux, la montée du niveau des mers et des océans.

Dans sa conclusion, nous pouvons lire : "En affectant l'architecture géopolitique et l'accès à des ressources essentielles, le réchauffement influera sur la sécurité internationale et humaine ; il démontre ainsi qu'il n'est pas un problème ordinaire et qu'il ne peut être résolu comme tel, d'où probablement, les difficultés rencontrées en la matière. A l'avenir, il pourrait entrainer des bouleversements profonds, non linéaires et irréversibles, susceptibles d'affecter plusieurs générations futures (voir T L FRIEDMAN, La Terre perd la boule : Trop chaude, trop plate, trop peuplée, Saint-Simon, 2009). La liste des cas étudiés au long de cette analyse est loin d'être exhaustive et si le continent asiatique a été principalement mis en avant, le reste du monde n'en est pas moins concerné. D'autres facteurs inhérents au réchauffement menacent en bien des cas la stabilité régionale sur de nombreux continents (sécheresse, canicule, inondations, risque accru de maladies infectieuses,...) et accentueront les tensions déjà existantes. Il est peu probable que le changement climatique ne devienne l'unique facteur déclenchant de conflits futurs mais son intensification ne pourra qu'augmenter les risques dans les régions pauvres du globe où la stabilité et l'équilibre sont actuellement très précaires.

Les risques pour la sécurité humaine et internationale sont donc bien réels et nécessiteront une prise en charge globale du problème par les différents acteurs internationaux. (...). (La résolution de ce problème) passera par une action concertée où les grands forums internationaux tels que les Nations Unies serviront de fer de lance à la mise en oeuvre de plans concrets devant être appuyés par les grandes puissances sans qui aucune solution efficace ne pourra être trouvée. la volonté politique fait donc partie intégrante de la solution et elle devra également être couplée à une vision à long terme du défi que représente le changement climatique.Dans le contexte de la crise financière, certains considèrent que l'écologie n'est plus le principal problème et que celui-ci est aujourd'hui le souci de la relance économique. Et pourtant, les domaines écologiques et économiques sont étroitement liés. Pour s'en convaincre, il suffit de prêter attention aux conclusions du rapport Stern (http://www.hmtreasury.gov.uk/stern_review_reporthtn) publié en octobre 2006 par Sir Nicolas Stern (économiste britannique, ancien vice-président de la Banque Mondiale), à la demande du gouvernement britannique. Selon les conclusions de ce rapport;, les coûts d'une action immédiate pour endiguer le réchauffement climatique se monterait à 1% du PIB mondial alors que l'inaction risquerait d'engendrer une récession économique dont le coût se chiffrerait de 5 à 20% du PIB mondial. Les évolutions survenues depuis la publication de ce rapport et l'affinage de ses recherches ont conduit sir Stern à affirmer que les évaluations de 2006 étaient devenues obsolètes et devraient être revues à la hausse. (...). 

Bien qu'une zone d'ombre plane toujours sur l'amplitude que connaîtra à l'avenir le changement climatique, les futures décisions politiques et les prochains rapports du GIEC nous permettront d'affiner les estimations dans ce domaine. Gardons cependant à l'esprit que l'avenir se décide aujourd'hui, et que si nous ne seont plus là en 2100 pour voir les conséquences de nos erreurs, nous pouvons méditer sur ce très beau poéme indien : "La terre n'est pas un don de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent."  

   

Le rapport de Migrations et Asile

   Dans Migrations et Asile, en octobre 2015, est paru une série de trois grands articles : Le changement climatique à l'approche de la COP21 : Un autre regard sur les migrations. Aux fondement de la crise migratoire : misère, violence, risques de torture et de mort... et changement climatique.

Il s'appuie sur le dernier rapport du Groupe Intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de 2014, qui estime que le changement climatique pourrait mettre en question non seulement l'environnement et la prospérité internationale, mais aussi plus largement, la paix et la sécurité internationale. Il faut noter que de rapport en rapport, le GIEC, non seulement aggrave sans cesse ses diagnostics et place toujours plus haut la barre des pronostics, mais insiste de plus en plus sur la problématique environnementale des confllts. Le Conseil de Sécurité de l'ONU prend déjà ces menaces très au sérieux. Dès avril 2007, une réunion était consacrée spécifiquement aux implications politiques et sécuritaires du réchauffement de la planète. Une initiative reprise en juillet 2011 et juillet 2015, suivie à chaque fois par l'adoption d'une déclaration s'inquiétant des menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationale du fait du changement climatique. La COP21 de novembre 2015 marque un autre point d'orgue à la mobilisation des acteurs internationaux sur cette question. Nul doute, que, quel que soient les résultats de cette Conférence, d'autre initiatives, de plus en plus concrètes et opérationnelles vont marquer les années à venir. D'autant que pour de nombreux spécialistes du climat, elle intervient déjà très tard, et que même les dispositions qu'elle pourrait prendre risque d'être en-deça de la mobilisation requise. 

  Dans le premier de ces trois articles, qui forment un dense rapport, Lauriane LIXÉ-GALABLÉ indique un certain nombre d'axes de ces nouvelles menaces. Elle distingue les notions de "sécurité humaine" et de "sécurité" (nationale, régionale, internationale) au sens traditionnel du terme. "La première notion prend les individus et leurs expériences comme principal point de référence, au contraire de la notion classique de sécurité qui s'évalue à l'aune des États. Cependant, les deux notions ne sont pas totalement indépendantes l'une de l'autre : lorsque l'insécurité humaine augmente, bien souvent cela a un impact sur la sécurité régionale et internationale. Elle dénombre trois aléas parmi les conséquences pour la sécurité humaine :

- l'intensité et fréquence accrue des catastrophes naturelles qui ont plus que triplé depuis les années 1960 (tsunami, cyclone, inondations, mais aussi gel et canicule) ;

- la hausse du niveau des mers (entrainant la disparition de territoires entiers, salinisation des sols et contamination des nappes phréatiques) ;

- l'augmentation de la température conjugué à une perturbation des saisons pluviométriques (inondations, moindre rendement des cultures, désertifications des sols, assèchements des nappes phréatiques). 

    A cause de ces catastrophes naturelles, les populations sont poussées à migrer vers des territoires moins exposés, pouvant entrainer l'émergence de conflits avec les pays voisins, d'autant que le capital humain, matériel et technique n'est plus suffisant pour permettre la reconstruction et la réinstallation. 

   La hausse du niveau des mers (le niveau des océans montera d'environ un mètre d'ici la fin du 21e siècle, mais au vu des très récents rapports, cela devient très optimiste...), ce qui donne un potentiel de destruction très important. La destruction de logements, d'établissements médicaux et autres services est parfois, sur un territoire donné, irrémédiable. Ce qui cause des destabilisations économiques, sociales et politiques.

   L'augmentation de la température semble être le sujet le plus inquiétant pour de nombreux climatologues. Cela entraine à court terme la raréfaction des ressources en eau potable ("stress hydrique"), l'assèchement de nombreuses surfaces cultivables, d'où une diminution des cultures vivrières. Conséquence : un accroissement de la déjà forte pression démographique.

   Notre auteur cite le cas du Tchad et de la Syrie comme régions où les récentes tensions ou guerres civiles proviennent directement des changements climatiques. Plus loin, elle cite le cas des tensions entre l'Inde et le Pakistan. Elle mentionne également la situation de la Chine, qui multiplie à l'heure actuelle ses plans d'adduction d'eau. La région arctique se trouve en première ligne du changement climatique, notamment à cause du dégel du permafrost, menaçant du coup la Russie. 

    L'or bleu devient aussi stratégique que l'or noir dans l'esprit des responsables stratégiques de nombreux États. De manière générale, l'UNCED estime dans son rapport de 2012 sur la désertification que ces 60 dernières années, 40% des conflits transnationaux ont été liés à l'accès à la terre aux ressources naturelles. Même des États réputés solides peuvent être menacés par les conséquences des changements climatiques. L'Europe n'est pas épargnée : le continent européen pourrait être particulièrement touché par une augmentation du nombre d'inondations, tant dans les zones côtières qu'à l'intérieur des terres. Des villes comme Londres et Venise sont particulièrement menacées. Les différents aléas induiront probablement des déplacements de populations internes à l'Europe, dont l'importance surpassera certainement de très loin, le reliquat qu'elle reçoit des migrations en cours en Afrique et au Moyen-Orient. D'ailleurs, Lauriane LIZÉ-GALABBÉ met en garde contre le fantasme d'une future invasion de l'Europe par des "réfugiés climatiques". 

   "A une échelle plus globale, écrit-elle encore, le système multilatéral actuel pourrait être mis en péril par le ressentiment des principaux Etats touchés par les conséquences du changement climatique envers ceux qui en sont les premiers responsables. A la fracture Nord-Sud évidente s'ajoutera une fracture Sud-Sud, entre les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et les autres. le système onusien a été établi après la Seconde guerre mondiale pour conforter la position dominante des grandes puissances de l'époque. Ceci se reflète dans le fonctionnement du Conseil de sécurité, dont seules des États occidentaux sont membres (notre auteure parle des membres permanents, mais l'idée demeure...). Il n'est donc pas certain qu'un bouleversement de l'ordre juridique international par les Etats en voie de développement, premières victimes du changement climatique, se fasse en faveur de l'Union Européenne."

 

Note de 2022 : Tout s'est bien aggravé depuis....

 

Lauriane LIBÉ-GALABBÉ, Changements climatiques à l'approche de la COP21 : un autre regard sur les migrations, Migrations et Asile, octobre 2015. Javier SOLANA MANDAGARIA, Changements climatiques et sécurité internationale, Union Européenne, 2007. Vincent EIFFLING, Le changement climatique : quel impact pour la géopolitique et la sécurité internationale? Université catholique du Louvain, 2009.

 

STRATEGUS

 

Relu le 5 février 2022

 

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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 10:19

           Présenté pour la première fois en 2006 par la délégation du Royaume-Uni, un projet de résolution "Vers un traité sur le commerce des armes" prévoit l'établissement de normes internationales communes pour l'importation, l'exportation et le transfert d'armes classiques. Il est appuyé par 145 pays tandis que les États-Unis et le Zimbabwe s'y opposent et que 18 autres pays s'abstiennent. La résolution de l'Assemblée Générale du 6 décembre 2006 (résolution RES/61/89) lance le processus vers la formation d'un "instrument global et juridiquement contraignant établissant les normes internationale communes pour l'importation, l'exportation et le transfert d'armes classiques" (TCA).

 

            En 2007, le Secrétaire général présente à la 62ème session de l'Assemblée Général le résultat de sa consultation avec les États membres sur la "viabilité, le champ et les paramètres généraux" d'un tel Traité.

 

         En 2008, un groupe d'experts gouvernementaux (GEG) de 28 membres chargés par le Secrétaire général des Nations unies "d'examiner la faisabilité, le champ d'application et les paramètres généraux" du futur instrument se réunit à trois reprises. Les conclusions du rapport du GEG permettent alors d'engager la suite du processus et sur cette base, l'Assemblée Générale adopte à une très large majorité la résolution A/RES/63/240 qui décide la constitution d'un groupe de travail ouvert à l'ensemble des États, chargé de travailler sur les éléments d'un texte "en vue de leur inclusion dans un traité à venir". 

Le Rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité (S/2008/258), du 17 avril 2008, met l'accent sur plusieurs éléments :

- Encourager la formulation d'objectifs mesurables pour la réduction de la violence armée ;

- Promouvoir une plus grande coopération entre les autorités nationales ;

- Favoriser les synergies entre les différents organes s'intéressant à la question, notamment le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale et la Commission de consolidation de la paix ;

- Explorer les possibilités d'amélioration de la surveillance des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité ;

- Oeuvrer à la normalisation des certificats d'utilisateur final ;

- Se pencher de toute urgence sur la question de la destruction des stocks de munitions en excédent et de la gestion des stocks ;

- Renforcer les capacités. 

"Au sein du système des nations Unies, écrit-il, l'on s'emploiera à renforcer davantage la coordination en ce qui concerne la question des armes légères."

Dans ce rapport, le secrétaire général estime que "les progrès dans la mise en oeuvre du Programme d'action (...) ont été entravés par les facteurs suivants :

- Il ne s'agit pas d'un instrument juridiquement contraignant, ce qui pourrait impliquer qu'on lui accorde un rang de priorité plus faible qu'il ne faudrait ;

- Les États membres ont tendance à considérer l'instrument sous un angle spécifique. Bien que son titre insiste sur "tous les aspects" de la question, cet instrument n'aborde pas explicitement de larges volets de la question des armes légères tels que le lien entre sécurité et développement, que les États Membres ont reconnu au Sommet mondial de 2005. Cette omission a nui à l'intégration de la question des armes légères dans les stratégies nationales de développement ;

- Le Programme d'action ne couvre pas spécifiquement la question de la prolifération incontrôlée des munitions. La plupart des États Membres considèrent que les munitions font partie intégrante de la question des armes légères, comme l'a indiqué le premier groupe d'experts gouvernementaux en 1997. Le Conseil de sécurité a également associé le problème des munitions à celui des armes légères en ce qui concerne les embargos sur les armes. Toutefois, certains États Membres estiment que les munitions sont hors du champ d'application du programme d'action ;

- A part une observation préliminaire sur les enfants, les femmes et les personnes âgées, le Programme d'action n'insiste pas explicitement sur la nécessité de tenir compte de la situation particulière des femmes dans les interventions concernant les armes légères ;

- L'instrument présente des lacunes en matière de quantification et ne fixe pas de cibles numériques. Alors que d'autres documents historiques, tels que les objectifs du Millénaire pour le développement, s'appuient sur des cibles et échéances concrets, le Programme d'action ne propose ni points de référence ni dates butoirs ;

- L'instrument n'énonce pas de procédures concrètes pour un échange d'informations opérationnelles entre les autorités nationales chargées de la détection et de la répression des infractions ;

- L'instrument n'offre pas un cadre spécifique pour faciliter l'assistance et la coopération internationale entre Etats. Ceux-ci ont donc du mal à trouver des structures de coopération et à établir un lien entre les besoins et les ressources. 

Le Secrétaire général fait à la fin de son rapport 13 recommandations pour remédier à cette situation.

 

     Les deux sessions du groupe de travail de 2009 conduisent à l'adoption d'un rapport intermédiaire, le 17 juillet, qui permet d'avancer sur les points les plus consensuels et d'ancrer le processus au sein des Nations Unies. Elles sont marquées par une évolution favorable de la position des États-Unis et par un début d'acceptation du processus par les pays sceptiques. Fin octobre, la résolution A/RES/64/48 est votée par la première Commission de l'Assemblée générale. Elle s'intitule "Traité sur le Commerce des Armes".

 

        Les travaux de la première session du Comité préparatoire de la Conférence sur le Traité sur le Commerce des Armes se tiennent à New York, les 12 au 26 juillet 2010. De nombreux points restent à expliciter et à clarifier, mais les discussion permettent une avancée significative pour l'adoption d'un TCA.

Les discussions de la deuxième (28 février au 4 mars 2011) et de la troisième session (11 au 15 juillet 2011) du Comité préparatoire portent sur les dispositions du traité : champ d'application, critères régissant les transferts ainsi que la coopération internationale, mise en oeuvre et dispositions finales dans le cadre d'un traité sur le commerce des armes.

 

       A la sixième séance de la Conférence sur les armes légères, en juillet 2012, alors que des délais ont été impartis pour la finaliser du texte du traité (27 juillet), le pessimisme est de mise. L'absence de consensus pour aboutir semble patent. 

La Fédération de Russie regrette alors qu'à l'issue de ses différentes sessions, le Comité préparatoire ne soit pas en mesure de s'acquitter complètement de son mandat en fournissant à la Conférence des recommandations : "Au lieu de recommandations, les États Membres ont un document de travail dont le principal problème est qu'il reprend l'ensemble des divergences". La Conférence, qui a commencé son débat général avec deux jours de retard, négocie, depuis le 6 juillet, un "document de discussion" qui réunit la somme des avis sur ce que doit être le traité. Il parle de la portée du traité qui devrait, selon de nombreuses délégations, couvrir tous les types d'armes classiques, y compris les armes légères et de petit calibre (ALPC) mais pas, comme insiste le représentant de l'Italie, les armes de sport et la chasse. S'agissant des critères d'interdiction, le "document de discussion", dans son état actuel, ne parle que "des violations potentielles du droit international" et des "conséquences potentielles des exportations" des armes classiques, définies comme les armes qui n'ont pas une capacité de destruction massive, contrairement aux armes nucléaires, biologiques ou chimiques. Ces armes constituent le type d'armement le plus courant sur le globe et de nombreux pays, comme l'Irlande et l'Allemagne plaident pour des normes très élevées en matière de transfert, d'exportation, de réexportation et de transit qui, selon "le document de discussion", doivent être interdits s'ils risquent de violer le droit international humanitaire, les droits de l'homme et le développement socioéconomique. Des divergences fortes sur les conceptions des droits de l'homme, précisément, se font jour, par exemple par l'intervention du représentant de la République arabe syrienne. Les différentes interventions permettent de constater que de fortes préventions existent pour certains pays, sur les différentes contraintes d'un traité, qui pourraient menacer le droit pour les États d'acquérir des armes et du coup le droit d'assurer leur légitime défense. 

 

      Le texte du projet de traité présenté, le 26 juillet 2012, devrait être, selon la France, être considéré "comme la base de négociation dont les acquis devront être préservés". Les États-Unis ont exigé sur ce texte un regain de temps, position officielle, qui se révèle finalement plus constructive que celles de nombreux pays qui ont tenté d'y faire obstruction depuis le début des trois dernières semaines des négociations. 

Ce texte, salué par exemple par Amnesty International, fournit une base solide pour le contrôle des armes, notamment sur le plan des normes communes. Il instaure par exemple un plancher pour les armes couvertes par le traité et non un plafond.

 

   Pour l'Oxfam, qui rassemble un certain nombre d'ONG en campagne pour un Traité exhaustif, un groupe de pays "sceptiques" (l'Iran, la Corée du Nord, Cuba, le Venezuela, l'Égypte et l'Algérie) a systématiquement tenté de ralentir - voire de torpiller - la négociation à coup de questions procédurières. Alors que la totalité des discussions devaient se dérouler dans la transparence, dans les faits, les ONG ont été exclues de nombreuses sessions de travail, notamment dans la dernière semaine cruciale. Des États "clés" (du fait de leur influence et/ou de leur position dominante sur le marché des armes) comme la Chine, la Russie et les États-Unis, pas ou peu favorables à un traité exhaustif et contraignant, ont concentré leurs efforts diplomatiques sur des négociations de couloir, dans le plus grand secret. Mais ces quatre semaines ont vu aussi un groupe de plus en plus large d'État favorable à un traité ambitieux se renforcer. Initialement composé des pays scandinaves, des Caraïbes, de quelques pays d'Amérique centrale ainsi que de l'Afrique de l'Ouest, ce groupe a été rejoint par l'ensemble de l'Union Européenne et la grande majorité de l'Afrique subsaharienne. Des États qui ont affirmé vouloir finaliser aussi vite que possible les négociations sur le TCA.

 

      Aucun consensus sur un Traité sur le commerce des armes (TCA) ne se dégage après plusieurs mois de négociations sur un texte qui vise à réglementer au niveau international les transferts d'armes entre États. 

 

      Une conférence d'évaluation du Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects est toutefois prévue du 27 août au 7 décembre 2012. A l'occasion de la tenue de cette Conférence, Jihan SENORIA, pour le Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) fait le point. 

Le Programme d'action (PoA) reste, après l'échec de la Conférence, un processus pertinent et essentiel. Il demeure le seul outil international de lutte contre le commerce des armes légères et de petit calibre (ALPC), et ce depuis 2001. Sans doute parce que des négociateurs ont fait preuve de manoeuvres dilatoires efficaces, il se trouve oblige de répondre à la question d'une antinomie ou d'une complémentarité entre ce Programme et un Traité.

 Le Programme d'action sur les ALPC est politiquement contraignant tandis que le Traité ne serait que potentiellement juridiquement contraignant. Son objectif est de lutter uniquement contre le commerce des armes légères et de petit calibre alors que le traité réglementerait l'ensemble du commerce international d'armement. Il ne concerne que ces Armes légères et de Petit calibre alors que le Traité concernerait aussi 7 autres catégories d'armements conventionnels (tous les gros matériels) et couvrirait également pour les ALPC, les munitions et les pièces détachées et composants. Alors que dans les activités couvertes par le Programme figurent les Transferts internationaux stricto-sensu (exportations, importations, transit, réexpédition), le courtage, le marquage, la gestion des stocks... le Traité reprendrait toutes ces activités de tous les armements, y compris les transbordements. 

C'est au niveau du Mécanisme de suivi que le Programme d'action peut renforcer le contrôle du commerce des ALPC. Jusqu'à présent, le cycle de suivi du PoA s'est développé sur la base de réunions ad hoc et de décisions à court terme. Aussi la conférence d'évaluation doit instituer un mécanisme de suivi clair pour 2012-2018 :

- En identifiant le rôle, le mandat et des objectifs de chaque réunion. Au vu du succès de la réunion des experts gouvernementaux de mai 2011, il serait utile de réfléchir à un équilibre entre des réunions à portée plus générale, réunissant un plus grand nombre d'États, et des réunions "techniques" permettant le partage d'expérience et l'identification des défis sur un aspect spécifique du PoA et de l'ITI ;

- En définissant des questions de fond qui seront discutées lors du prochain cycle de suivi et en mettant en place un calendrier de travail clair pour les 6 prochaines années afin de prévenir l'apparition d'une certaine "lassitude liée aux réunions". A cet égard, il est important de garantir une cohérence et une complémentarité entre les différentes réunions ;

- En clarifiant et en renforçant les liens entre le PoA et d'autres processus onusiens et régionaux afin d'améliorer la coordination et la complémentarité des efforts et éviter les doublons ;

- En réfléchissant à utiliser le format des réunions d'experts gouvernementaux pour discuter de l'introduction dans le PoA d'enjeux plus problématiques comme les munitions ou d'autres sujets souvent relégués dans les "questions diverses" dans les documents finaux des récentes BMS. Un niveau poussé et technique de discussions sur des sujets sensibles, voire "tabous", pourrait permettre, d'une part, de mettre en lumière et de comprendre les sensibilités de chacun et, d'autre part, de travailler de manière pragmatique et progressive vers l'inclusion de ces questions dans le cadre général du PoA. 

Après avoir énoncé ces propositions, le spécialiste du GRIP estime que le bilan des activités du PoA semble être en bonne voie. 

 

    Pour Aymeric ELLUIN, "(...) les points d'achoppement les plus forts se sont cristallisés sur le coeur du traité. Sur la question des critères d'évaluation que les États devront prendre en compte lors de leur décision d'autoriser ou non le transfert, le traité vient opposer frontalement principaux États producteurs/exportateurs et grands importateurs d'armes. Ces derniers craignent d'être limités dans leurs achats d'armes et de voir remises en cause leur souveraineté et leur indépendance politique. Ils s'opposent ainsi à la règle proposée d'une interdiction de tout transfert, dès lors qu'il existe un risque substantiel de violations graves des droits de l'homme et du DIH (Droit International Humanitaire). Ces critères d'évaluation sont selon eux subjectifs et dès lors renferment un risque de politisation à des fins de sécurité ou géostratégiques. Face à ce mur de contestation, le CICR, notamment a rappelé que les violations graves du DIH n'ont rien de subjectif. Ici on peut noter l'évolution inattendue de la position de la Chine qui est revenue sur son opposition formelle à toute intégration dans le traités de critères contraignants sur les droits de l'Homme et le DIH, certes en la conditionnant à une référence au respect du principe de non-ingérence. Les États-Unis sont, eux, restés fidèles à leur position : ils ne sauraient accepter une interdiction absolue de transférer des armes en dépit de l'existence d'un risque substantiel de violations graves des droits de l'Homme et du DIH, invoquant des motifs de sécurité nationale. La discussion a été particulièrement mouvementée également, lorsqu'il s'est agi du champ d'application du traité, c'est-à-dire du type d'armes qu'il devrait couvrir. Le débat a essentiellement porté sur l'inclusion ou non des munitions et des ALPC. Fer de lance du refus de toute inclusions des munitions : les États-Unis. Mais comme l'ont rappelé la majorité des États, un traité sur les armes qui n'inclurait pas les munitions n'aurait pas de sens. (...) Cette dernière catégorie (ALPC) a fait l'objet d'une attention particulière par certains États comme l'Italie et par le lobby pro-armes américain incarné par la National Rifle Association - ennemi juré du traité - qui ont exprimé une opposition farouche à la prise en compte des armes à feu civiles. A l'inverse, d'autres pays, comme le Mexique, ont insisté fortement pour qu'elles soient visées par le traité. Des discussions importantes ont aussi eu lieu concernant un TCA couvrant les sept catégories du Registre des armes classiques des Nations Unies, certains réclamant une approche extensive de ce dernier dans le cadre du traité, car il laisse de nombreux types d'armes de côté (il date des années 1990). Quant aux technologies, elles ont été évacuées face à l'opposition de pays comme l'Inde, craignant une remise en cause de leur capacité à développer leur industrie de défense nationale. Il fut enfin très peu question des équipements de maintien de l'ordre. Pour faire chorus à ces interminables tentatives d'affaiblissement du traité, 74 pays ont, à la fin de la troisième semaine, fait une déclaration conjointe plaidant pour l'inclusion de critères d'évaluation contraignants et un champ d'application extensif. (...)" 

 

 

Aymeric ELLUIN, Traité sur le commerce des armes : un processus toujours en devenir, dans Diplomatie n°58, septembre-Octobre 2012. www.oxfamfrance.org. www.diplomatie.gouv.fr. www.un.org. Jihan SENIORA, note d'analyse sur la Conférence d'évaluation d'action sur les armes légères, 17 Août 2012.

 

ARMUS

 

Relu le 19 janvier 2021 (actualisation à réaliser)

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 12:54

    Les principales négociations sur le contrôle des armes classiques se déroulent principalement dans l'enceinte des Nations Unies (ONU). D'autres négociations ont lieu, pour des ensembles régionaux ou même des relations bilatérales, en dehors, bien que, souvent, l'appareil diplomatique qui y est déployé est similaire (parfois même, ce peuvent être les mêmes équipes diplomatiques, selon les pays, qui mènent les négociations bilatérales, régionales et internationales...). Dans le cadre du Bureau des affaires du désarmement des Nations Unis, un ensemble de dispositifs s'est d'abord constitué pour permettre de rendre efficaces de telles négociations, même si sur le moment, il ne s'agit pas d'objectifs prioritaires.

 

Un registre des armes classiques

   Ainsi, pour renforcer la confiance et la sécurité entre les États, l'Assemblée générale a créé en 1992 le Registre des armes classiques. Cet arrangement de notification volontaire prévoit que les gouvernements communiquent des informations sur les exportations et importations d'armes majeures, telles que les navires de guerre, y compris les sous-marins, les chars d'assaut, les véhicules blindés de combat, les avions de combat, les hélicoptères d'attaque, les pièces d'artillerie de gros calibres et les missiles et lanceurs de missiles, y compris les systèmes portables de défense aérienne à courte portée. Ces données sont compilées et publiées annuellement comme documents officiels, accessibles au public. A ce jour (septembre 2012), plus de 160 États ont communiqué des données à inclure dans le Registre une ou plusieurs fois.

 

Un rapport sur les dépenses militaires

   Par ailleurs un autre mécanisme mondial est conçu pour promouvoir la transparence dans le domaine militaire : le système des Nations Unis pour l'établissement de rapports normalisés sur les dépenses militaires, créé en 1980. Cet arrangement de notification volontaire porte sur les dépenses nationales consacrées au personnel, aux opérations, à l'entretien, aux achats, à la construction et à la recherche-développement dans le domaine militaire. A ce jour (toujours en septembre 2012), plus de 110 Etats ont communiqué des informations à ce titre au moins une fois. 

 

Les armes classiques devenues priorité

    Le Bureau des affaires du désarmement des Nations Unies a considéré les armes classiques comme une priorité lorsque la guerre froide ayant pris fin, les conflits armés internes se sont multipliés. Dans ces conflits, l'essentiel des armements utilisés est constitué d'armes légères et de petit calibre. La constatation est faite que 40 à 60% du commerce des armes légères dans le monde est illicite à un moment ou à un autre (à une vente licite peut succéder plusieurs ventes illicites). La lutte contre la prolifération de ce trafic est considéré comme un élément clef de l'action menée pour mieux maîtriser, aux niveaux international, régional ou national, tous les aspects de la question des armes légères.

    Les États membres se sont attaqués au problème de l'accumulation excessive et des transferts illicites de ces armes en demandant la réalisation de deux études consacrées pour la première fois à ces questions par des experts en 1997 et en 1999. A la suite de ces travaux, la première Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects s'est tenue au siège de l'ONU en 2001. Cette Conférence adopte alors un programme d'action assorti de recommandations d'action aux niveau national, régional et mondial. A la réunion de suivi de la mise en oeuvre de ce programme, tenue en 2003, les États Membres ont conclu que le Programme commençait à avoir des effets. L'un d'entre eux était l'ouverture en 2004 de négociations sur un instrument international devant permettre l'identification et le traçage rapide et fiable par les Etats des armes de petit calibre et légères illicites.

    De plus, en 1996, l'Assemblée générale de l'ONU a invité les États intéressés à se regrouper pour aider les États en difficulté après un conflit. Par la suite, un groupe fut constitué pour examiner et appuyer des projets concrets de désarmement, en particulier ceux conçus et exécutés par les pays touchés. Sur sa recommandation, le Secrétariat Général a créé en 1998 un Fonds d'affectation spéciale qui a appuyé plusieurs projets de ce type, notamment en Albanie, où la population civile a été encouragée à restituer volontairement des armes en échange de mesures favorisant le développement de la communauté.

    Enfin, étant donné que la prolifération des armes illicites de petit calibre a des répercussions sur de nombreux domaines d'activité des Nations Unies - de l'action en faveur de l'enfance à la santé en passant par les réfugiés et le développement - un mécanisme appelé "Mécanisme de coordination de l'action concernant les armes légères" a été créé en 1998 pour que les organismes des Nations Unies s'attaquent de manière coordonnée aux nombreux problèmes que pose la maîtrise des armes légères. Une campagne mondiale d'action contre les armes légères a également été lancée et menée par la société civile par le biais de la recherche, de la promotion de mesures coordonnées au niveau national et de pressions mondiales en faveur de l'adoption d'une convention internationale sur le commerce des armes.

 

Le Rapport de la Conférence sur le commerce illicite des armes légères

    Le Rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous les aspects, à New York, les 9-20 juillet 2001, constitue la base des orientations de l'Organisation dans sa lutte contre la prolifération des armes légères. Convoquée par la résolution 54/54 V de l'Assemblée Générale du 15 décembre 1999, préparée en trois cessions en 2000 et 2001, elle est fixée par la même Assemblée Générale (résolution 55/415, du 20 novembre 2000) aux 9 au 20 juillet 2001.

Le préambule de ce rapport resitue l'ensemble des négociations futures dans un certain nombre de cadres habituels dans les relations internationales du moment, à savoir une certaine contradiction entre des droits des États de se défendre (donc de s'approvisionner sur des marchés d'armements) et des droits humanitaires (donc de ne pas subir les effets de l'utilisation de ces mêmes armements), comme si la nature légale ou illégale de ces armements constituaient une réelle différence. Ce préambule, en 21 points, expose les principes de ces futures négociations et ses objectifs.

Les États sont :

- "Gravement préoccupé par la fabrication, le transfert et la circulation illicites d'armes légères ainsi que par leur accumulation excessive et leur prolifération incontrôlée dans de nombreuses régions du monde, qui ont toute une série de conséquences d'ordre humanitaire et socioéconomique et constituant une grave menace pour la paix, la réconciliation, la sûreté, la sécurité, la stabilité et le développement durable aux niveaux individuel, local, national, régional et international."

- "Également préoccupés par les répercussions potentielles de la pauvreté et du sous-développement sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects." 

- "Déterminés à atténuer les souffrances provoquées par le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et à renforcer le respect de la vie et la dignité de la personne en encourageant une culture de la paix."

- "Considérant que le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects prolonge les conflits, exacerbe la violence, contribue au déplacement de civils, entrave le respect du droit international humanitaire aux victimes de conflits armés, et facilite la criminalité et le terrorisme."

- "Gravement préoccupés par les conséquences désastreuses qu'il a pour les enfants, dont beaucoup sont victimes de conflits armés ou sont contraints à s'enrôler, ainsi que par ses répercussions négatives sur les femmes et les personnes âgées et, dans ce contexte, tenant compte de la session extraordinaire de l'Assemblée Générale consacrée aux enfants."

- "Préoccupés également pas le lien étroit qui existe entre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de drogues et de minéraux précieux et le commerce illicite des armes légères, et soulignant la nécessité impérieuse d'une action et d'une coopération internationales en vue de combattre du côté de l'offre comme du côté de la demande simultanément."

- "Réaffirmant que nous respectons et honorons les normes fondamentales du droit international et les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, y compris l'égalité souveraine des Etats, l'intégrité territoriale, le règlement pacifique des différends internationaux, la non-intervention et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats."

- "Réaffirmant le droit naturel de légitime défense individuelle ou collective, reconnu à l'article 51 de la Charte des Nations unies."

- "Réaffirmant également que tous les États ont le droit de fabriquer, d'importer et de détenir des armes légères pour les besoins de leur défense et de leur sécurité, ainsi que pour être en mesure de participer aux opérations de maintien de la paix, conformément à la Charte des Nations Unies."

- "Réaffirmant le droit de tous les peuples à l'autodétermination, en tenant compte de la situation particulière des peuples sous domination coloniale ou autres formes de domination ou d'occupation étrangères, et reconnaissant le droit des peuples à prendre des mesures légitimes (...) pour réaliser leur droit inaliénable à l'autodétermination. Cela ne doit pas être interprété comme autorisant ou encourageant toute action qui aurait pour effet de briser ou de remettre en cause, totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'États souverains et indépendants respectant les principes d'égalité des droits et d'autodétermination des peuples".

- "Rappelant que les États ont l'obligation de respecter scrupuleusement les embargos sur les armes décrétés par le Conseil de sécurité de l'ONU (...)."

- "Considérant qu'il appartient au premier chef aux gouvernements de prévenir, de combattre et d'éliminer le commerce illicite des armes légères, et que, en conséquence, ils devraient intensifier les efforts qu'ils font pour définir les problèmes liés à ce commerce et leur trouver des solutions."

- "Soulignant qu'une coopération et une assistance internationales, y compris une aide financière et technique, selon qu'il convient, sont nécessaires d'urgence pour appuyer et faciliter les efforts déployés aux niveaux local, national, régional et mondial, en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects."

- "Considérant que la communauté internationale a le devoir de s'attaquer à cette question et reconnaissant que le problème que pose le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects est multidimensionnel et a, notamment, des composantes qui touchent à la sécurité, à la prévention de la criminalité, au secteur humanitaires, à la santé et au développement."

- "Considérant aussi le rôle important que joue la société civile, y compris les ONG et le secteur industriel, notamment en aidant les gouvernements à prévenir, à combattre et à éliminer le trafic illicite des armes légères sous tous ses aspects."

- "Considérant en outre que l'action envisagée ne porte pas atteinte aux priorités accordées au désarmement nucléaire, aux armes de destruction massive et au désarmement classique ;

- "Se félicitant de l'action entreprise (....) pour lutter contre le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, et désireux d'aller plus loin, en tenant compte des particularités, de l'ampleur et de la gravité du problème dans chaque Etat ou région."

- "Rappelant la Déclaration du Millénaire (...)."

- "Considérant que le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, institue des normes et des procédures qui complètent et renforcent l'action menée (...)."

- "Convaincus de la nécessité d'une adhésion de la Communauté internationale à une approche globale pour promouvoir (...) la prévention, la réduction et la suppression du commerce illicite des armes légères (...)."

- "Décidons, par conséquent, de prévenir, maîtriser et supprimer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects par les moyens suivants :

a) Renforcer ou élaborer des normes et des mesures convenues aux niveaux mondial, régional et national permettant de soutenir et de mieux coordonner les efforts menés pour prévenir, maîtriser et supprimer le commerce illicite des armes légères (...)" ;

b) Élaborer et appliquer des mesures acceptées sur le plan international visant à prévenir, à maitriser et à supprimer la fabrication et le trafic illicites d'armes légères ;

c) Mettre particulièrement l'accent sur les régions du monde où des conflits s'achèvent et où il convient de résoudre d'urgence les graves problèmes que posent l'accumulation excessive et déstabilisatrice des armes légères ;

d) mobiliser la volonté politique de la communauté internationale tout entière en vue de prévenir et de maîtriser les transferts et la fabrication illicite d'armes légères sous touts leurs aspects, de coopérer à ces fins et de faire mieux connaître la nature et la gravité des problèmes connexes associés à la fabrication et au trafic illicites de ces armes ;

e) Encourager une action responsable de la part des États en vue d'éviter les exportations, les importations, le transit et la revente illicites d'armes légères."

 

    Les États participants à la Conférence décident notamment de convoquer, au plus tard en 2006, une conférence dont la date et le lieu seront fixés lors de la 58e session de l'Assemblée Générale "afin d'évaluer les progrès réalisés dans l'exécution du Programme d'action", de convoquer une réunion des États tous les deux ans pour examiner l'exécution du Programme d'action aux niveaux national, régional et mondial, d'entreprendre une étude afin d'étudier la possibilité d'élaborer un instrument international qui permette aux États d'identifier et de suivre rapidement et de manière fiable les armes légères illicites.

 

Relu le 20 janvier 2020

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 15:05

                Nous pouvons lire dans le  rapport 2009 de l'Organisation Internationale des Armes Chimiques (www.opcw.org/nc/fr/) :

 "En 2008, l'OIAC a vérifié la destruction de 4 137 tonnes d'armes chimiques, ce qui signifie que plus de 30 000 tonnes d'armes chimiques ont été vérifiées comme ayant été détruites par l'OIAC au 31 décembre 2008. Un État partie (qui a demandé que son nom soit considéré comme "information hautement protégée") a achevé la destruction de toutes ses armes chimiques en 2008, de sorte qu'à la fin de l'année, il restait quatre autres États détenteurs. (L'Albanie a été le premier État à achever, en juillet 2007, la destruction de son stock déclaré d'armes chimiques-. Au 31 décembre 2008, l'Inde avait détruit 99%, la Jamahiriya libyenne 2%, la Fédération de Russie 30% et les États-Unis d'Amérique 57% de leurs stocks déclarés d'armes chimiques. A la fin de l'année, 9 des 12 États parties qui avaient déclaré des installations de fabrication d'armes chimiques avaient soit détruit soit converti toutes leurs installation de fabrication. Sur les 65 installations de fabrication déclarées, il en restait 4 à détruire complètement ou à convertir." En 2008, il a été "effectué 11 inspections dans 8 installations de fabrication d'armes chimiques. Au 31 décembre 2008, 42 des 65 installations de fabrication d'armes chimiques déclarées avaient été détruites. 19 avaient été converties à des fins non interdites par la Convention et restent sujettes à une vérification systématique. Sur les 4 restantes, 1 n'avait pas encore été détruites (actuellement temporairement convertie à des fins de destruction d'armes chimiques), tandis que les 3 autres n'avaient pas encore été converties."

   A côté de ce travail visant les armes chimiques, écrivent Daniel RICHE et Patrice BINDER, l'OIAC poursuit sa tâche de prévention en inspectant activement l'industrie chimique. "En 2008, le Secrétariat technique a inspecté 200 installations de l'industrie chimique au titre de l'article VI de la Convention". Cette destruction est conduite dans 13 installations, dont 3 en Russie, 8 aux États-Unis, 1 en Libye et 1 en Inde. D'autres, au nombre de 6, sont en cours de construction. A la fin 2008, l'OIAC avait donc vérifié, depuis sa création,

 "la destruction de 30 500 tonnes d'armes chimiques contenues dans près de 3 000 000 de munitions, conteneurs et autres cuves de stockage. Les armes chimiques de la catégorie 1 détruites (agents toxiques de guerre chimique, tels que le CX, le sarin, le tabun, l'ypérite et la lévisite) et 1 220 000 tonnes d'armes chimiques binaires (produits chimiques qui deviennent toxiques lorsqu'ils sont mélangés)." Cela comprend les "armes anciennes" abandonnées, fabriquées entre 1925 et 1946. 

  La mission de l'OIAC est aussi d'apporter son aide aux États qui le sollicitent et de soutenir la formation et l'information des experts. En 2008, l'OIAC déclarait avoir :

 "(...) également poursuivi ses programmes d'aide à des Etats parties pour qu'ils exécutent leurs obligations au titres de l'article VII de la Convention. Pendant la période considérée, un certain nombre d'Etats parties ont reçu une assistance technique dans ce domaine, sous forme d'ateliers, de cours et de missions (...)."

 

       Tous les 5 ans, les États parties à la Conférence Internationale des Armes Chimiques se réunissent. La deuxième conférence quinquennale d'examen, qui s'est tenue du 7 au 18 avril à La Haye, était particulièrement importante, car elle intervenait dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention. Comme le rapportait l'Observatoire sur la non-prolifération en avril 2008, les 5 principaux enjeux de cette réunions étaient de s'assurer de :

- l'universalité de la Convention ;

- sa mise en oeuvre (respect des délais de destruction pour les Etats parties ayant déclaré posséder des armes chimiques, mise en oeuvre législative et réglementaire pour les autres ;

- le renforcement du régime de vérification ;

- la lutte contre les menaces émergentes ;

- l'utilisation de produits incapacitants non létaux.

   A terme de cette réunion, il a pu être constaté que si "l'universalité a été maintes fois évoquée, peu d'idées concrètes ont véritablement émergé sur le moyen de persuader les derniers États réfractaires de joindre le régime". La question des "produits chimiques organiques définis" (PCOD, qui ne sont pas répertoriés aux tableaux de la CIAC) a été au centre d'un certain nombre de débats, soulevés notamment par la Slovénie au nom de l'Union Européenne. Enfin, la Chine s'est montrée très insistante sur la question des "armes abandonnées" sur son territoire par le Japon, qui s'est engagé à commencer leur destruction en 2010.

 Le document final, adopté le 19 avril 2008, fait mention d'un certain nombre de points de convergence, mais également de désaccords issus de certains pays tels que l'Iran, plusieurs fois mentionné, mais certainement pas le seul responsable d'une intense politisation des débats. On notera, par exemple, que certains  États ont rejeté l'emploi du terme '"non-prolifération", au motif qu'"aucun État partie à la convention n'est autorisé à être doté d'armes chimiques et donc ne risque, le cas échéant, de proliférer". Ce n'est bien évidemment pas la non-prolifération chimique qui est visée dans ce débat, mais bien un rappel de l'asymétrie du régime de non-prolifération nucléaire.

  La Conférence se borne à appeler au respect de l'échéance de 2012 pour la fin des opérations de destruction. Enfin, toute référence aux "incapacitants" a été supprimée et la question des PCOD a été soumise à l'examen du directeur général, ce qui semble en être le plus petit dénominateur commun. la deuxième conférence n'a pas été un échec, puisque le document final a été adopté, mais son libellé traduit un manque de volonté politique de la part des États, alors que la CIAC aborde une phase transitoire, entre l'aboutissement des activités dévolues au désarmement et l'adaptation aux nouveaux enjeux (menaces non étatiques, défis de la vérification liés à la mondialisation de l'industrie, mutations scientifiques et progrès technologiques).

 

Daniel RICHE et Patrice BINDER, Les armes chimiques et biologiques, L'Archipel, 2011.

 

Relu le 8 juillet 2020

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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 14:28

       Le rapport de la Commission sur les armes de destruction massive, adopté en 2006 à l'unanimité de ses quatorze membres et édité en France en 2010 vient après une déjà longue série de rapports consacré par des organisations nationales ou internationales aux armements. Cette Commission, présidée par Hans BLIX, s'est appuyée sur les idées contenues dans le rapport de la commission de Canberra publié en 1996 (Commission de Camberra, Éliminer les armes nucléaires, Odile Jacob, 1997) et dans le plan d'action du Forum de Tokyo publié en 1999 (Facing Nuclear Dangers : An Action Plan for the 21st century), ce dernier également centré sur les armes nucléaires.

Ce Rapport de 2006 traite de l'ensemble des armes biologiques, chimiques et nucléaires souvent regroupées sous le terme générique d'armes de destruction massive. Les membres de la Commission ont pensé que les temps semblaient favorables à une disparition de ces armes, dans une période d'accélération des échanges mondiaux qui conduisent à une interdépendance de plus en plus vaste des différentes parties du monde. Mais, comme son président le constate lors de l'édition française de 2010, alors que ce rapport n'a rien perdu de sa pertinence, "les questions importantes sont restées gelées depuis 2010".

 

       Cette édition française comporte, outre l'introduction à cette édition par Hans BLIX, un texte de Venance JOURNÉ sur "La dissuasion française dans le contexte international, avant les textes de l'édition originale : un Avant-propos du président, un Aperçu général, 8 chapitres et 3 annexes. Après avoir expliqué dans un premier chapitre pourquoi il faut se préoccuper des armes de destruction massive et l'état actuel du désarmement, le rapport expose les menaces et les réponses aux armes de terreur, avant d'aborder dans quatre chapitres distincts la question des armes nucléaires, celle des armes biologiques ou à toxines, celle des armes chimiques et celle des vecteurs, des défenses antimissiles et des armes dans l'espace. Ensuite, le rapport expose la problématique du Contrôle des exportations, de l'assistance internationale et de l'action des acteurs non gouvernementaux ainsi que le Respect, la vérification et le rôle des Nations Unies. La première annexe reprend les recommandations de la Commission, présentés dans les différents chapitres ; la deuxième, le travail proprement dit de la Commission, effectué entre 2003 et 2006 ; la troisième, la Déclaration d'ensemble adoptée par la Commission sur les armes de destruction massive.

 

         Le texte de Venance JOURNÉ, qui coordonne l'édition française, sur La dissuasion française dans le contexte international est le seul qui comporte des aspects proprement stratégiques de la question. Après avoir rappelé la "menace cataclysmique" que font peser les armes nucléaires et établi un bref historique de la construction de la force de frappe française, il rappelle les mesures mises en place à la fin de la guerre froide par la France pour limiter les armements nucléaires.

Ainsi la liste de ces mesures comprend la ratification du Traité de Non-Prolifération (TNP) en 1982, le démantèlement des armes "pré-stratégiques" Pluton et Hadès, l'arrêt de la production de plutonium et d'uranium hautement enrichi et le démantèlement des installations de production de Pierrelatte et Marcoule, la réduction du niveau d'alerte pour les forces stratégiques, le démantèlement de la composante terrestre du plateau d'Albion, la réduction des forces stratégiques, la diminution du nombre de sous-marins en permanence à la mer, l'appui au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et sa ratification en 1998, le démantèlement irréversible du site d'essais nucléaires à Mururoa (précédé d'une campagne de tirs en 1995-1996 destinée à assurer la robustesse de la modélisation informatique d'armes et de leurs effets à fins d'analyse des essais) et la ratification des traités établissant des zones exemptes d'armes nucléaires en Afrique et dans le Pacifique Sud en 1996.

   Mais malgré les déclarations d'une moindre adéquation de la stratégie de dissuasion nucléaire au début des années 1990, dès la fin de cette décennie et au début des années 2000 un nouveau discours utilise la prolifération comme argument de modernisation de la cette stratégie. Ainsi, si le nombre de têtes nucléaires diminue, cette baisse est toute relative, et le missile M51 embarqué sur les sous-marins, avec ses 9 000 kilomètres de portée remplace le M45 qui n'en avait que 6 000. De la même manière, la portée des missiles embarqués sur les avions Mirage et Rafale augmente. Si l'on compare la situation actuelle à ce qu'elle était en 1995, les mesures de limitation des armements ont été accompagnées d'une modernisation de l'arsenal pour le rendre plus efficace, flexible, précis et de longue durée. 

   En fait, le seul cadre pour conjurer la menace nucléaire, soutient Venance JOURNÉ, est un traité d'interdiction multilatéral et non discriminatoire. Il fait référence à la Conférence d'examen du TNP de mai 2010.

    Dans le silence médiatique sur la question de la stratégie nucléaire, silence brisé en octobre 2009 par deux anciens premiers ministres français (Alain JUPPÉ et Michel ROCARD) et d'autres personnalités dans un appel à engager la France radicalement dans un processus de désarmement, il est temps de relancer le débat en France et que l'opinion publique fasse entendre sa voix.

 

       L'avant-propos du Président au Rapport de la Commission dresse un tableau globalement sombre, à court terme, des perspectives de maîtrise des armements et de désarmement.

Après les attentats aux États-Unis de septembre 2001, et des volontés affirmées de la Corée du Nord, de l'Irak, de la Libye ou de l'Iran de se procurer des armes nucléaires, la plupart des États ont renforcé et développé les traités et institutions existants, sauf les États-Unis qui ont davantage compté sur leur propre puissance militaire. C'est à l'unilatéralisme américain que la plupart des efforts déployés se heurtent, et le Président en appelle à un volonté générale de revenir à un système multilatéral. Pour autant, cet avant-propos attire tout de même l'attention, ce qui ne le rend pas moins pessimiste, sur des éléments positifs : le nombre de conflits armés entre États a diminué, les opérations de maintien de la paix ont empêché et empêchent encore le déclenchement d'hostilités en maints endroits, les efforts visant à réformer l'ONU commencent à porter leurs fruits et la nouvelle commission de consolidation de la paix des Nations Unies doit venir en aide aux pays qui sortent d'un conflit, diminuant ainsi le risque qu'ils ne retombent dans la violence. Dans tous les cas, l'influence des États-unis est décisive. S'ils montrent l'exemple, il est probable que le monde suivra. S'ils ne le font pas, on risque d'assister à une recrudescence des essais nucléaires et de la course aux armements.

 

       Dans l'Aperçu général sur les armes de terreur, l'explication de la nécessité d'agir reprend les thèmes habituels et toujours d'actualité (inhumanité de ces armes, risque grand d'usage volontaire ou involontaire, impossibilité de revenir sur l'invention de ces armes) auxquels s'ajoutent le phénomène de la décennie écoulée de dispersion et d'essoufflement des efforts de désarmement et l'échec de la Conférence du TNP et l'incapacité du Sommet mondial des Nations Unies de s'entendre sur une déclaration finale en 2005.

   Il faut s'entendre sur des principes d'action généraux, réduire le danger que représentent les arsenaux actuels (pas d'utilisation prévue par les États, pas d'accès pour les terroristes), empêcher la prolifération (pas de nouveaux systèmes d'armement, pas de nouveaux détenteurs) et oeuvrer à la mise hors-la-loi de toutes les armes de destruction massive une fois pour toute. 

 

      Le premier Chapitre, Relancer le désarmement, donne une vue d'ensemble plus précise, dans un contexte de désarroi pour le désarmement. En ce qui concerne la nécessité de se préoccuper des armes de destruction massive, les auteurs indiquent que "il existe de grandes différences entre les armes nucléaires, biologiques et chimiques quant à leur utilisation, leurs effets, leur statut juridique et leur importance stratégique.

Les armes nucléaires demeurent la menace la plus terrible. Pour certains experts, ces différences sont d'ailleurs si importantes qu'ils ne regroupent pas les trois catégories sous la même dénomination d'arme de destruction massive. Néanmoins, dans la mesure où, en tant qu'armes de terreur, elles suscitent toutes trois le même opprobre, il est parfaitement justifié de les traiter comme un seul et même groupe."  Le Rapport veut aller dans le sens d'une action coopérative en faveur de l'interdiction totale de ces armes et estime qu'il y a trois défis essentiels : les arsenaux actuels, les nouveaux États détenteurs potentiels et les détenteurs non étatiques potentiels. Les actions doivent être menées à tous les stades du cycle de vie de ces armes, de leur création à leur déploiement.

 

        Le deuxième chapitre, Armes de terreur : menaces et réponses, détaille les unes et les autres. Le texte, qui s'appuie sur des encadrés plus informatifs (Les effets meurtriers des armes de destruction massive, Les trois principaux traités internationaux relatifs aux armes de destruction massive, à savoir le TNP, la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines, et leur destruction et la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, Inde-Pakistan, La péninsule coréenne, Menaces posées par les armes de destruction massive au Moyen-Orient, Résumé des treize mesures concrètes pour le désarmement nucléaire convenues en 2000, Retrait des traités : exigences de notification) fait le point global sur les armements présents et sur les différentes initiatives de désarmement.

  Pour les armes nucléaires, "Malgré les réductions qui ont suivi la fin de la guerre froide, quelque 12 000 armes nucléaires sont toujours en service ("déployées"). Plus de 90% se trouvent dans les arsenaux des États-Unis et de la Russie. On estime à environ 27 000 le nombre total d'armes déployées et non déployées. L'imprécision de ce chiffre (et de l'inventaire des stocks de matières fissiles) trahit le caractère fragmentaire des informations publiées sur les arsenaux nucléaires. Ce manque de transparence est lourd de conséquences, notamment en ce qui concerne les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de mesurer les progrès accomplis sur la voie du désarmement et de faire respecter l'obligation de rendre des comptes. 

  Pour les armes biologiques, "Aucun État ne reconnaît être en possession d'armes biologiques ou disposer de programme de mise au point d'armes de ce type. Rejoindre un "club de détenteurs d'armes biologiques" n'augmenterait nullement le prestige d'un État, quel que soit." Mais ces armes sont plus facile à dissimuler et "l'éventualité que de nouvelles armes soient mises au point dans le futur suscite encore plus d'inquiétudes que les armes actuelles."

  Pour les armes chimiques, "Les États-Unis et l'Union Soviétique ont produit beaucoup plus d'armes chimiques que les autres pays (plus de 30 000 et 40 000 tonnes respectivement, selon des chiffres datant de 1990). Quatre autres États ont déclaré détenir des stocks d'armes chimiques. De nombreux experts et hauts fonctionnaires ont affirmé que plusieurs États (dont certains sont parties à la Convention sur les armes chimiques) disposaient de programmes clandestins d'armes chimiques. Le processus de destruction contrôlée des armes chimiques se poursuit lentement (...). Cependant, le rapport de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques indique qu'au 28 février 2006, seules 13 049 tonnes d'agents chimiques avaient été détruites sur les 71 373 tonnes de stocks déclarés."

    Le rapport fait état des Réponses traditionnelles aux menaces posées par les armes de destruction massive, que ce soient des initiatives unilatérales, bilatérales, plurilatérales, régionales ou mondiales.

Il pointe les faiblesses de ces réponses : manque d'universalité, faiblesse de certains traités qui comportent des clauses de retrait, insuffisance de la vérification (même dans le cadre de l'activité de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique), non-respect des traités et conventions, absence de moyens d'application. Il se réjouit de nouvelles réponses aux menaces que constituent l'initiative de sécurité contre la prolifération de 2003, lancée par les États-Unis pour interdire et saisir les cargaisons internationales de marchandises soupçonnées d'être destinées à des programmes illicites d'armes de destruction massive et la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU d'avril 2004, qui institue pour tous les États l'obligation de s'abstenir d'aider des acteurs non-étatiques qui tenteraient de s'en procurer. 

  

       La commission fait trois conclusions de tout cela : 

- Il faut relancer et renforcer les stratégies multilatérales concertées en raison de leur légitimité et de leur efficacité potentielle ;

- Il faut redonner aux gouvernements le sens de la responsabilité collective dans la réalisation des objectifs fixés ;

- Le Conseil de sécurité - en liaison étroite avec les États Membres de l'ONU - devraient être le coordinateur de l'ensemble des efforts mondiaux visant à réduire la menace des armes de destruction massive.

 

         Les armes nucléaires sont le thème du chapitre suivant, qui présente l'état actuel précisément sur ces armes.

Comme dans les autres chapitres, des encadrés (progrès accomplis en matière de réduction des menaces nucléaires, exemple d'activités concernant l'élimination des matières fissiles à l'échelle mondiale, initiatives internationales récentes pour renforcer la protection physique, terminologie de l'état de préparation opérationnelles - les fameux seuils d'alerte atomique, Armes nucléaires non stratégiques, quelques problèmes liés aux armes nucléaires non stratégiques, le problème des matières fissiles, essais d'armes nucléaires par les cinq États parties au TNP dotés d'armes nucléaires, l'Inde et le Pakistan) appuient le récit des dernières évolutions en matière d'armement. Le rapport informe bien sur l'état actuel du TNP et apporte des informations sur le terrorisme nucléaire qu'il s'agit d'empêcher.

Ce sont 30 propositions que la commission fait à propos de ces types d'armes et leur importance mérite qu'on les cite ici in-extenso, ainsi que les autres propositions concernant, dans les autres chapitres, les autres armes de destruction massive :

- Toutes les parties au TNP doivent revenir aux engagements fondamentaux et équilibrés en matière de non-prolifération et de désarmement qu'elles ont pris en vertu du traité et confirmé en 1995 lorsque celui-ci a été prorogé pour une durée indéterminée.

- Toutes les parties au TNP devraient appliquer la décision sur les principes et les objectifs de non-prolifération et de désarmement, la décision visant au renforcement du processus d'examen du TNP et la résolution concernant la création d'une zone exempte d'armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, tous ces textes ayant été adoptés en 1995. Elles devraient également promouvoir la mise en oeuvre des "treize mesures concrètes" de désarmement nucléaire adoptés en 2000.

- Pour améliorer l'efficacité du régime de non-prolifération, tous les États parties au TNP non dotés d'armes nucléaires devraient accepter les garanties généralisées renforcées par les protocoles additionnels de l'AIEA.

- Les États parties au TNP devraient mettre en place un secrétariat permanent chargé de s'occuper des questions administratives pour les parties au Traité. Ce secrétariat organiserait les conférences d'examen du Traité et les sessions des commissions préparatoires. Il lui appartient également d'organiser d'autres réunions liées au TNP à la demande d'une majorité des États parties.

- Les négociations avec la Corée du Nord devraient viser la conclusion d'un accord vérifiable avec, comme éléments principaux, que ce pays déclare son adhésion au TNP et accepte le Protocole additionnel de 1997, et qu'il renouvelle et confirme par un instrument juridique les engagements pris dans la Déclaration conjointe sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne de 1992 : plus précisément ni la Corée du Nord ni la Corée du Sud ne possèderont d'armes nucléaires ou d'installations de retraitement et d'enrichissement de l'uranium. Les services relatifs au cycle du combustible nucléaire devraient être assurés dans le cadre d'arrangements internationaux. L'accord devrait aussi couvrir les armes biologiques et chimiques, ainsi que le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, ce qui ferait de la péninsule coréenne une zone exempte d'armes de destruction massive.

- il convient de poursuivre les négociations pour persuader l'Iran de suspendre toute activité sensible touchant au cycle du combustible nucléaire, de ratifier le Protocole additionnel de 1997 et de renouer une coopération pleine et entière avec l'AIEA afin d'éviter une montée des tensions et d'améliorer les perspectives de réaliser l'objectif commun : la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-orient. La communauté internationale et l'Iran devraient instaurer la confiance mutuelle par des mesures telles que des assurances fiables concernant la fourniture de services relatifs au cycle du combustible, la suspension pendant une période prolongée, par tous les États du Moyen-Orient, des activités sensibles liées au cycle du combustible, ou le renoncement à ces activités, des assurances contre les attaques ou la subversion visant à provoquer un changement de régime ainsi que des initiatives destinées à faciliter les échanges et les investissements internationaux.

- Les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires devraient donner des garanties négatives de sécurité juridiquement contraignantes aux États parties non dotés de ces armes. Les États non parties au TNP qui possèdent des armes nucléaires devraient, de leur côté, donner les mêmes assurances.

- Les États devraient utiliser autant que faire se peut l'AIEA comme tribune pour étudier les moyens de réduire les risques de prolifération liés au cycle du combustible nucléaire, tels que les propositions relatives à la création d'une banque internationale du combustible, ou encore de centres régionaux sous contrôle international offrant les services relatifs au cycle du combustible, en particulier des centres d'entreposage du combustible irradié. Une autre proposition porte sur la création d'un système de cycle du combustible selon lequel quelques États fournisseurs des services relatifs au cycle du combustible loueraient du combustible nucléaire aux États ayant renoncé aux activités d'enrichissement et de retraitement.

- Les États devraient mettre au point des moyens d'utiliser de l'uranium faiblement enrichi pour la production des navires et dans les réacteurs de recherche qui requièrent actuellement de l'uranium fortement enrichi. Les États qui séparent le plutonium en retraitant le combustible irradié devraient explorer les possibilités de réduire cette activité.

- Tous les États devraient apporter leur soutien aux initiatives internationales prises pour faire progresser l'élimination des matières fissiles à l'échelle mondiale. Ce soutien devrait inclure la conversion des réacteurs de recherche afin qu'ils utilisent de l'uranium faiblement enrichi et non plus de l'uranium fortement enrichi, l'entreposage des matières fissiles dans des centres de stockage centralisés et sécurisés et le renvoi des matières nucléaires exportées aux fournisseurs afin que ceux-ci les mettent au rebut ou les éliminent dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

- Tous les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier les protocoles aux traités créant des zones exemptes d'armes nucléaires dans différentes régions. Tous les États se trouvant dans ces zones devraient conclure des accords de garanties généralisées avec l'AIEA et convenir de ratifier et d'appliquer les Protocoles additionnels.

- Tous les États devraient apporter leur soutien à la poursuite des efforts visant à établir une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient dans le cadre du processus de paix global. Des mesures peuvent être prises dès maintenant. A titre de mesure de confiance, tous les États de la région, y compris l'Iran et Israël, devraient s'engager pour une longue durée en faveur d'un accord vérifié aux termes duquel ils ne se livreraient à aucune activité d'enrichissement ou de retraitement ni à d'autres activités sensibles liées au cycle du combustible sur leur territoire. Un tel engagement devrait s'accompagner d'assurances fiables concernant les services liés au cycle du combustible nécessaires aux activités nucléaires pacifiques. L'Égypte, l'Iran et Israël devraient se joindre aux autres États du Moyen-Orient et ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

- L'Inde et le Pakistan devraient ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et se joindre aux autres États dotés d'armes nucléaires ayant décrété un moratoire sur la production de matières fissiles destinées aux armements, en attendant la conclusion d'un traité. Ils devraient continuer à oeuvrer pour la détente bilatérale et instaurer la confiance grâce à des mesures politiques, économiques et militaires, en réduisant le risque de conflit armé et en accroissant la transparence dans leurs activités nucléaires et relatives aux missiles. Les deux États devraient à terme devenir membres du Groupe des fournisseurs nucléaires et du Régime de contrôle de la technologie des missiles ; ils devraient également devenir parties aux accords de garanties de l'AIEA aux termes des Protocoles additionnels de 1997.

- Les États doivent empêcher les terroristes d'accéder aux armes nucléaires ou aux matières fissiles. A cette fin, ils doivent mettre en place une comptabilité rigoureuse et un contrôle exhaustif de tous leurs stocks de matières fissiles et radioactives et des autres sources radiologiques présentes sur leur territoire. Ils devraient instituer une responsabilité juridique individuelle pour tout acte de terrorisme nucléaire ou les activités qui y concourent. Ils devraient développer leur coopération notamment à travers le partage d'informations, y compris le renseignement sur le commerce nucléaire illicite. Ils devraient également promouvoir l'adhésion universelle à la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire et à la convention sur la protection physique des matières nucléaires ainsi que l'application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient déclarer catégoriquement une politique de non-emploi en premier de ces armes. Ils devraient préciser que cela porte à la fois sur la préemption et sur la prévention, ainsi que sur les représailles aux attaques avec utilisation d'armes chimiques, biologiques ou conventionnelles.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient réexaminer leurs plans militaires et définir ce qui est nécessaire au maintien de politiques crédibles de sécurité non fondées sur les armes nucléaires. Les États qui déploient leurs forces nucléaires selon une triade associant missiles lancés à partir de sous-marins, missiles balistiques intercontinentaux basés à terre et bombardiers de longue portée devraient abandonner cette pratique afin de réduire les redondances et d'éviter d'encourager la course aux armements nucléaires.

- Les États-Unis et la Russie devraient convenir de mesures réciproques pour que les armes ne soient plus en état d'alerte maximale et ils devraient établir une commission mixte pour faciliter la réalisation de cet objectif. Ils devraient éliminer de leurs plans de guerre nucléaire l'option de lancement sur alerte, tout en opérant parallèlement une réduction contrôlée de l'état de préparation opérationnelle d'une grande partie de leurs forces stratégiques en prenant les mesures suivantes :

. réduire le nombre de sous-marins stratégiques en mer et ramener à un niveau inférieur leur état de préparation technique au lancement lorsqu'ils sont au port ;

. entreposer les bombes nucléaires et les missiles de croisière lancés depuis des bombardiers ailleurs que sur les aérodromes correspondants ;

. entreposer séparément les ogives et les têtes nucléaires de la plupart des missiles balistiques intercontinentaux et prendre d'autres mesures techniques pour réduire leur état de préparation.

- Les États-Unis et la Russie devraient engager des négociations sur un nouveau traité sur la réduction des armes stratégiques visant à réduire au moins de moitié le déploiement des forces stratégiques actuellement autorisé par le Traité de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques (SORT). Ce nouveau traité devrait comprendre l'engagement juridiquement contraignant de démanteler de façon irréversible les armes retirées en vertu du Traité SORT. Il devrait également instituer des règles comptables, des calendriers et des procédures transparents pour démanteler les armes, ainsi que des mesures de vérification réciproque.

- Les États-Unis et la Russie, suivis des autres États dotés d'armes nucléaires, devraient publier les chiffres totaux de leurs arsenaux nucléaires en service actif ou en réserve ; ces chiffres serviraient de référence pour les futurs efforts de désarmement. Ils devraient également convenir d'inclure dans les futurs accords sur le désarmement des dispositions spécifiques relatives à la transparence, à l'irréversibilité, à la vérification et à la destruction physique des têtes nucléaires.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires doivent examiner la question de leur possession de ces armes. Tous les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires doivent prendre des mesures aux fins du désarmement nucléaire comme l'exigent le TNP et les engagements pris dans le cadre de sa prorogation pour une durée indéterminée. Les États-Unis et la Russie devraient montrer l'exemple. Les autres États dotés d'armes nucléaires devraient s'associer au processus, selon une action individuelle ou coordonnée. L'Inde, Israël et le Pakistan ne sont pas parties au TNP, mais il est également de leur devoir d'apporter leur contribution au processus de désarmement nucléaire.

- Les États-Unis et la Russie devraient commencer à s'acquitter des engagements qu'ils ont pris en 1991 d'éliminer les types spécifiques d'armes nucléaires non stratégiques, telles que les charges nucléaires statiques, les obus d'artillerie et les têtes nucléaires des missiles balistiques de courte portée. Ils devraient convenir de retirer toutes les armes nucléaires non stratégiques et les rassembler dans un entrepôt central sur leur territoire, en attendant de les éliminer définitivement. Les deux pays devraient renforcer leurs engagements unilatéraux de réduction de 1991 en élaborant des dispositions qui garantiraient la vérification, la transparence et l'irréversibilité.

- Tout État qui possède des armes nucléaires devraient s'engager à ne déployer aucune de ces armes, quel qu'en soit le type, en territoire étranger.

- Tout État qui envisage de remplacer ou de moderniser ses systèmes d'armes nucléaires doit examiner une telle mesure en tenant compte de toutes les obligations qui lui incombent en vertu des traités pertinents et de son devoir de contribuer au processus de désarmement nucléaire. Il doit tout au moins s'abstenir de mettre au point des armes nucléaires dotées de nouvelles capacités militaires ou auxquelles sont conférées de nouvelles missions. Il ne doit pas adopter de systèmes ou doctrines qui estompent la distinction entre armes nucléaires et armes conventionnelles ou abaissent le seuil de recours aux armes nucléaires.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires, particulièrement les États-Unis et la Russie, devraient soumettre les matières fissiles excédentaires de leurs programmes militaires au régime des garanties de l'AIEI. Afin de faciliter la réduction des stocks d'uranium fortement enrichi, les États détenteurs devraient vendre à d'autres États parties au TNP l'uranium dilué à un niveau d'enrichissement convenant à une utilisation comme combustible dans les réacteurs ou bien l'utiliser à des fins pacifiques pour leurs propres besoins énergétiques.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient adopter des normes strictes pour la manutention des matières fissiles de qualité militaire considérées comme excédant les besoins militaires ou récupérées d'activités de désarmement, à l'exemple de normes américaines applicables aux armes entreposées et au combustible irradié.

- La Conférence du désarmement devrait immédiatement engager sans conditions préalables les négociations, précédemment reportées, relatives à un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Auparavant ou tout au moins pendant ces négociations, la conférence du désarmement devrait constituer un groupe d'experts scientifiques chargé d'examiner les aspects techniques du traité.

- Afin de faciliter les négociations sur l'arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires dans le cadre de la Conférence du désarmement, les cinq États parties au TNP dotés d'armes nucléaires, auxquels se joindraient les autres États dotés d'armes nucléaires, devraient s'entendre pour cesser la production de matières fissiles à des fins d'armement. Ils devraient ouvrir leurs installations de production de ces matières aux inspecteurs de l'AIEA, en s'inspirant des inspections effectuées en France et au Royaume-Uni en vertu du Traité Euratom. Ces huit États devraient également examiner la question des limitations vérifiables des stocks existants de matières nucléaires utilisables à des fins d'armement.

- Tous les États qui ne l'ont pas encore fait devraient signer et ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires sans condition et sans retard. Les États-Unis, qui n'ont pas encore ratifié le Traité, devraient reconsidérer leur position et procéder à cette ratification, reconnaissant que cela conduirait d'autres États dont la ratification est exigée à faire de même, ce qui constituerait un pas vers l'entrée en vigueur du Traité. En attendant cette entrée en vigueur, tous les États dotés d'armes nucléaires devraient continuer à s'abstenir de tout essai nucléaire. Par ailleurs, la Conférence des signataires du traité qui s'est tenue en 2007 devrait examiner la possibilité d'une entrée en vigueur provisoire.

- Tous les États signataires devraient apporter un appui financier, politique et technique au développement et au fonctionnement permanents du régime de vérification, notamment le Système de surveillance international, le Centre international de données et son secrétariat, afin que l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires soit prête à surveiller et vérifier le respect du Traité dès que celui-ci entrera en vigueur. Ils devraient s'engager à entretenir les stations dont ils sont responsables et à poursuivre la transmission des données nationales en toutes circonstances.

- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient commencer à établir des plans de sécurité sans armes nucléaires. Ils devraient se préparer à ce que les armes nucléaires soient déclarées illégales en prenant des mesures communes, concrètes et progressives, incluant l'adoption de définitions, de points de référence et d'exigences de transparence aux fins du désarmement nucléaire.

    La lecture de ces trente propositions montre en creux à quel point les conditions d'un véritable désarmement nucléaire sont très loin d'être remplies. Déjà, nous pouvons constater à la lecture des différentes statistiques sur les armes nucléaires et les matériaux fissiles, publiées par exemple par l'IISS ou le GRIP, les importantes lacunes et incertitudes en matière de simple information. L'inquiétude ne peut être que de mise devant certaines propositions qui semblent indiquer des défauts très importants dans le contrôle des arsenaux effectués par les autorités mêmes en charge dans les États détenteurs d'armes nucléaires...

 

          Au chapitre 4,, sont abordés les armes biologiques ou à toxines, avec des informations précises sur l'état du classement des armes biologiques, le Protocole de Genève de 1928, l'énumération des États qui ont signé la Convention sur les armes biologiques ou à toxines mais qui ne l'ont pas encore ratifiées ainsi que celle des États non signataires.

Six propositions sont faites par la Commission :

- Tous les États qui ne sont pas encore parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient y adhérer. Les États parties à la Convention devraient lancer une campagne visant à l'adhésion universelle d'ici à la septième Conférence d'examen qui doit se tenir en 2011.

- En vue de parvenir à l'adoption universelle de dispositions législatives et réglementaires nationales pour la mise en oeuvre intégrale et effective de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines, les États devraient offrir une assistance technique et promouvoir des modèles de bonnes pratiques de législations de ce type. Dans le cadre du processus de renforcement de la confiance et afin de promouvoir la transparence et l'harmonisation, tous les États parties devraient établir et rendre publiques tous les ans des déclarations nationales liées aux armes biologiques.

- Les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient renforcer les pouvoirs d'investigation du Secrétaire général de l'ONU en veillant à ce que le Secrétariat puisse disposer d'une liste d'experts régulièrement mise à jour et qu'il puisse bénéficier des conseils de l'Organisation mondiale de la santé ainsi que des services d'une unité spécialisée établie sur le modèle de la Commission de contrôle pour l'aider à enquêter sur les épidémies inhabituelles et les allégations d'emploi d'armes biologiques.

- Les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient créer un secrétariat permanent chargé des travaux d'organisation et des tâches administratives liées à la Convention, par exemple les conférences d'examen et les réunions d'experts.

- Les gouvernements devraient mettre en place une vieille sanitaire publique pour permettre de surveiller efficacement des épidémies inhabituelles ; ils devraient également élaborer des méthodes concrètes pour coordonner les réponses internationales à tout événement important qui pourrait avoir été provoqué par des armes biologiques. Ils devraient renforcer la coopération entre les autorités sanitaires civiles et les autorités chargées de la sécurité, tant nationales que régionales et mondiales, notamment dans le cadre du nouveau Règlement sanitaire international de l'Organisation mondiale de la santé. Les gouvernements devraient également revoir les mesures nationales de bio-sûreté et de biosécurité afin de protéger la santé et l'environnement face aux émissions de matières biologiques et de toxines. Ils devraient harmoniser les norme nationales de biosécurité.

- Lors de la sixième Conférence d'examen, en 2006, les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient réaffirmer les accords obtenus lors des précédentes conférences d'examen et prendre des mesures dans tous les domaines abordés lors des réunions de la Convention depuis 2003. Ils devraient établir un programme de travail sur de nouveaux sujets pour leurs prochaines réunions. Ils devraient prévoir une réévaluation plus fréquente des implications des progrès scientifiques et technologiques et réaffirmer que tous les engagements pris en vertu de l'Article premier de la Convention s'appliquent également à ces progrès. La Conférence d'examen devrait réaffirmer que tous les progrès en sciences de la vie entrent dans le champ d'application de la Convention et que celle-ci interdit leur utilisation à des fins hostiles.

 

       Le chapitre suivant porte sur les armes chimiques et comporte de nombreux encadrés informatifs : Principaux types d'armes chimiques, Définition des armes chimiques selon l'article II de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, Quels sont les produits chimiques réglementés, L'organe de mise en oeuvre de d'inspection de la Convention sur les armes chimiques, États non parties à la Convention sur les armes chimiques en Avril 2006.

La Commission formule là aussi 6 recommandations :

- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient mobiliser des ressources suffisantes pour éviter tout retard excessif dans la destruction convenue des stocks d'armes chimiques.

- L'organisation pour l'interdiction des armes chimiques et les États parties à la convention sur les armes chimiques devraient poursuivre leurs efforts pour assurer l'adhésion universelle à la Convention. Les États parties devraient appliquer intégralement les règles relatives au commerce et au transfert des produits chimiques qui sont des précurseurs des agents employés dans les armes chimiques. Ils devraient aller plus loin dans l'élaboration des règlements concernant le commerce et le transfert des produits chimiques susceptibles d'être utilisés pour produire des armes chimiques. Avec l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ils devraient poursuivre la recherche de moyens constructifs, notamment l'assistance technique, pour inciter les États à adhérer et à mettre en oeuvre la Convention. Lorsqu'ils fournissent  cette assistance ou procèdent au transfert des technologies correspondantes, ils devraient envisager des mesures permettant de garantir leur utilisation sûre et responsable par les bénéficiaires.

- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient confirmer que l'utilisation d'agents chimiques toxiques aux fins de maintien de l'ordre est, à l'instar des agents de contrôle des émeutes, interdite en tant que méthode de mener la guerre. En conséquence, chaque Etat partie doit déclarer tous ces agents en vertu de l'Article III de la Convention.

- Les États parties devraient veiller à ce que l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques dispose des ressources, de l'expérience et de l'autorité juridique nécessaires pour effectuer des inspections par mise en demeure de façon efficace et en temps opportun, y compris pour le prélèvement et la levée d'échantillons à des fins d'analyse.

- Tous les États devraient, par le biais de leur législation et de leurs politiques nationales, interdire la production, la possession et l'utilisation de produits chimiques toxiques et des technologies associées à des fins qui sont interdites par la Convention sur les armes chimiques. Les États devraient assurer la sécurité interne et externe des installations chimiques par la législation et par des accords avec les industriels. Les États devraient également mettre au point des moyens nationaux pour vérifier le respect des normes de sécurité.

- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient confier à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques des fonctions de coordination dans le cadre de l'élaboration de normes mondiales pour une culture de la sécurité au sein de l'industrie chimique. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques devraient proposer des services d'assistance en matière d'évaluation et de sécurité aux sites déclarés. Les Etats parties devraient aussi renforcer la capacité de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, par exemple en fournissant du matériel de détection, des systèmes d'alarme et des antidotes médicaux.

   Les deux dernières propositions visent certaines conditions d'insécurité de l'industrie chimique, notamment dans les nouveaux pays industrialisés et de manière générale, va tout-à fait à contre courant du mouvement de libéralisation dans cette industrie, notamment dans ses deux domaines du contrôle par l'État et de la fiabilité des services de sûreté, souvent sacrifiés au nom de la rentabilité économique. La Commission souhaiterait des poursuites judiciaires contre toute personne qui commet des actes de malveillance contre un site de l'industrie chimique et que les États travaillent pour réduire le risque "que des terroristes ne cherchent des cibles dans les pays où la sécurité est défaillante".

 

        Le sixième chapitre aborde, ce que les Rapports sur les armements et le désarmement ne font pas souvent, la question des vecteurs, des défenses antimissiles et des armes dans l'espace. Après une description des divers types de vecteurs aériens, pouvant transporter des armes de destruction massive, des différents types de défense antimissile, évoquant bien entendu le Traité ABM, duquel les États-Unis se sont retirés en juin 2002, et de différents aspects de la militarisation de l'espace, la Commission fait quatre recommandations :

- Les États membres du Régime de contrôle de la technologie des missiles devraient renouveler leurs efforts en vue de mieux mettre en place et l'élargir les contrôles à l'exportation des matériels et des technologies concernés. Les États qui souscrivent au Code de conduite de La Haye devraient en étendre la portée de façon à inclure les missiles de croisière et les drones. Ils devraient établir un centre multilatéral d'échange de données inspiré des initiatives américano-russes pour échanger des données sur les lancements de missiles grâce à des systèmes d'alerte précoce. Les mesures régionales et internationales de non-prolifération devraient inclure des échanges d'informations, la notification des lancements et des restrictions ou des interdictions frappant certains équipements ou capacités spécifiques.

- Les États ne devraient pas envisager de déployer ou de continuer à déployer des systèmes de défense antimissiles, de quelque nature qu'ils soient, sans tenter au préalable de négocier l'élimination des menaces que présentent les missiles. En cas d'échec des négociations, le déploiement de ces systèmes devrait s'accompagner de programmes de développement en coopération et de mesures de confiance afin de réduire le risque d'alertes néfastes sur la paix et la sécurité internationales, notamment celui de susciter ou d'aggraver les courses aux armements.

- Tous les États devraient renoncer à déployer des armes dans l'espace extra-atmosphérique. Ils devraient promouvoir l'adhésion universelle au Traité sur l'espace extra-atmosphérique et en étendre la portée grâce à un protocole interdisant toutes les armes dans l'espace. En attendant la conclusion d'un tel protocole, les États devraient s'abstenir d'activités incompatibles avec ses objectifs, notamment de tous les essais contre des objets spatiaux ou des cibles terrestres à partir d'une plate-forme spatiale. Les États devraient adapter les régimes et institutions internationaux traitant des questions spatiales de façon à ce que les aspects militaires et civils puissent être examinés dans le même contexte. Ils devraient également constituer un groupe d'experts chargé d'élaborer des options pour la surveillance et la vérification de différentes composantes d'un régime de sécurité de l'espace et d'un code de conduite, destinés notamment à interdire les essais ou le déploiement d'armes spatiales.

- Il conviendrait de tenir une Conférence d'examen du Traité sur l'espace extra-atmosphérique en 2007 pour marquer le quarantième anniversaire de l'entrée en vigueur de cet instrument. A cette Conférence, il faudrait aborder la nécessité de renforcer le Traité et d'en étendre la portée. Il conviendrait de désigner un coordinateur spécial de façon à faciliter les ratifications et assurer la liaison avec les États non-parties à propos du renforcement du régime de sécurité dans l'espace instauré par le Traité.

 

       Un effort particulier (au Chapitre 7) est porté par la Commission sur le Contrôle des exportations, l'assistance internationale et l'activité des acteurs non gouvernementaux. Face aux difficultés rencontrées pour prévenir les activités de prolifération sous le couvert de transactions commerciales légales, les États-Unis avaient lancés en 2003 l'Initiative de sécurité contre la prolifération, essentiellement pour interdire et interception des cargaisons en transit. Et plusieurs États (onze au début la même année, puis plusieurs autres) avaient adopté une Déclaration sur les principes d'interdiction. Prenant appui sur cette volonté, la Commission recommande que :

- Tous les états devraient procéder à des audits de leurs organismes chargés du contrôle des exportations (douanes, police, garde-côtes, police des frontière et armée) de façon à s'assurer qu'ils sont en mesure d'accomplir efficacement leurs tâches. Les États devraient s'attacher à instituer un système universel de contrôle des exportations prévoyant des normes harmonisées, une transparence accrue et un appui concret à la mise en oeuvre. Les membres des cinq régimes de contrôle des exportations devraient promouvoir l'adhésion de nouveaux membres, au vu des problèmes qui se posent actuellement en matière de sécurité, sans entraver le commerce légitime et le développement économique.

  L'assistance technique et les moyens financiers adaptés constituent des impératifs pour que les actions de non-prolifération soient réellement efficaces, notamment dans des régions qui peuvent en manquer. Aussi, la Commission recommande :

- Le partenariat mondial du Groupe des Huit (pays, constitué en 2002) devrait étendre la portée géographique et fonctionnelle de son programme d'assistance à la non-prolifération. Le Groupe des Huit devrait garantir le financement intégral du Programme d'élimination de plutonium de qualité militaire. Les donateurs potentiels devraient examiner la façon dont l'assistance technique, les formations, les équipements et les moyens financiers pourraient être fournis aux États de toutes les régions pour les aider à mettre en oeuvre la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Cinq propositions insistent sur la responsabilité des entreprises, des organismes de recherche, des organisations non gouvernementales et du public de manière générale :

- Les sociétés menant des activités liées aux armes de destruction massive ont la capacité et la responsabilité d'aider à prévenir la prolifération de ces armes : il est dans leur intérêt de montrer qu'elles assument cette responsabilité, notamment en se conformant scrupuleusement à leurs obligations nationales et internationales et en faisant preuve de transparence vis-à-vis du public. Les associations commerciales devraient promouvoir ces objectifs.

- Les États, les organisations internationales et les associations professionnelles devraient encourager les associations universitaires et industrielles concernées à adopter et appliquer efficacement des codes de bonnes pratiques et des codes de conduite en matière de science et de recherche dans les domaines liés aux armes de destruction massive.

- Les gouvernements possédant des armes de destruction massive devraient communiquer des informations exhaustives et actualisées à leur parlement au sujet des stocks d'armes et des activités qu'ils mènent pour les réduire et les éliminer. Les parlements devraient rechercher activement la communication de ces informations et reconnaitre leur responsabilité en matière de formulation des politiques touchant les questions relatives aux armes de destruction massive. Une plus grande coopération interparlementaire sur ces sujets s'impose. 

- Les États devraient aider les organisation non gouvernementale à participer activement aux réunions et conférences internationales, à diffuser des informations et à mener des campagnes dans le domaine des armes de destruction massive. Les fondations privées devraient accroitre substantiellement leur appui à celles qui oeuvrent à l'élimination des menaces que ces armes représentent à l'échelle mondiale.

- Les organisations dont les programmes de travail ont rapport avec la sécurité devraient revoir l'étude de l'ONU sur l'éducation en matière de désarmement et de non-prolifération de 2002 et réfléchir à la façon dont elles pourraient encourager et soutenir une telle éducation ainsi qu'un débat public éclairé. Les gouvernements devraient financer des bourses d'études dans les institutions multilatérales spécialisées dans les questions ayant trait aux armes de destruction massive.

 

        Le dernier chapitre traite du Respect, de la vérification et de l'application des actions menées contre la prolifération des armes de destruction massives et du rôle des Nations Unies.

La Commission rappelle que les traités sont des outils impératifs pour limiter ou interdire ces types d'armes et que les gouvernements, qui savent qu'ils sont nécessaires dans la vie internationale, doivent absolument les respecter. Or, non seulement beaucoup d'entre eux ne prévoient pas d'outils de vérification de leur application, mais souvent ces outils eux-mêmes paraissent faibles ou défaillants. Elle insiste sur la généralisation des inspections et leur coordination par l'ONU. Il faut revitaliser le mécanisme de désarmement des Nations Unies, qui fait l'objet d'un important encadré. Il faut dire que les enseignements des deux guerres du Golfe ont mis en évidence la nécessité d'effectuer des inspections crédibles et non utilisables (non détournables) à des fins de politique étrangère. 

C'est tout le sens de ses sept dernières recommandations :

- Le système de garanties renforcé adopté par l'AIEA par le biais du Protocole additionnel devant devenir le norme pour les parties du TNP, les États fournisseurs devraient faire de l'acceptation de cette norme par les destinataires une condition préalable de tout contrat portant sur les équipement ou matières nucléaires.

- Les gouvernements devraient enjoindre à leurs services de renseignement d'aider les organismes internationaux d'inspection en leur communiquant les informations pertinentes sans compromettre l'indépendance des systèmes d'inspection.

- Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait créer un petit service auxiliaire de spécialistes qui fourniraient des informations et des conseils techniques professionnels sur les questions touchant les armes de destruction massive. A la demande du Conseil ou du Secrétariat général, il organiserait des inspections ponctuelles et des activités de surveillance sur le terrain en utilisant une liste actualisée d'inspecteurs dûment qualifiés.

- Il faut faire respecter les obligations juridiques internationales relatives aux armes de destruction massive. Toute action internationale de coercition devrait être engagée seulement après qu'une enquête crédible ait établi avec certitude que les obligations juridiques n'ont pas été respectées.

- Pour que la Conférence de désarmement puisse fonctionner, il faudrait qu'elle puisse adopter son programme de travail à la majorité qualifiée des deux tiers des membres présents et votants. Ses autres décisions administratives et de procédure devraient être assorties des mêmes conditions.

- L'Assemblée générale de l'ONU devrait convoquer, après des préparatifs minutieux, un Sommet mondial sur le désarmement, la non-prolifération et l'utilisation des armes de destruction massive par des terroristes. A ce sommet, l'on devrait également discuter des réformes visant à améliorer l'efficacité du mécanisme de désarmement des Nations Unies et prendre des décisions sur la question.

- Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait faire plus grand usage des possibilités dont il dispose pour réduire et éliminer les menaces que présentent les armes de destruction massive qu'elles soient liées aux arsenaux existants, à la prolifération ou au terrorisme. IL devrait examiner le cas de tout État se soustrayant à l'obligation de ne pas acquérir d'armes de destruction massive ou auteur de toute infraction à cette obligation. faisant usage de l'autorité qui lui est conférée en vertu de la Charte pour prendre des décisions contraignantes pour tous les membres, le Conseil pourrait notamment :

. exiger de certains États qu'ils acceptent des mesures de contrôle, d'inspection et de vérification effectives et exhaustives ;

. exiger des États membres qu'ils adoptent une législation garantissant la mise en oeuvre à l'échelle mondiale de règles ou mesures spécifiques ;

. et décider, en dernier recours, de l'application de mesures économiques ou militaires pour obliger des États à respecter leurs obligations.
Avant qu'une réforme de l'ONU ne rende le Conseil de sécurité plus représentatif des membres de l'Organisation, il importe tout particulièrement que les décisions contraignantes soient précédées de consultations effectives pour s'assurer qu'elles bénéficient de l'appui de tous les membres et qu'elles seront acceptées et respectées. 

     A la fin du chapitre, la Commission signale que la perspective d'un monde exempt d'armes de destruction massive doit de toute façon s'accompagner de la vision d'un monde dont les arsenaux d'armes conventionnelles sont considérablement réduits. La question du désarmement est en effet globale. Malgré le pessimisme actuel sur les initiatives de désarmement, la Commission termine son rapport sur une note plutôt optimiste, vu la vitesse de l'intégration économique mondiale. Le monde dans lequel nous vivons est dorénavant un monde pluriel : "Dans le monde actuel, il semble improbable qu'un seul État ou un groupe d'États ait la volonté ou le pouvoir d'établir et de faire appliquer un contrôle sur tous les pays et leurs forces armées. Pour la grande majorité des États, ce serait inacceptable."

C'est le partage même, généralisé, si nous pouvons dire, dans toute la planète des grands problèmes par en partie une intégration économique rapide, qui rend la Commission optimiste : "Il est plus probable qu'à la faveur de l'intégration économique qui s'accélère à un rythme sans précédent, notre interdépendance ira en s'accentuant. Les tensions entre sociétés riches et pauvres, la propagation de maladies telles que le sida et la grippe aviaire, les menaces environnementales, la concurrence dans le domaine de l'énergie, le fonctionnement du commerce international et des marchés financiers, le crime et le terrorisme transnationaux, etc., seront des défis pour tous les Etats. Ils exigeront l'édification d'une société internationale organisée selon les principes de la coopération et du droit, et non d'une société contrôlée par une force militaire écrasante dotée d'armes de destruction massive."

 

Commission sur les armes de destruction massive, Armes de terreur, Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques, Introduction de Hans BLIX, Ouvrage coordonné par Venance JOURNÉ, L'Harmattan, 2010. A noter que la version anglaise de ce rapport est disponible sur le site Internet www.wmdcommission.org. Le pôle bernheim Paix et Citoyenneté (www.iee-ulb.eu/polebernheim/) a participé à l'élaboration de la version française.

 

Relu le 15 avril 2020

 

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 15:58

        Les articles 6, alinéa 5 et 24 alinéa 3 du Pacte de la Société Des Nations et les articles 17 et 19 de la Charte de l'Organisation des Nations Unies définissent les ressources financières des deux organisations internationales.

 

 

Pacte de la SDN

 

Article 6, alinéa 5

                 Les dépenses du Secrétariat de la Société seront supportées par les membres de la Société dans la proportion établie pour le Bureau international de l'Union Postale Universelle.

 

Article 24, alinéa 3

                  Le Conseil peut décider de faire entrer dans les dépenses du secrétariat celles de tout Bureau ou Commission placé sous l'autorité de la Société.

 

 

 

Charte de l'ONU

 

Article 17

         1. L'Assemblée générale examine et approuve le budget de l'Organisation.

         2. Les dépenses de l'Organisation sont supportées selon la répartition fixée par l'Assemblée Générale.

         3. L'Assemblée générale examine et approuve tous arrangements financiers et budgétaires passés avec les institutions spécialisées visées à l'article 57 et examine les budgets administratifs desdites institutions en vue de leur adresser des recommandations.

 

Article 19

         Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de l'Organisation ne peut participer au vote à l'Assemblée Générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L'Assemblée Générale peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté.

 

 

    Christian SCHRICKE, Maître des Requêtes au Conseil d'État français et jurisconsulte de l'OCDE explicite les circonstances de la rédaction de l'article 17 et la notion de dépenses. Cet article 17 est le fondement du principe d'autonomie financière de l'Organisation.

  L'article de la SDN était plutôt laconique et la Société connut de très sérieuses difficultés financières. Comme le Pacte ne précisait pas quelle instance devait contrôler les finances, il s'ensuit une lutte entre l'Assemblée et le Conseil, et la Commission difficilement mise sur pied pour le faire n'eut que peu de poids. La disposition de l'alinéa 5 fut amendée pour 1924 : "Les dépenses de la Société seront supportées par les membres de la Société dans la proportion décidée par l'Assemblée". C'est dans la lignée de la réflexion sur les finances de la SDN que fut rédigé l'article 17 de l'ONU. Ainsi les instances furent bien définies dès 1945. Si l'Assemblée examine et approuve le budget, c'est le Secrétariat, sous l'autorité du Secrétaire Général (articles 97 et 98) qui le prépare et l'exécute. Le budget en libellé en dollars des États-Unis et l'exercice budgétaire s'étend sur deux années civiles.

Mais les comptables publics ne seront pas surpris de constater l'existence de problèmes inhérents à la définition même de budget. "Très rapidement, est apparue une distinction comptable fondamentale entre le budget proprement dit et divers comptes dits "extra-budgétaires". Cette distinction, familière dans le droit budgétaire des États, présente ici une importance particulière où elle correspond à des modalités de financement différentes." De fait, "à l'heure actuelle, le budget ordinaire ne représente plus qu'environ un tiers de l'ensemble des dépenses de l'organisation". C'est donc surtout sur les opérations extra-budgétaires que l'ONU rencontre des difficultés financières, notamment sur les programmes touchant directement à l'objet principal de l'organisation, le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce qui n'est guère étonnant vu les réticences des États membres à respecter des obligations qui limitent leur souveraineté.

"Les difficultés sont apparues lors de la création de la première Force d'urgence des Nations Unies (FUNU) en novembre 1956 et se sont aggravées avec la création de l'Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) en 1960 pour culminer en 1964-65, lorsque plusieurs États (dont l'URSS et la France) ont été menacés de perdre leur droit de vote en Assemblée en application de l'article 19 de la Charte". 

Christian SCHRICKE informe également sur le fait que "aucun accord n'a pu être réalisé sur les principes directeurs applicables au financement de ces opérations. Toutefois, les oppositions sont moins vives et les lignes de partage entre États membres sur la question du financement ont évolué, principalement parce que l'Assemblée Générale n'a plus cherché à établir elle-même des opérations de maintien de la paix. En effet, les opérations qui ont été mises en place depuis 1964 l'ont toujours été par le Conseil de Sécurité, qui a approuvé le mode de financement proposé : tantôt uniquement des contributions volontaires (Force des Nations Unies à Chypre) ; tantôt principalement des contributions obligatoires établies d'après un barème particulier (...)".

Malgré l'aplanissement des difficultés, "certains pays continuent toutefois de refuser de payer tout ou partie de leurs contributions". Ainsi l'Afrique du Sud (avant 1990), certains pays arabes qui n'acceptent pas de contribuer aux dépenses de forces de maintien de la paix au Moyen Orient, "au motif que celles-ci devraient incomber exclusivement à "l'agresseur" (Israël)". Les États-Unis refusent de payer une part de leur contribution qui correspond à des dépenses, qui, selon eux, ont été illégalement imputées au budget ordinaire. "Mais le problème le plus grave par son ampleur a été celui posé depuis quelques années (l'auteur écrit dans l'édition de 1991) par les "retenues" faites par les États-Unis pour divers motifs : certaines retenues sont liées à la volonté de réduire le déficit budgétaire américain et n'affectent l'ONU que par accident ; d'autres visent à faire pression sur l'Organisation et sur les institutions spécialisées du système." Si les difficultés demeurent (en 1989, les arriérés atteignaient 214 millions de dollars sur les 268 millions dûs par l'ensemble des membres de l'ONU), c'est, pense l'auteur, "parce que la notion de dépenses de l'organisation reste discutée plus de 20 ans après l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice", lequel donnait à l'Assemblée pleine latitude pour le financement approprié de toutes actions décidées.

        Dans l'édition de 2005, Geneviève BASTID-BURDEAU, Professeure à l'Université Panthéon-Sorbonne et Membre de l'Institut de Droit International, indique entre autres que "à la fin des années 90 les nombreuses critiques adressées par certains membres à l'égard de la gestion de l'Organisation et de son manque allégué d'efficacité ont conduit, dans la ligne du rapport du Secrétaire général sur la rénovation de l'Organisation, à une nouvelle réflexion autour de la notion de "gestion axée sur les résultats" qui tendait à se développer dans le cadre d'un certain nombre d'États et qui a été introduite dès cette époque dans plusieurs institutions spécialisées (...). La budgétisation axée sur les résultats implique d'une part des objectifs à long terme exécutés au cours de plusieurs cycles budgétaires et d'autre part un lien entre ressources et résultats." Mais malgré les résolutions adoptées par l'Assemblée Générale (2000, 2002, 2003...), l'auteur constate que celle-ci "a marqué une certaine réticence à se départir des modes de présentation traditionnels du budget et n'a pas encore complètement tiré les conséquences de cette nouvelle orientation"... 

 Encore en 2005, donc, "pour le budget général comme pour les comptes des opérations de maintien de la paix ou les autres comptes spéciaux, la question du retard dans le versement des contributions et des arriérés demeure permanente. L'Assemblée Générale est amenée régulièrement à proposer des échéanciers aux États en retard afin d'apurer leur dette et d'examiner la situation des États dont le retard les rend passibles des sanctions de l'article 19, mais les moyens de l'Assemblée restent limités. (...) Seule la négociation avec les États concernés peut permettre de trouver des solutions"...

   Witold ZYSS, ancien chef de la Division des relations avec les Organisations Internationales, UNESCO, toujours dans l'édition de 2005, estime que "les avis divergent sur les résultats et l'efficacité des efforts accomplis, à la suite des recommandations de l'Assemblée générale et des organes créés par elle, pour promouvoir la coordination administrative et budgétaire". L'auteur semble manier la litote diplomatique quand il termine sur "On ne risque pas de se tromper beaucoup en affirmant que le résultats sont bien plus importants dans ce domaine que dans celui de la coordination des activités de programme".

     Pour le même auteur, toujours dans l'édition de 1991, la pratique de l'Assemblée a obscurci et affaibli la portée de l'article 19 : "force est de constater que la suspension du droit de vote n'a été en pratique appliquée de plein droit qu'à des pays peu puissants dont le défaut de paiement était imputable à des difficultés financières, tandis que l'Assemblée Générale a renoncé à y soumettre des membres permanents du Conseil de sécurité et leurs proches alliés qui refusaient de payer certaines contributions". Ce qui n'est pas étonnant...

   Jean-Luc FLORENT, directeur-adjoint des Affaires juridiques du Ministère des Affaires étrangères (français), tempère en concluant sa contribution dans l'édition de 2005, "qu'il n'en demeure pas moins que l'article 19 a sans doute utilement contribué à dissuader les États de faire preuve de davantage de laxisme au regard de leurs obligations financières vis-à-vis de l'Organisation des Nations unies.

 

Commentaire article par article de La Charte des Nations Unies, Economica, Editions de 1991 et de 2005.

 

Relu le 29 novembre 2019

 

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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 09:46
          Ces articles fixent les conditions de fonctionnement du Conseil et de l'Assemblée des deux organisations internationales.

  SDN

    Article 3, alinéa 2
          2 - Elle (L'Assemblée) se réunit à des époques fixées et à tout moment si les circonstances le demandent au siège de la société ou en tout autre lieu qui pourra être désigné.

    Article 4, alinéa 3
          3 - Le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent, et au moins une fois par an, au siège de la société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné.


  ONU

    Article 20
        L'Assemblée Générale tient une session annuelle régulière et lorsque les circonstances l'exigent, des sessions extraordinaires. Celles-ci sont convoquées par le Secrétaire Général sur la demande du Conseil de Sécurité ou de la majorité des membres des Nations Unies.

   Article 22
         L'Assemblée Générale peut créer les organes subsidiaires qu'elle juge nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

  Article 28
        1 - le Conseil de Sécurité est organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions en permanence. A cet effet, chaque membre du Conseil de Sécurité doit avoir en tout temps un représentant au siège de l'Organisation.
        2 - Le Conseil de Sécurité tient des réunions périodiques auxquelles chacun de ses membres peut, s'il le désire, se faire représenter par un membre de son gouvernement ou par quelque autre représentant spécialement désigné.
       3 - Le Conseil de Sécurité peut tenir des réunions à tous endroits autre que le Siège de l'Organisation qu'il juge les plus propres à faciliter sa tâche.

 Article 29
       Le Conseil de Sécurité peut créer les organes subsidiaires qu'il juge nécessaire à l'exercice de ses fonctions.


   André LEWIN, docteur en droit et ancien ambassadeur de France, fait remarquer que contrairement au Conseil de Sécurité de l'ONU, l'Assemblée Générale, pourtant l'organe le plus représentatif, "n'a pas été institué par la Charte comme un organe permanent". Les 42 sessions ordinaires tenues de 1946 à 1990 ont siégé en 3 609 séances et ont adopté 6 370 résolutions, sans compter les décisions et les élections. Un décompte effectué par le même auteur pour l'édition 2005 fait état de 57 sessions ordinaires tenues depuis 1946, qui ont permis d'adopter 10 507 résolutions, sans compter les décisions et les élections.
Chacune de ces séances amène à New York des milliers de délégués ; des chefs de gouvernements et d'institutions religieuses s'y expriment et ce foisonnement contraste tout-à-fait avec l'activité de l'Assemblée de la SDN, où les délégués se dépêchaient pour vaquer à d'autres occupations. L'allongement de la durée des débats, dont les implications financières sont suivies très longuement par la commission compétente, témoigne de l'intérêt des délégués quant aux travaux des Nations Unies.
     Les sessions extraordinaires ont examiné les conflits ou les situations ou les problèmes les plus importants : question de Palestine, question de Tunisie, situation financière de l'ONU, situation au Sud-Ouest africain, Matières premières et développement, Financement de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban, Nouvel ordre économique international...
     Des sessions extraordinaires d'urgence se sont tenues à propos du Canal de Suez, de la situation en Hongrie, au Liban, au Congo, en Afghanistan, ou pour la question de la Namibie. Elles furent instaurées au moment du conflit de Corée, par la résolution 377 (V), également connue sous le nom de résolution Acheson, votée par l'Assemblée le 3 novembre 1950.
"Utilisée 5 fois en onze ans, (cette) résolution fut ensuite oubliée pendant treize années, mais fut après 1980 utilisée quatre fois en deux ans, mais sur des problèmes qui, à l'exception de l'Afghanistan, ne présentaient pas un caractère de nouveauté, ni d'urgence exceptionnelle ; elle fut ensuite oubliée de nouveau pendant quinze ans, avant d'être utilisée de nouveau en 1997 (pour une 10ème session extraordinaire d'urgence qui s'est réunie neuf fois en 5 ans, sous 5 présidents différents). Il s'agissait en effet d'en appeler avec éclat à la communauté internationale en utilisant une procédure moins employée. Convoquée 6 fois, à la demande du Conseil, 4 fois à celle d'États membres, les 10 sessions extraordinaires d'urgence n'ont jamais réellement empiété, par leurs votes, sur les attributions fondamentales du Conseil de sécurité, et n'ont jamais adopté de résolutions impliquant l'emploi de la force, à la seule exception de la première d'entre elles, qui créa la première force d'urgence des Nations Unies (FUNU)."
Malgré les controverses, l'Assemblée Générale déploie une activité à propos de pratiquement tous les problèmes cruciaux de la planète.

   De même, analyse Jacqueline DUTHEIL de la ROCHERE, professeur à l'Université de Droit, d'Economie et de Sciences Sociales de Paris, l'Assemblée Générale a créé de nombreux organes subsidiaires, dans presque tous les domaines.
 Des organes subsidiaires assument des responsabilités dans les domaines financier, budgétaire et administratif, le plus souvent de manière permanente. D'autres se sont vus confier des missions proprement politiques, soit sous forme d'enquête ou d'étude, soit sous forme directement opérationnelle : établissement d'un gouvernement en Libye, surveillance des élections en Corée ou dans un territoire sous tutelle, administration provisoire du territoire de l'Iran occidental. Nombre d'entre eux ont ou ont eu un rôle de médiation (Palestine, Union sud-africaine..)
 Parmi les organes subsidiaires les plus importants figurent les organes d'exécution, appelés parfois agences opérationnelles, créés dans les domaines de l'assistance et du développement, et elle fonctionnent fréquemment sur le terrain. Parmi elles, on peut citer le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population, la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), le programme alimentaire mondial (PAM)...
  Certains organes ont été chargés de missions d'étude d'un caractère général ou particulier, d'autres correspondent à des missions permanentes de l'Assemblée Générale. Certains autres organes subsidiaires se sont vu reconnaître des compétences d'ordre judiciaire (Tribunaux des Nations Unies en Libye ou en Érythrée...).
   L'existence de ces organes subsidiaires, pour certaines d'entre eux, sont l'objet d'une concurrence de compétences entre le Conseil de Sécurité et l'Assemblée Générale, mais surtout de protestations de certaines États, pas toujours suivis d'ailleurs dans leur démarche, qui estiment qu'ils empiètent sur leur souveraineté ou la souveraineté d'États placés dans leur influence. Une forte limitation du pouvoir de ces organes, notamment pour ceux qui s'occupent d'un conflit direct entre deux États, provient du fait que leur activité dépend du libre consentement des États dans lesquels se déploient leur activité. Ainsi le problème s'est posé de manière aigue à propos de la FUNU, Force d'Urgence des Nations Unies de 1956, dans l'affaire de Suez.
     
     Jacques LEPRETTE, ancien représentant de la France (de 1976 à 1981) au Conseil de Sécurité, indique que "l'idée d'organiser le Conseil de Sécurité de telle sorte qu'il puisse exercer ses fonctions en permanence est nouvelle par rapport à la pratique de la Société des Nations. Rien de semblable n'existait à Genève. Le Conseil se réunissait "périodiquement", (suivant d'ailleurs l'article 4, paragraphe 3 du Pacte)". Les Secrétaires Généraux Trygve LIE et Dag HAMMARSKJOLD  proposèrent que les Ministres des Affaires étrangères des membres représentés y siègent.
   Mais finalement, en raison de la situation internationale, cette idée n'a pas eu de réalisation. L'ambassadeur donne trois raisons à ce fait : 
- pendant les années de l'après-guerre, les Ministres des Affaires étrangères des principales puissances se réunirent fréquemment pour traiter des problèmes mondiaux ;
 - par la suite, l'irritante question de la représentation de la Chine rendit sans espoir l'éventualité de réunions de ce type ;
 - enfin dans les années 1970 et 1980, le climat, aux Nations Unies, ne se prêtait guère à de telles concertations.
   "Mais depuis lors, l'esprit des relations internationales a changé. Les Soviétiques, au comité spécial de la Charte se font les avocats de cette formule. Le 13 janvier 1987, le Secrétaire général, M. Perez de CUELLAR, invite le Conseil de Sécurité à se réunir au niveau des ministres des affaires étrangères pour tenter de dénouer l'affaire Irak-Iran. Cette initiative aboutit le 20 juillet 1987 à l'adoption (...) de la résolution 598".
      Dans l'édition de 2005, Régis CHEMAIN, Maitre de conférences à l'Université de Paris X-Nanterre, indique que, malgré les textes (article 28.2 et article 4 du règlement intérieur) qui font obligation de tenir des sessions régulières périodiques, "force est de constater que celui-ci ne s'est pour ainsi dire jamais conformé à cette règle." Finalement, les grandes puissances, dont l'URSS, ont "accepté de privilégier des discussions au sein de l'Assemblée Générale". Par ailleurs, les principales puissances membres du Conseil de sécurité ont développé d'autres formes plus ou mois institutionnelles de réunions au sommet sur pratiquement toutes les questions d'importance mondiale.

     Emmanuel DECAUX, professeur à l'université du Maine, indique que le Conseil de Sécurité a mis en place un certain nombre d'organes subsidiaires : des comités pléniers (Comité d'État-Major, dont on sait qu'il n'a jamais été très actif, Comité d'expert chargé du règlement intérieur, Comité de l'admission de nouveaux membres, Commission très éphémère des armements de type classique, dissoute en 1952 ou Comité "concernant la question de l'Afrique du Sud" de 1977) et des comités restreints nombreux mais éphémères chargés surtout d'aplanir les difficultés diplomatiques entre membres du Conseil.
 Des organes hors du siège de l'ONU furent créés pour toutes sortes de questions, mais Emmanuel DECAUX attire surtout l'attention sur les missions confiées à des organes extérieurs, où le Conseil de Sécurité nomme un représentant pour l'Inde ou la Palestine. Et en fait, une confusion s'installe, sans doute parce que cela arrange le Conseil de Sécurité, entre la diplomatie personnelle du Secrétaire Général et ces organes subsidiaires du Conseil de Sécurité. Au-delà des résolutions de création qui accordent beaucoup de latitude d'action à ces organes, dans les limites de la Charte bien entendu, il apparaît qu'une collaboration étroite entre l'organe et le secrétariat général  donne à ce dernier une grande capacité d'initiative, pour réagir rapidement à toute évolution d'une situation. Ainsi, il en est des "forces de maintien de la paix".
    Dans l'édition de 2005, le lecteur peut trouver, écrit par le même auteur, des informations sur les différents comités créés par le Conseil de sécurité : énormément de comités ad hoc se forment et la pratique récente de réunions officieuses rend impossible une comparaison historique se fondant uniquement sur des données extérieures et ce n'est qu'à l'occasion de la "diversification fonctionnelle des organes subsidiaires", depuis le tournant des années 1990, que l'on peut tenter de distinguer les organes "selon le caractère interne ou extérieur au Conseil de sécurité."
 De manière empirique, et sans que l'on puisse en tirer une classification tranchée, "deux pôles logiques semblent néanmoins se dégager, avec des organes internes, dans le fil droit des fonctions diplomatiques du Conseil de sécurité, et des organes externes, chargés de fonctions opérationnelles, certaines placés sous un contrôle étroit, d'autres dotés d'une indépendance statutaire."
Comme organes internes, parmi les comités techniques, on peut trouver, à côté du Comité d'État-Major (d'importance très théorique), trois comités permanents créés en 1946 : un Comité d'experts chargé d'examiner le Règlement intérieur, un Comité de l'admission des nouveaux membres, et une Commission des armements de type classique qui présenta un programme laissé lettre morte.
Toujours comme organes internes, des comités opérationnels furent créés, issus de la pratique des sanctions. Ainsi, pour la pédiode d'après la guerre froide, on peut noter le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 661 (1990) concernant la situation entre l'Irak et le Koweit, ou le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 918 (1994) concernant le Rwanda.
Comme organes extérieurs, encore plus divers que les autres, on peut citer les organes dotés de compétences propres, ayant la charge de la cinquantaine d'opérations de maintien de la paix instituées depuis 1948. "A côté de ces opérations correspondant désormais à un modèle bien déterminé avec des composantes militaires et civiles correspondant à la typologie classique du peace-keeping", du "peace-making" et du "peace-building", le Conseil de sécurité a eu recours à des instruments de plus en plus différenciés depuis le tournant des années quatre-vingt-dix, à la suite notamment de l'agression irakienne contre le Koweit." 
Dans la même catégorie, autre outil original mis en place à la suite de la guerre du Golfe : le conseil d'administration de la Commission d'indemnisation des Nations Unies, chargée de traiter les réclamations et de verser les indemnisations pour les pertes et dommages résultant directement de l'invasion et de l'occupation du Koweit en 1990-1991.
De même, ont pris une grande importance deux Tribunaux ad hoc mis en place par le Conseil de sécurité : le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (résolution 827 (1993)) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (résolution 955 (1994)).
     Emmanuel DECAUX conclue : "On le voit, le Conseil de sécurité peut tout faire sur la base de l'article 29. Il peut créer des "groupes d'experts", des "groupes d'étude et instance de surveillance", des comités de sanctions, des missions sur le terrain et des opérations de maintien de la paix, des commissions d'indemnisation et des juridictions pénales. Le caractère "ad hoc" de ces différentes activités entrainera un caractère éphémère de certaines expériences. Il est sans doute possible que la création de la Cour pénale internationale prenne le relais des tribunaux pénaux, tout comme des agences spécialisées, le relais des commissions d'inspection. Dans certaines cas cependant un enjeu de pouvoir est évident, comme avec le développement du comité contre le terrorisme qui est l'embryon d'une nouvelle structure, placée sous le contrôlé strict du Conseil de sécurité. Ainsi, par un jeu de poupées russes, d'organes subsidiaires en groupes d'experts, le Conseil de sécurité tend à créer dans sa mouvance des organes dotés de moyens puissants, déplaçant ainsi le centre de gravité de l'organisation elle-même."
 
Commentaire article par article de La Charte des Nations unies, Économica, éditions de 1991 et de 2005.
 
Relu le 1er novembre 2012
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 14:58
       Dans chacun des organes de la SDN et de l'ONU, des procédures précises de vote  sont définies dans les articles qui suivent, et qui constituent des points d'ancrage importants de la formation, à l'intérieur de chacune des deux organisations internationales, des différents regroupements politiques. Pour la SDN, il s'agit des article 5 et 15 ; pour l'ONU, des articles 18, 27, 31 et 32.

SDN

    Article 5
         1 - Sauf disposition expressément contraire au présent Pacte ou des clauses du présent Traité, les décisions de l'Assemblée ou du Conseil sont prises à l'unanimité des Membres représentés à la réunion.
          2 - Toutes questions de procédure qui se posent aux réunions de l'Assemblée ou du Conseil, y compris la désignation des Commissions chargées d'enquêter sur des points particuliers, sont réglées par l'Assemblée ou par le Conseil et décidées à la majorité des Membres de la Société représentés à la réunion.
         3 - La première réunion de l'Assemblée et la première réunion du Conseil auront lieu sur convocation du Président des États-Unis d'Amérique.
 

  Article 15, alinéa 4 et suivants
          4 - Si le différend n'a pu se régler, le Conseil rédige et publie un rapport, voté soit à l'unanimité, soit à la majorité des voix, pour faire connaître les circonstances du différend et les solutions qu'il recommande comme les plus équitables et les mieux appropriées à l'espèce.
         5 - Tout Membre de la Société représenté au Conseil peut également publier un exposé des faits du différend et ses propres conclusions.
         6 - Si le rapport du Conseil est accepté à l'unanimité, le vote des représentants des Parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les Membres de la Société s'engagent à ne recourir à la guerre contre aucune Partie qui se conforme aux conclusions du rapport.
        7 - Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous ses Membres autres que les représentants de toute Partie au différend, les Membres de la Société se réservent le droit d'agir comme ils le jugeront nécessaire pour le maintien du droit et de la justice.
        8 - Si l'une de Parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le Conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander aucune solution.
       9 - le Conseil peut, dans tous les cas prévus au présent article, porter le différend devant l'Assemblée. L'Assemblée devra de même être saisie du différend à la requête de l'une des Parties ; cette requête devra être présentée dans les quatorze jours à dater du moment où le différend est porté devant le Conseil.
     10 - Dans toute affaire soumise à l'Assemblée, les dispositions du présent article et de l'article 12 relatives à l'action et aux pouvoirs du Conseil, s'appliquent également à l'action et aux pouvoirs de l'Assemblée avec l'approbation des Représentants des Membres de la Société représentés au Conseil et d'une majorité des autres Membres de la Société, à l'exclusion, dans chaque cas, des Représentants des Parties, a le même effet qu'un rapport du Conseil adopté à l'unanimité de ses membres autres que les Représentants des Parties.


 ONU

   Article 18
        1 - Chaque Membre de l'Assemblée Générale dispose d'une voix.
       2 - Les décisions de l'Assemblée Générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents et votants. Sont considérés comme questions importantes : les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, l'élection des membres du Conseil économique et social, l'élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1c de l'article 86, l'admission de nouveaux membres dans l'Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres, l'exclusion de membres, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires.
      3 - Les décisions sur d'autres questions, y compris la détermination de nouvelles catégories de questions à trancher à la majorité des deux tiers, sont prises à la majorité des membres présents et votants.

  Article 27
      1 - Chaque membre du Conseil de Sécurité dispose d'une voix.
      2 - Les décisions du Conseil de Sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres.
      3 - Les décisions du Conseil de Sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu que dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l'article 52, une partie à un différend s'abstient de voter.

  Article 31
      Tout Membre de l'Organisation qui n'est pas membre du Conseil de Sécurité peut participer, sans droit de vote, à la discussion de toute question soumise au Conseil de Sécurité, chaque fois que celui-ci estime que les intérêts de ce Membre sont particulièrement affectés.

 Article 32
      Tout Membre des Nations Unies qui n'est pas membre du Conseil de sécurité ou tout État qui n'est pas Membre de l'Organisation, s'il est partie à un différend examiné par le Conseil de Sécurité, est convié à participer, sans droit de vote, aux discussions relatives à ce différend. Le Conseil de Sécurité détermine les conditions qu'il estime juste de mettre à la participation d'un Etat qui n'est pas membre de l'organisation.

       André LEWIN, ministre plénipotentiaire, analyse l'article 18 de la Charte de l'ONU d'abord comme une des réalisations du fondement du principe d'égalité de tous ses membres. Cette notion ne fait que reprendre la pratique d'autres organisations internationales, en particulier de la Société des Nations (certaines autres organisations internationales, comme le FMI, la Banque Mondiale ou la FIDA pratiquent une pondération des votes). Des discussions eurent lieu sur une pondération des votes lors de la multiplication des membres et de l'admission dans les années récentes de nombreux États exigus et peu peuplés, sans aboutir à des réalisations concrètes.
   Sur les paragraphes 2 et 3 concernant le type de majorité à atteindre pour le vote des résolutions, "l'évolution de la pratique montre que les règles de majorité édictées par la Charte ne suscitent plus guère aujourd'hui le même intérêt (qu'auparavant)."
"En effet, la progression du nombre des membres qui font partie du Mouvement des non-alignés (essentiellement pour les décisions de nature politique) ou du groupe des 77 (surtout pour les décisions de nature économique) assure, dans la quasi totalité des cas, une large majorité aux résolutions soumises au vote et les auteurs d'un projet de résolution qui ne seraient pas assurés du patronage ou du soutien des non-alignés ou des 77 ont peu de chances de voir leur texte approuvé ; les projets qui divisent les non-alignés existent, certes, et quelquefois ils sont importants (comme la représentation du Kampuchéa ou le problème du Sahara occidental), mais ils sont finalement peu nombreux." 
    La recherche du consensus poussent finalement les majorités vers l'unanimité et rejettent un nombre limité d'États membres vers le vote négatif ou l'abstention (comme Israël et l'Afrique du Sud au moment de la période de l'apartheid). La pratique est de considérer un texte comme adopté, par constatation du Président de l'Assemblée Générale en séance d'un consensus, alors que la Charte ne mentionne pas cette procédure de consensus, ni d'ailleurs le Règlement intérieur (qui dispose tout de même dans son annexe V, "que l'adoption de décisions et de résolutions par consensus est souhaitable lorsqu'elle contribue à un règlement efficace et durable des différends et, partant, à un renforcement de l'autorité de l'Organisation". La pratique des Nations Unies montre par exemple que "de sa XXVe à sa 33ème session, sur plus de 1900 résolutions adoptées, près de la moitié (948) ont été adoptées par plus de deux tiers des voix, et 24 seulement à la majorité simple, cependant que 932 résolutions l'étaient pas consensus".
André LEWIN conclue que "l'abus du principe majoritaire et son inefficacité ont ainsi conduit à une revanche du principe unanimitaire ; mais c'est en quelque sorte introduire le droit de veto à l'Assemblée Générale, car il est évident que le refus de se joindre au consensus n'empêche la formation de celui-ci que s'il émane de puissances importantes". La recherche du consensus, écrit encore l'auteur, "peut certes, aboutir à des résolutions fades et sans vigueur (nous pensons d'ailleurs cela très dommageable pour l'effectivité du pouvoir de l'ONU), où chacun trouve, ou croit trouver, son compte. Mais, une fois dépassée l'ère de la majorité écrasante et des triomphes faciles et sans signification pratique, le consensus a réintroduit la négociation dans le processus de prise de décision aux Nations Unies."
  
           Paul TAVERNIER, professeur à l'université de Rouen, pointe avec raison le fait que "le fameux droit de veto qui a fait l'objet de vives discussions à la conférence (préparatoire de la Charte) de San Francisco (...) demeure la cible des attaques les plus virulentes à l'heure actuelle, au nom de l'égalité souveraine des États solennellement proclamée à l'article 2, paragraphe 1."
Le texte de l'article 27 fut amendé le 17 décembre 1963 lorsque le nombre de membres du Conseil de Sécurité passa de 11 à 15. La majorité des voix, prévue aux paragraphes 2 et 3 a été portée de 7 à 9.
Alors que le texte parle de questions de procédures, "le Répertoire de la pratique suivie par les organes des Nations Unies et le Répertoire de la pratique du Conseil de Sécurité montrent que la distinction entre les questions de procédure et les autres questions reste très difficile à préciser."...  La tendance est "plutôt à un élargissement du domaine du veto grâce à une interprétation extensive des questions qui ne sont pas des questions de procédure".
Le texte mentionne un vote affirmatif alors que dans la pratique est prise en compte l'abstention au vote, "ce qui constitue un cas remarquable d'une coutume modificative d'un traité". La non-participation au vote est interprétée comme une abstention et des résolutions, même si cela est plutôt rare, peuvent être adoptée sans qu'aucun des membres permanents ne lui apporte un vote positif (1973, Moyen-Orient).
    L'application de l'article 27 a soulevé trois séries de difficultés d'interprétation :
- la distinction entre le Chapitre VI et le Chapitre VII de la Charte, mais comme "le Conseil de Sécurité précise rarement la base juridique de son action et que le doute est souvent permis", finalement...cela importe peu (du moins jusqu'en 1991) ;
- la distinction entre différend et situation est peu usitée car de toute façon la distinction en est malaisée...
- l'identification des "parties" à un différend est souvent très délicate. Du coup, cette règle n'est pratiquement pas appliquée....
 Pour se rendre compte de la réalité de la diplomatie interne des Nations Unies, il faut savoir que plus de 30% des décisions du Conseil de Sécurité sont adoptées sans vote... La pratique du consensus, sans être aussi systématique que dans l'Assemblée Générale, infléchit finalement fortement le fonctionnement de l'ONU par rapport à la Charte...
   Dans ces conditions, et avec notamment la résolution Acheson de l'Assemblée Générale votée en 1950, la réforme du droit de veto n'est "pas pour demain", ni non plus d'ailleurs l'abus de ce droit intervenu surtout pour l'admission de nouveaux membres ou l'élection du Secrétaire Général. Et ceci d'autant plus que ce droit de veto ne peut être discuté et à plus forte raison supprimé qu'avec l'accord précisément de ses principaux bénéficiaires, à savoir les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité...
    Toutefois, comme l'écrit le même auteur dans l'édition de 2005, la question du droit de veto fut discutée depuis 1992, dans le cadre du Groupe de travail à composition non limitée chargé d'examiner tous les aspects de la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité, de l'augmentation du nombre de ses membres à d'autres questions. "Le Rapport du Groupe de travail présenté à la 58ème session de l'Assemblée générale (2004), fait état des opinions exprimées sur cette question sans prendre formellement position". De plus, depuis la fin de la guerre froide, (en 1990), le nombre de veto a considérablement diminué et "on relève l'absence de veto certaines années (1991, 1992, 1998 et 2000)..."   
    
Commentaire article par article de La Charte des Nations Unies, Economica, Editions de 1991 et de 2005.    
 
Relu le 5 novembre 2019          

      


 
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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 09:30
    Les organes de la SDN et de l'ONU sont structurellement les mêmes à peu près, mais diffèrent par leur composition et leur fonctionnement. Ici, c'est surtout leur fonctionnement qui est examiné dans les articles 2, 3, 4 et 6 du Pacte de la SDN et dans les articles 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 23, 26, 97, 98 et 99 de la Charte de l'ONU.
 
 
SDN

   Article 2
L'action de la Société, telle qu'elle est définie dans le présent Pacte s'exerce par une Assemblée et par un Conseil assistés d'un Secrétariat permanent.

   Article 3 - Assemblée
1- L'Assemblée se compose de Représentants des Membres de la Société.
2 - Elle se réunit à des époques fixes et à tout autre moment, si les circonstances le demandent au siège de la Société ou en un autre lieu qui pourra être désigné.
3 - L'Assemblée connaît de toute question qui rentre dans la sphère d'activité de la Société ou qui affecte la paix dans le monde.
4 - Chaque Membre de la Société ne peut compter plus de trois Représentants dans l'Assemblée et ne dispose que d'une seule voix.

    Article 4 - Conseil
1 - Le Conseil se compose de Représentants des Principales Puissances alliées et associées ainsi que de Représentants de quatre autre membres de la Société. Ces quatre Membres sont désignés librement par l'Assemblée et aux époques qu'il lui plaît de choisir. Jusqu'à la première désignation par l'Assemblée, les Représentants de la Belgique, du Brésil, de l'Espagne et de la Grèce sont membres du Conseil.
2 - Avec l'approbation de la majorité de l'Assemblée, le Conseil peut désigner d'autres membres de la Société dont la représentation sera désormais permanente au Conseil. Il peut avec la même approbation augmenter le nombre des Membres de la Société qui seront choisis par l'Assemblée pour être représentés au Conseil.
3 - Le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent et au moins une fois par an, au siège de la Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné.
4 - Le Conseil connaît de toute question rentrant dans la sphère de l'activité de la Société ou affectant la paix du monde.
5 - Tout Membre de la Société qui n'est pas représenté au Conseil est invité à y envoyer siéger un Représentant lorsqu'une question qui l'intéresse particulièrement est portée devant le Conseil.
6 - Chaque Membre de la Société représenté au Conseil ne dispose que d'une voix et n'a qu'un Représentant.

    Article 6 - Secrétariat
1 - Le Secrétariat permanent est établi au siège de la Société. Il comprend un Secrétaire général, ainsi que les secrétaires et le personnel nécessaires.
2 - Le premier Secrétaire général est désigné dans l'Annexe. Par la suite, le Secrétaire général sera nommé par le Conseil avec l'approbation de la majorité de l'Assemblée.
3 - Les secrétaires et le personnel du Secrétariat sont nommés par le Secrétaire général avec l'approbation du Conseil.
4 - Le Secrétaire général de la Société est de droit Secrétaire général de l'Assemblée et du Conseil.
  
  (L'article 5 concerne les finances)


 ONU

       Article 7
1 - il est créé comme organes principaux de l'Organisation des Nations Unies, une Assemblée Générale, un Conseil de Sécurité, un conseil économique et social, un Conseil de tutelle, une Cour Internationale de Justice et un Secrétariat.
2 - Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la présente Charte.

      Article 9 - Assemblée Générale
1 - L'Assemblée Générale se compose de tous les Membres des Nations Unies.
2 - Chaque Membre a cinq représentants au plus à l'Assemblée Générale.

      Article 10
L'Assemblée Générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l'un quelconque des organes prévus, et sous réserve des dispositions de l'article 12, formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux Membres de l'Organisation des Nations Unies, au Conseil de Sécurité ou aux Membres de l'Organisation et au Conseil de Sécurité.

       Article 11
1 - L'Assemblée Générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des armements et faire sur ces principes, des recommandations, soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de Sécurité, soit aux Membres de l'Organisation et au Conseil de Sécurité.
2 - L'Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'une quelconque des Nations Unies, ou par le Conseil de Sécurité, ou par un État qui n'est pas Membre de l'Organisation, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 12, faire sur toutes questions de ce genre des recommandations soit à l'État ou aux États intéressés, soit au Conseil de Sécurité, soit aux États et au Conseil de Sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est renvoyée au Conseil de Sécurité par l'Assemblée Générale, avant ou après discussion.
3 - L'Assemblée Générale peut attirer l'attention du Conseil de Sécurité sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales.
4 - Les pouvoirs de l'Assemblée Générale énumérés dans le présent article ne limitent pas la portée générale de l'article 10.

      Article 12
1 - Tant que le Conseil de Sécurité remplit à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée Générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette solution, à moins que le Conseil de Sécurité ne lui demande.
2 - Le Secrétariat Général, avec l'assentiment du Conseil de Sécurité, porte à la connaissance de l'Assemblée Générale, lors de chaque session, les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s'occupe le Conseil de Sécurité ; il avise de même l'Assemblée Générale ou, si l'Assemblée ne siège pas, les Membres de l'Organisation, dès que le Conseil de Sécurité cesse de s'occuper des dites affaires.

      Article 13
1 - L'Assemblée Générale provoque des études et fait des recommandations en vue de :
a) développer la coopération internationale dans le domaine politique et encourager le développement progressif du droit international et sa codification.
b) développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2 - Les autres responsabilités, fonctions et pouvoirs de l'Assemblée Générale, relativement aux questions mentionnées au paragraphe 1b ci-dessus, sont énoncées aux chapitres IX et X.

        Article 14
Sous réserve des dispositions de l'article 12, l'Assemblée Générale peut recommander les mesures propres à assurer l'ajustement pacifique de toute situation, quelle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à nuire au bien être général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les situations résultant d'une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies.

       Article 15
L'Assemblée Générale reçoit et étudie les rapports annuels et les rapports spéciaux du Conseil de Sécurité. Ces rapports comprennent un compte rendu des mesures que le Conseil de Sécurité a décidées ou prises pour maintenir la paix et la sécurité internationales.
L'Assemblée Générale reçoit et étudie les rapports des autres organes de l'Organisation.

     Article 16
L'Assemblée Générale remplit en ce qui concerne le régime international de tutelle, les fonctions qui lui sont dévolues en vertu des chapitres XII et XIII, entre autres, elle approuve les rapports de tutelle relatifs aux zones non désignées comme zones stratégiques.

     Article 23  Conseil de Sécurité
1 - Le Conseil de Sécurité se compose de quinze membres de l'Organisation. La République de Chine, la France, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de Sécurité. Dix autres membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de Sécurité par l'Assemblée Générale qui tient spécialement compte en premier lieu de la contribution des membres de l'Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation et aussi d'une répartition géographique équitable.
2 - Les membres non permanents du Conseil de Sécurité sont élus pour une période de deux ans. Lors de la première élection des membres non permanents après que le nombre des membres du Conseil aura été porté de onze à quinze, deux des quatre membres supplémentaires seront élus pour une période d'un an. Les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles.
3 - Chaque membre du Conseil de Sécurité a un représentant au Conseil.

    Article 24
1 - Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses membres confèrent au Conseil de Sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le conseil de Sécurité agit en leur nom.
2 - Dans l'accomplissement de ces devoirs, le Conseil de Sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de Sécurité pour lui permettre d'accomplir lesdits pouvoirs sont définis aux chapitres VI, VII, VIII et XII.
3 - Le Conseil de Sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant des rapports spéciaux à l'Assemblée Générale.

    Article 26
Afin de favoriser l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de Sécurité est chargé, avec l'assistance du comité d'État-Major prévu à l'article 47, d'élaborer des plans qui seront soumis aux membres de l'Organisation en vue d'établir un système de réglementation des armements.

     Article 97  Secrétariat Général
Le Secrétariat comprend un Secrétaire Général et le personnel que peut exiger l'Organisation. le Secrétaire Général est nommé par l'Assemblée Générale sur la recommandation du Conseil de Sécurité. Il est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation.

     Article 98
Le Secrétaire Général agit en cette qualité à toutes les réunions de l'Assemblée Générale, du Conseil de Sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il est chargé par ces organes. Il présente à l'Assemblée Générale un rapport annuel sur l'activité de l'Organisation.

    Article 99
Le Secrétaire Général peut attirer l'attention du Conseil de Sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.



     Pierre GERBET indique les divergences entre les membres fondateurs sur à la fois la qualité et le nombre des membres du Conseil et de l'Assemblée de la SDN. Le Président américain WILSON avait parlé des peuples se gouvernant eux-mêmes et jouissant d'institutions représentatives et démocratiques. La Grande Bretagne voulait que la SDN fut ouverte à ses Dominions, tandis que la France ne réclama rien de tel pour la Tunisie, le Maroc ou l'Indochine. Le refus du Parlement des États-Unis de ratifier le Pacte de la SDN porta dès le début atteinte au principe d'universalité de la SDN, alors qu'il était prévu que les États-Unis fasse partie du Conseil en compagnie de ses alliés dans la victoire de la Première Guerre Mondiale, la Grande Bretagne, la France, l'Italie et le Japon (l'allié de la Grande Bretagne depuis le début du siècle). A côté de ces membres permanents siégeront des représentants d'États avant la première élection par l'Assemblée, la Belgique, le Brésil, la Grèce et l'Espagne. Le  Conseil comporta donc au début 8 membres, mais de 1920 à 1926, ce nombre passa à quatorze jusqu'en 1933.
    Un des problèmes cruciaux de la SDN était bien entendu sa représentativité sur la scène internationale, et la question de la réforme de ses organes occupa une grande partie de son temps, au fur et à mesure des nouvelles adhésions. Mais de crise et crise, à partir de 1933 surtout, des démissions successives mirent à mal de façon définitive sa capacité d'action...
Le travail du Secrétariat s'organisa de façon empirique, son statut par rapport aux Conseil et Assemblée n'étant pas très précis. En fait, ses tâches découlèrent plus de la pratique que de textes constitutifs. "Forteresse de l'internationalisme, il disposait dès le début d'une puissance de fait qui mérite d'être soulignée. Il était l'élément permanent, en face d'un Conseil et d'une Assemblée dont les membres, absorbés par leurs fonctions nationales, regagnaient dans la hâte leur pays respectif après chaque session (...) L'action de la coopération diplomatique du Secrétariat était la base de tout".

   Dès le début, l'ONU, selon Jacqueline DUTHEIL de la ROCHERE, se dote d'un organe judiciaire, la Cour Internationale de Justice, qui constitue "l'organe judiciaire principal" des Nations Unies", qui prend la suite de la Cour permanente de justice internationale, avec pour différence formelle qu'elle fait partie de l'organisation internationale. Il faut remarquer, par le paragraphe 2 de l'article 7, qu'elle ne se fixe aucune limite dans la création d'organes subsidiaires "qui se révéleraient nécessaires".
Créés par décision du Secrétaire Général, par résolution de l'Assemblée Générale ou du Conseil de Sécurité et même du Conseil économique et social, des organisations jouissant d'une autonomie importante (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Fonds des Nations Unies pour le l'enfance, CNUCED, ONUDI, PNUD...) font partie de l'ensemble du système de l'ONU. Des institutions spécialisées, crées par des ensembles d'États, possèdent une base juridique distincte de celle des Nations Unies (la FAO par exemple), mais dans la pratique ils fonctionnent comme des organes subsidiaires, notamment en application de l'article 63 de la Charte qui prévoit les accords de coordination.

   Theodore MELESCANU, professeur à la Faculté des Sciences Politiques de l'Université de Bucarest écrit sur la nécessité d'une réforme du système des Nations Unies, suite à la prolifération institutionnelle, normative et opérationnelle que cette prolifération, malgré les risques de chevauchement, de double-emploi et de confusion, "est cependant une conséquence inévitable de la multiplication des domaines d'intervention des Nations Unies. De ce point de vue, on peut considérer que cette prolifération est à la fois une faiblesse et un avantage car elle a permis aux Nations Unies de répondre aux défis du multilatéralisme et de la globalisation."   
    Sous couvert de critiques sur le bureaucratisme, se cache souvent, dirions-nous, des motifs purement politiques. Devant la montée en puissance du multilatéralisme onusien, les États-Unis par exemple, principale puissance à en souffrir inévitablement, ont utilisé l'arme financière : en se retirant de l'UNESCO (30% de son budget), en ne payant pas dans les temps sa contribution au budget général. Ils ont même remis en cause leur accord de 1964 sur la juridiction obligatoire de la Cour Internationale de Justice.
    Après la fin de la guerre froide et avec le rapprochement politique des États-Unis et de la l'Union Soviétique, puis de la Russie, de nombreuses propositions ont été faites pour accroitre le rôle de l'ONU, tout en en effectuant une réforme. L'Agenda pour la paix de 1992 du Secrétariat général a permis entre autres en 1995 l'ouverture du Comité spécial pour la Charte et pour le raffermissement du rôle de l'Organisation créé en 1975, à la participation de tous les membres de l'Organisation. Des propositions ont été émises de manière générale, mais peu de propositions concrètes en sont issus. Dans un rapport de 2004, le Comité "a soumis à l'Assemblée générale des propositions concernant la mise en oeuvre des dispositions de la Charte relatives à l'assistance aux États tiers touchés par l'application des sanctions qu'on se propose de reprendre dans une déclaration de l'Assemblée générale", indique l'auteur.

   L'article 9 (André LEWIN) sur la composition de l'Assemblée Générale, affirme l'universalité de l'ONU.

   L'article 10, sur ses fonctions et pouvoirs (Mohammed BENNANI), dévolue à cette Assemblée un rôle de forum mondial où "vont s'harmoniser les efforts vers la réalisation des buts et principes de l'Organisation. Certains parlent de "conscience collective universelle", d'"autorité morale", et beaucoup de pays membres, pour faire avancer certaines causes la considèrent comme telle.
"Dans la plupart des cas, l'Assemblée est souveraine puisqu'il lui appartient de se prononcer en cas de besoin sur sa propre compétence. Cependant, dans de nombreuses hypothèses, elle est appelée à partager son pouvoir de décision avec le Conseil de Sécurité quand il s'agit de questions qui relèvent, de par leur nature, de la paix et de la sécurité internationales". Lors de la guerre de Corée en 1950, comme au moment de l'affaire du Congo belge en 1960, l'Assemblée Générale prit acte de l'impossibilité d'agir du Conseil de Sécurité. D'abord en 1950, la "théorie du non-exercice de ses fonctions" par le Conseil de Sécurité joua au profit de l'Assemblée Générale, qui, par l'adoption de la résolution "Union pour le maintien de la paix" (appelée aussi résolution Dean Acheson) le 3 novembre 1950, se saisit de la question de la guerre entre les deux Corées. Ensuite, en 1960, prenant appui précisément sur cette résolution, l'Assemblée Générale décide la convocation d'une session extraordinaire pour examiner la question du Congo. Malgré les polémiques diplomatiques, cette fameuse résolution fait jurisprudence pour l'application de cet article 10.

   L'article 11 (Hubert THIERRY) fut appliqué à plusieurs reprises pour faire avancer l'étude des principes généraux du droit international : résolution sur la définition de l'agression, déclaration de Manille de 1982 sur le règlement pacifique des différends (quoique cette dernière relève plutôt de l'article 13...), mais c'est surtout dans le domaine du désarmement que le paragraphe 1 a été utilisé.
Mais les relations entre les deux Grands ne passèrent pas réellement par les Nations Unies dans ce domaine et les différentes Conférences (Conférence du Comité de désarmement, pour l'Arms control par exemple) furent plutôt seulement reliées aux Nations Unies. Les différentes Campagne de désarmement de l'ONU, sur la base d'études d'experts gouvernementaux ou de l'UNIDIR (Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement) eurent sans doute des effets diplomatiques importants sur les différentes négociations, mais  de manière tout-à-fait indirectes. Par ailleurs, l'abondance des travaux se traduit plutôt par une absence de clarté et des impacts limités. Les domaines abordés sont vastes et les résolutions très nombreuses, produisant parfois des effets très tard par rapport au moment de leur vote. Par exemple la résolution pour la cessation des essais d'armes nucléaires dataient déjà de 1963 et il fallut attendre la fin des années 1990, pour qu'ils cessent réellement.
     Hervé CASSAN explique que l'article 11 dans ses paragraphes 2 et 3, n'a que très rarement été appliqué dans une résolution. Le vote de la résolution Acheson "a créé, au sein de l'organisation, une pratique parallèle dont l'existence a totalement perturbé la logique du système initial de maintien de la paix". Elle n'est rattachable à aucune article et elle permit un changement de répartition de pouvoir entre le Conseil de Sécurité et l'Assemblée Générale, jusqu'à une "interchangeabilité des compétences". C'est-à-dire, en fait sur le droit à discuter d'une situation, sur le pouvoir de recommander, sur l'interdiction d'agir... La pratique fait que souvent l'Assemblée Générale s'autorise "à recommander des mesures précises concernant le maintien de la paix", ce qui "transforme l'acte de renvoi en une injonction adressée au Conseil de Sécurité.", et cela souvent avec l'approbation du Secrétaire Général.
   Hubert THIERRY, dans l'édition de 2005, signale que depuis la fin de la guerre froide, trois traités importants s'ajoutent aux précédents :
- la Convention sur les armes chimiques, adoptée le 13 janvier 1993, après de longues négociations au sein de la conférence de désarmement ;
 - le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, mais son entrée en vigueur est subordonnée à sa ratification par 44 États, dont l'Inde et le Pakistan qui y sont opposés ;
 - la convention d'Ottawa du 4 décembre 1997 sur l'interdiction et la destruction des mines antipersonnel.
  De nombreuses résolutions de l'Assemblée Générale appelaient ces traités. Mais son activité intense "ne suffit pas à cacher ou à compenser les revers qu'éprouve la cause du désarmement", surtout vu l'absence de certains États clés à chacun de ces trois traités.

    L'article 12, dans ces conditions, a toutes les chances de... ne pas être appliqué. Chacun de son côté, Assemblée Générale et Conseil de Sécurité, traitent en parallèle des mêmes questions (conflit racial en Afrique du Sud, situation en Angola, situation en Tunisie, situation en Rhodésie du Sud, question de Chypre...). Il existe même des répétitions de l'Assemblée Générale de résolution du Conseil de Sécurité (condamnation de l'attaque d'Israel sur le réaction nucléaire irakien en 1981) (Philippe MANIN), ce que la pratique mentionnée dans l'édition de 2005 confirme. La Cour Internationale de Justice a pointé d'ailleurs des résolutions (conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, 2004) où, selon elle, l'Assemblée Générale outrepasse ses compétences (Leonardo NEMER CALDEIRA BRANT).

   L'article 13, paragraphe 1 (a), établit Yves DAUDET, a vu son application, ce que l'on voit après analyse du Répertoire de la pratique suivie par les Organes des Nations Unies, se porter principalement "sur les aspects de codification et de développement progressif du droit international en tant que prolongement naturel et résultat de la coopération dans le domaine politique".
En 1947, l'Assemblée Générale crée la Commission pour le développement progressif du droit international et sa codification. Cette Commission prépare de nombreux textes de droit public international, comme la Charte des droits et devoirs économiques des États du 14 décembre 1974, et sa composition, experts scientifiques en droit indépendants de leurs gouvernements, permet d'aller très loin dans l'élaboration de textes qui se veulent contraignants. Ainsi pour  le droit de la mer (1958), pour l'élimination et la réduction des cas d'apatride dans l'avenir (1961) ou pour la succession d'États en matière de traités (1978). Une fois posés les principes élaborés par la Commission, et votés par l'Assemblée Générale, il reste à les appliquer, ce qui peut poser des difficultés d'ordre politique, mais dans l'ensemble l'appartenance à une même culture diplomatique fait que les différents États se plient aux Conventions qui sortent des travaux de cette Commission.
   Les obstacles à l'application de l'article 13, paragraphe 1 (b), explique Maurice FLORY, proviennent tout simplement du fait que "les questions économiques, sociales et culturelles comme celles qui concernent les droits de l'homme constituent, avant de faire l'objet d'une coopération internationale, un domaine essentiel de la politique nationale". Toutefois, les recommandations faites en application de cette partie de l'article 13 "sont nombreuses, plus d'une centaine à chaque session dont les trois quart ont trait à la coopération économique et sociale". "Un bilan de l'ONU montre l'ampleur de l'oeuvre accomplie depuis 1945. En volume, c'est beaucoup plus de la moitié de l'action de l'ONU qu'il faut inscrire sous le chapitre de la coopération économique et sociale qui constitue un domaine qui ne cesse de s'élargir."
      Anne-Thida NORODOM, Allocataire monitrice normalienne à l'Université Paris I, commence son article dans l'édition 2005 sur l'article 13, paragraphe 1 (a), de la Charte de l'ONU, en citant le ton provocateur de René-Jean DUPUY, qui posait la question de savoir si "la codification du droit international (avait) encore un intérêt à l'aube du 3ème millénaire". L'auteure, outre que nous pourrions relever que ces propos s'inscrivent bien dans une mondialisation libérale chaotique, pense au contraire que malgré ses imperfections, cet article conserve son utilité. D'ailleurs, il semble que ce soit l'avis des États membres, car la Commission du Droit International s'est élargie de 15 à 34 membres, ses status insistant sur sa représentativité "des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde". Elle a réussit, cette Commission, à élaborer une méthode qui permette de concilier de nombreuses contradictions entre les droits nationaux, en terme de procédure commune. Ses travaux "ont permis de consolider l'ordre juridique international avec notamment le droit des traité et des successions d'États sans oublier l'énonciation de principes en règles directives dans des domaines encore peu explorés (la nationalité en relation avec la succession d'États - 1999, la prévention des dommages transfrontières découlant d'activités dangereuses - 2001, la responsabilité des États pour faits internationalement illicites - 2001)

    L'article 14 définit avec le plus de précision les compétences de l'Assemblée, indique Philippe MANIN. "Même en l'absence de tout différend constitué, l'Assemblée Générale peut intervenir (...) dès lors qu'elle décèle l'existence d'une situation qui pourrait conduire à un différend", ce qui permet de passer outre les difficultés sur la qualification première de la situation en question. Ce qui permet à l'Assemblée Générale de produire des recommandations - leur application étant un autre problème - sur le fond de questions comme celles de la Palestine, de l'Afrique du Sud.
La Cour Internationale de Justice met l'accent sur l'intérêt de cet article dès 1962 : l'Assemblée Générale peut pratiquer délibérer de tout, et le Conseil de Sécurité, à qui est dévolu strictement l'action coercitive, doit tenir compte de ses recommandations. De fait, "l'article 14 a joué un rôle historique non négligeable en faveur d'une interprétation large des compétences de l'Assemblée dans le domaine du maintien de la paix. Ceci étant acquis, il peut arriver qu'il soit invoqué incidemment, mais il reste la plupart du temps à l'arrière-plan comme l'une des bases d'une compétence multiforme."

      Hervé CASSAN montre l'importance de l'article 15, dans son paragraphe 1, qui a son correspondant dans l'article 24, paragraphe 3. Dans le domaine des interpénétrations des compétences de l'Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité, la Charte prévoit 3 formes possibles de relations juridiques :
- un exercice conjoint de compétences (avec possibilité de saisine mutuelle et pouvoir de recommandation réciproque) ;
- un exercice successif de compétences (avec responsabilités principales reconnues au Conseil de Sécurité) ;
- un examen a posteriori par l'Assemblée Générale de l'action du Conseil de Sécurité.
 La question se pose : un pouvoir de contrôle ou un simple droit à l'information pour l'Assemblée Générale?
 En fait, il "est établi que l'Assemblée Générale n'examine pas, au fond, les rapports du Conseil de Sécurité", elle se borne à "prendre acte" ou à "prendre note" de ces rapports. Normalement, les rapports spéciaux, c'est-à-dire ceux qui concernent les mesures prises par le Conseil de Sécurité pour maintenir la paix et la sécurité internationale, devraient faire l'objet d'une étude précise, mais en fait ces rapports spéciaux concernent surtout l'admission ou la non-admission de nouveaux membres. Ceux-ci sont très étudiés, et l'Assemblée Générale s'est montrée impérative à plusieurs reprises.

     François LUCHAIRE, professeur émérite de l'Université Paris I, se demande dans l'édition de 2005, puisque tous les régimes de tutelle sont aujourd'hui levés, s'il "convient de se demander si l'article 16 pourrait dans l'avenir, recevoir de nouvelles applications." En effet, il se situe (comme l'article 77) dans un contexte de sortie de Seconde Guerre Mondiale où des populations ne se trouvaient pas dans la capacité d'assurer leur propre administration. De plus, sans faire référence au régime de tutelle, l'ONU peut effectuer des administrations provisoires comme pour le Timor Oriental. Mais des organismes politiques (Congo de Brazzaville pour l'un d'entre eux) peuvent effectuer des demandes dans ce sens en y faisant toujours référence (sans succès d'ailleurs).

      L'article 23 est, rappelle Madjid BENCHIKH, "un des articles les plus controversés dans le système constitutionnel des Nations Unies". Le Conseil comprenait à l'origine 5 membres permanents (Chine, Grande-Bretagne, France, URSS, États-Unis) et 6 membres non permanents.
Le 17 décembre 1963, l'Assemblée Générale, prenant en compte l'évolution de la société internationale consécutive au mouvement de décolonisation, procède à une modification de la composition du Conseil de Sécurité. Il comprend désormais, outre les 5 membres permanents, 10 membres non permanents, élus pour deux ans par l'Assemblée Générale à la majorité des deux tiers. De vifs débats ont lieu régulièrement, pour changer cette composition, notamment sur le nombre des membres non-permanents (le porter de 10 à 16 par exemple dans un projet du groupe des 77 formulé en 1980). Et aussi, depuis la fin du système des deux blocs, sur le nombre et la qualité des membres permanents, ce à quoi les membres actuels ont toujours répondu par le critère d'efficacité et de rapidité nécessaires à l'action du Conseil de Sécurité.
Depuis le résolution du 3 décembre 1993, signale l'auteur dans l'édition de 2005, "les débats montrent bien que les positions ont évolué. Désormais tous les groupes régionaux demandent une augmentation du nombre de représentants de leur région au sein du Conseil de sécurité. Mais ils revendiquent aussi un, voire deux sièges de membres permanents pour permettre à leur région et notamment à l'Afrique, à l'Amérique Latine et à l'Asie de peser sur l'élaboration et la prise de décisions touchant la paix et la sécurité internationales." De toute manière, encore aujourd'hui, ces questions ne recueillent pas d'accord entre les membres.
     Déjà, la SDN avait été le théâtre de semblables débats et nous trouvons regrettable que l'attention se polarise souvent sur la composition du Conseil de Sécurité et non sur les moyens de parvenir à donner aux résolutions de ce Conseil une force de loi effective. On peut craindre que les débats de ce genre n'enlisent l'ONU comme elle a enlisé en partie la SDN.

      L'article 24, dans ses paragraphes 1 et 2  (René DEGNI-SEGUI) donne au Conseil de Sécurité le rôle "de gendarme international qui a charge de concevoir et d'imposer l'ordre mondial. L'ONU enregistre en cela un net progrès par rapport à sa devancière qui, ne possédant pas un tel organe et s'en remettant à l'ensemble des États, s'est montrée inefficace."
La lettre et l'esprit de la Charte "conduisent à interpréter ce terme (responsabilité principale) dans le sens de "concurrence" des deux organes politiques, avec la primauté du Conseil". Mais, comme nous l'avons déjà écrit plus haut, la résolution 377 dite "Union pour la paix" a bouleversé l'équilibre des pouvoirs entre les deux instances.
Le professeur à la faculté de Droit d'Abidjan discerne trois périodes dans l'application de cette résolution :
- Durant la première, qui s'étale de 1951 à 1960 et qui est marquée par la guerre froide, elle a été employée 5 fois dans les situations les plus graves : Corée (1951), Suez (1956), Hongrie (1956), Liban (1958), Congo (1960) ;
- Durant la seconde, de 1961 à 1979, elle n'a été utilisée qu'une fois, en 1971, à propos du conflit indo-pakistanais ;
- Dans la dernière période, qui s'étend sur une courte durée, la résolution connaît un regain d'intérêt. En deux ans, de 1980 à 1982, elle est employée 4 fois et en 2 fois en 1986, à propos des affaires d'Afghanistan (1980), de Palestine (1980), de Namibie (1981), du Golan (1982), du Raid des États-Unis sur Tripoli (1986), et de l'application de l'arrêt de la Cour Internationale de Justice de 1986 dans l'affaire des activités militaires et para-militaires au Nicaragua et contre celui-ci.
  La majorité afro-asiatique entend se servir de plus en plus de cette résolution 377.
  Le juriste rappelle par ailleurs que l'article 27 limite les pouvoirs du Conseil : la décision ne peut se prendre que si 9 de ses membres sont d'accord, parmi lesquels sont compris tous les membres permanents.
    Dans l'édition de 2005, le professeur à la faculté de droit d'Abidjan complète son analyse, notamment sur la dernière période qui confirme la tendance. Le Conseil de sécurité a mis en oeuvre nombreuses de ses prérogatives que d'aucuns qualifient d'autoritaires ou d'exorbitantes (Il n'est pas difficile de deviner de quels diplomates proviennent de tels jugements...) : mesures provisoires telles que la cessation immédiate des hostilités, mise en demeure des autorités locales de mettre immédiatement fin à un acte répréhensible (épuration ethnique, Bosnie, 1994), déclaration de "nulle et non avenue" d'annexion d'un État par un autre (1990) et exigence des États membres de la non reconnaissance de l'annexion (du Koweit) et de l'État occupant (Irak) le retrait de ses troupes, exigence de libération des otages (1991), création d'organismes subsidiaires en vue de mettre en oeuvre son action en contribuant à restaurer et à maintenir la paix et la sécurité internationales (1993, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie - 1994, tribunal pénal international pour le Rwanda), décision de sanctions économiques conformément à l'article 41 : embargo général établi contre l'Irak (1990) ou sur les armes à destination de la Yougoslavie (1991), ou contre Haiti, suite au coup d'État qui a renversé Jean Bertrand ARISTIDE, président démocratiquement élu (1993), décision de sanctions militaires conformément à l'article 42 (1990, 1992, Koweit).
Mais, en fait, même si en droit le Conseil de sécurité agit, des limitations de fait à cette action interviennent assez vite : à de nombreuses reprises, il y a un transfert de l'exercice des pouvoirs du Conseil aux membres permanents, surtout dans les cas de crises graves et de guerres. Ainsi, l'opération Turquoise décidée en 1994 lancée au Rwanda où tout se passe comme si l'autorisation d'agir était automatique, malgré la réticence de l'instance onusienne compétente. De même pour les guerres du Golfe, où les forces anglo-américaines (1998, 2002, 2003) interviennent pour obtenir ensuite l'aval du Conseil de sécurité. L'auteur pointe d'ailleurs un élément rarement cité pour l'efficacité de l'ONU : la non-disponibilité par l'ONU d'informations pertinentes pour décider en toute connaissance de cause. En clair, l'absence de tout service de renseignement de l'organisation internationale... René DENI-SEGUI n'hésite pas à écrire que le conseil de sécurité est instrumentalisé par certains membres permanents, servant à légitimer des actions irrégulières.
Il revient dans sa conclusion sur ce rôle prépondérant, posant la question de l'abus du droit de veto exercé par ces membres permanents, droit de veto souvent contesté au sein de l'Assemblée Générale. Mais une Assemblée Générale réunie en séance plénière serait-elle à même d'exercer une action efficace et rapide, plus qu'un conseil de sécurité "congénitalement" handicapé par le veto?  Existe t-il une sorte de compromis restaurant l'idéal démocratique tout en garantissant cette efficacité. Même si l'auteur l'appelle de ses voeux, il semble bien en douter.

     Dans son commentaire sur l'article 25, Erik SUY, mentionne le fait que "la distinction entre les décisions et les recommandations tend à s'estomper".
La comparaison de la Charte, dans sa distinction des chapitres VI et VII, délimitant bien les résolutions préventives, conciliatrices et coercitives et de son application par le Conseil de Sécurité reste un sujet d'étonnement, mais qui s'explique par de multiples contorsions diplomatiques : "le Conseil s'abstient généralement (et délibérément) de faire référence à un chapitre ou à un article de la Charte pour justifier son action." Cela peut expliquer la difficulté pour l'étudiant ou le citoyen quand il étudie les résolutions concernant un conflit : la référence est souvent cumulative entre résolutions, et dans la résolution du début, il ne peut pas trouver cette justification... Malgré quarante ans de pratiques, "nonobstant les éclaircissements fournis par la Cour Internationale de Justice, n'ont pas été à même de résoudre définitivement la question de savoir quelles résolutions du Conseil de Sécurité sont obligatoires pour les États membres.
Logique et clair dans son énoncé, l'article 25 reste et restera ambigu dans son application". Une explication de cet état de fait peut être sans doute trouvée dans le fait que les États membres n'ont  tout simplement pas réellement encore choisi de se dessaisir d'une part de leur souveraineté dans le domaine de la guerre et de la paix.

     L'article 26 de la Charte concerne les différentes courses aux armements et d'emblée Hector GROS ESPIELL indique qu'à la différence de l'article 8 du Pacte de la SDN qui faisait référence à la "réduction des armements", il parle de "réglementation des armements".
"La Charte s'écarta de la procédure pour la réduction des armements (...) qui, instituant un système complexe et rigide, pût être considéré comme liée aux échecs de la Société des Nations en matière de réduction des armements"... Mais en fait, le changement de situation entre le moment de la rédaction de la Charte (nous étions encore en pleine guerre mondiale) et la période qui voit la crispation des relations entre les deux Grands, mène tout simplement à la "non application de l'article 26". "Cette non-application (...) a eu comme conséquence le déplacement de l'action des Nations Unies dans la matière vers l'Assemblée et les organes créés par elle (...)"

   L'article 97 sur le Secrétariat (Chapitre XV) donne au Secrétaire Général une certaine latitude d'action que assez vite, certains États lui contestèrent (Union Soviétique qui proposait de le remplacer par une troïka). La personnalité du Secrétaire Général est essentielle dans l'activité de l'organisation, d'autant qu'il est juridiquement le plus haut fonctionnaire de l'organisation.
Au-delà de la question du Secrétaire Général, comme l'écrit Mario BETTATI, c'est toute l'administration des Nations Unies qui grossit et, pour certains diplomates, s'enfle : "L'accroissement du nombre d'agents de l'Organisation est sans doute le signe (surtout quand nous le comparons au nombre rachitique du Secrétariat de la SDN) du dynamisme international et de l'extrême diversification des tâches que doit accomplir le système central et les organes subsidiaires. De 2 400 en 1946, il est passé à près de 15 000 aujourd'hui ; il ne cesse de préoccuper les États principaux contribuables d'autant qu'environ 80% du budget ordinaire de l'ONU est absorbé par les traitements, salaires et frais connexes". En 1984, le Secrétaire Général suspendit tout recrutement, pour réorganiser l'ensemble des services.

    L'article 98 laisse finalement au Secrétaire Général une grande latitude pour intervenir dans les conflits, tendant surtout à donner aux parties en présence les moyens de les résoudre plus qu'en utilisant les multiples forces des opérations de maintien de la paix, dont l'activité est réellement observée avec prudence (le mot est sans doute faible)  par l'ensemble des diplomates. Pour Marie-Claude SMOUTS, le rapport annuel sur l'activité de l'organisation est un moyen d'affirmer l'autorité politique et morale du Secrétaire Général, dans sa capacité d'impulser l'action.
  Pour Anne-Laure VAURS-CHAUMETTE, qui écrit pour cet article dans l'édition de 2005, le rôle du secrétaire général, outre ses fonctions très encadrées sur le plan administratif et financier, est surtout sensible dans le domaine de l'élaboration d'une doctrine des Nations Unies.
Son rapport annuel et ses déclarations, surtout dans la période récente, pèse d'un grand poids, au moins moral, sur la scène internationale. Qu'il soit incarné par soit Dag HAMMARSKJOLD, U. THANT ou Kofi ANNAN, "le rôle du Secrétaire général tant dans le règlement pacifique des différends que dans les opérations de maintien de la paix découle de la volonté de s'impliquer activement dans la préservation de la sécurité internationale."
Et jusque là, les diplomates désignés pour remplir cette fonction ont fait preuve d'un véritable engagement personnel peut-être injustement négligé parfois par les médias et par les commentateurs politiques, selon nous. Nous n'insisterons pas ici sur le fait que la diplomatie personnelle du secrétaire général de l'ONU ne déroge pas à la pratique ordinaire de la diplomatie, celle d'agir dans la discrétion, voire dans le secret...

    L'article 99 fut et est largement utilisé par le Secrétaire Général et par exemple, PEREZ DE CUELLAR, dans son rapport annuel insistait en 1982 sur la nécessité de jouer plus efficacement son rôle préventif et développer une capacité plus élargie et plus systématique d'établir les faits dans les zones de conflit potentiel.  Les États membres "n'ont jamais pu s'entendre pour opposer à (l'évolution du rôle du Secrétaire Général) un texte qui l'encourage ou bien qui y mette un frein". (Marie-Claude SMOUTS).
 Dans l'édition de 2005, Jorge CARDONA LLORENS, professeur de droit international à l'Univesité Jaume 1 à Castellon et Mariano AZNAR GOMEZ, professeur de droit international à l'Université de Valence (Espagne) indiquent qu'après la fin de la guerre froide, le secrétaire général a raffermi ses pouvoirs, raffermissement très progressif qui commence d'ailleurs bien avant. Boutros BOUTROS GHALI, par exemple, a réaffirmé à plusieurs reprises l'indépendance du Secrétaire Général vis-à-vis du Conseil de Sécurité, et Kofi ANNAN systématise cette position, concrètement, dans divers conflit, en insistant d'ailleurs sur l'aspect préventif de son action.
Spécialement depuis 1998, "l'on assiste à la multiplication de ce qui est connu sous le nom de "Missions politiques de consolidation de la paix". Bien qu'il y ait eu quelques précédents auparavant, c'est pendant cette dernière période que de telles missions vont connaitre leur développement majeur. Elles sont créées par le Secrétaire Général (qui ne fait qu'informer le Conseil de sécurité de sa création) et elles ont des buts en rapport direct avec la consolidation de la paix. Elles ne doivent cependant pas être confondues avec les Opérations de maintien de la paix." D'ailleurs dans ces Opérations de maintien de la paix elles-mêmes, le secrétaire général, avec l'appui d'ailleurs des autres organes des Nations Unies, exerce un rôle de... général, selon les termes mêmes du secrétaire général en exercice en 2003, lors de la crise en Irak. Il semble bien clair, selon nous, donc que le secrétaire général possède un rôle moteur dans l'ONU ; il reste à ce même secrétaire général la tâche énorme de convaincre les États membres de donner enfin à l'ONU un rôle moteur dans les relations internationales...

Pierre GERBET, Marie-Renée MOUTON et Victor-Yves GHEBALI, Le rêve d'un ordre mondial, de la SDN à l'ONU, Imprimerie Nationale, 1996. Commentaire article par article de La Charte des Nations Unies, sous la direction de Jean-Pierre COT et d'Alain PELLET, Economica, 1991. Commentaire article par article de La Charte des Nations Unies, sous la direction de Jean-Pierre COTT, de Alain PELLET et de Mathias FORTEAU, Economica, 2005.
 
Relu le 23 septembre 2019

  
   
 



   
  
 
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